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putés, s'attaquant aux motifs et à la portée de cette loi exceptionnelle, que l'abrogation en fut votée par le Corps législatif, sans discussion et sans contradiction par le gouvernement (J. off., 25 mars). Mais la Commission du Sénat, ne la trouvant pas justifiée, a proposé son rejet, avec l'assentiment du gouvernement lui-même 7. Dans la discussion en séance, qui portait sur l'ensemble des propositions abrogatives, aucune voix ne s'est élevée en faveur de celle-ci, qui paraissait devoir être repoussée lorsqu'il y aurait vote spécial. Mais les événements survenus ayant fait ajourner la solution sur les projets qui étaient l'objet de graves discussions, le Sénat a reconnu que l'ajournement devait comprendre même la proposition au rejet de laquelle concluait la Commission, pour qu'il ne parût pas saisir l'occasion d'un conflit avec le Corps législatif (J. off., 19 juill.).

C'est ainsi que se trouvent subsister, devant la Chambre législative

7. « Aujourd'hui moins que jamais, il n'est besoin de démontrer les dangers que fait courir à l'ordre public et aux intérêts sociaux la présence à Paris et dans l'agglomération lyonnaise de gens sans aveu, repris de justice incorrigibles, prêts à toute révolte, mendiants en attendant l'occasion, vagabonds moins pour éviter le fardeau qu'impose le domicile que pour se soustraire à la surveillance qu'il permet, en un mot, à cette classe dangereuse dont la résistance aux exigences salutaires de l'ordre et du travail est la constante et unique préoccupation. Cependant un vote existe; en l'absence de tout débat public, votre Commission, pour en expliquer le caractère, a épuisé le champ des conjectures. Au milieu de ce cliquetis de mesures répressives, quelque erreur se serait-elle glissée? Aurait-on rendu la loi de 1852 responsable de dispositions rigoureuses qui ne lui appartiennent pas? Aurait-on vu un empiétement sur les droits de la justice dans une mesure administrative qui découle d'une condamnation judiciaire? Se serait-on préoccupé avec plus de générosité que de sagesse de l'avenir des condamnés qui, dans les grandes agglomérations, trouvent plus facilement le moyen de gagner leur vie, sacrifiant à cet intérêt l'intérêt supérieur de la tranquillité de tous? De ce que le délit de coalition a été libéralement modifié, a-t-on cru qu'il n'existait plus etestimé en ce qui le concerne la loi inutile? A-t-on cédé à une pensée de mé nagements pour des adversaires sans merci? Quelle que soit la supposition à laquelle on s'arrête, il n'en est aucune qui légitime aux yeux de votre Commission la résolution qu'elle examine. Mais si les raisons qui ont pu conduire à l'abrogation de la loi de 1852 sont difficiles à saisir, les considérations qui en commandent le maintien se présentent à l'esprit, naturelles et impérieuses. Les individus qu'on a voulu atteindre sont les soldats nés de toute émeute, et sous peine de leur livrer de grands intérêts, les plus précieuses et les plus hautes existences, il faut donner au gouvernement, ou plutôt maintenir dans ses mains les armes nécessaires pour les écarter des grands centres, où leur présence est plus dangereuse et leurs moyens d'action plus redoutables. Au lieu de cela, on leur ouvre l'accès de la place publique effervescente et hostile; c'est là un oubli du passé, dont votre Commission décline la responsabilité. Arrivée à ce point de sa tâche, elle a voulu entendre MM. les conseillers d'Etat délégués; ceux-ci se sont rendus dans son sein, et ont nettement déclaré que le gouvernement n'insistait pas pour l'abrogation de la loi du 9 juill. 1852, loi dont l'existence est, aux yeux de tous, indispensable à l'ordre et à la paix publique. Nous vous demandons donc de repousser la proposition législative portant abrogation de la loi du 9 juill. 1852. » (Rapport de la Commission.)

saisie la seconde, les projets abrogatifs et le projet de loi nouvelle qui l'ont tant préoccupée.

VIII. Le plus important des projets de loi du gouvernement a subi un ajournement inattendu : c'est celui qui concerne la compétence et la procédure pour les délits de presse, à quoi la Commission du Corps législatif ajoutait les délits politiques (voy. suprà, p. 131). Préparé par le Conseil d'Etat dès le mois de janvier et immédiatement déposé, ce projet a été l'objet d'une foule d'amendements, dont la discussion a occupé un grand nombre de séances, de telle sorte que la loi n'a pu être votée que le 25 mai (voy. Journ. off. du 26). Quoique le Corps législatif eût repoussé la plupart des propositions ou amendements qui exagéraient la portée de la loi nouvelle, il en a admis plusieurs qui vont encore très loin selon les opinions modérées. Soumis sans retard au Sénat, avec un nouvel exposé de motifs (J. off., 4 juin), la loi ainsi votée a occupé longtemps la Commission spéciale, qui a dû examiner mûrement plusieurs innovations très graves, telles que celle qui déférerait au pays les délits politiques sans définition limitative ou nomenclature fermée, et celles qui permettraient toutes attaques ou preuves contre les fonctionnaires ainsi que contre d'autres personnes pour faits n'étant pas des actes de fonction, sans leur donner des garanties ou moyens de réparation pour les cas où la preuve n'aurait pas été faite . L'ajournement a été prononcé par le Sénat, sur la proposition de la Commission dont l'organe, M. Leroy de SaintArnaud, a dit en séance : « La loi proposée n'est pas de celles que l'on puisse discuter au milieu des faits qui ont saisi la pensée publique, et la loi votée par le Corps législatif présente un système de résolutions dont la Commission s'est tenue en certains points trop éloignée, pour que ces dissidences ne donnent point lieu à des discussions vives et approfondies. Vives, le moment ne serait pas bien choisi; approfondies, le temps nous manquerait. C'est pourquoi la Commission m'a chargé de vous proposer l'ajournement à la prochaine session du rapport et de la discussion de la loi sur la presse » (19 juill., J. off. du 20).

Lorsqu'il supposait l'adoption prochaine de la loi présentée, le gouvernement avait invité les procureurs généraux à s'abstenir provisoirement des poursuites qui ne seraient pas commandées par une trop flagrante atteinte aux lois qu'il s'agissait de modifier (voy. Journ. off., janv. 1870). L'ajournement et l'incertitude, pour les dispositions modificatives, laissent subsister entières toutes ces lois, en attendant le vote définitif de celle dont je donnerai le commentaire dès qu'il y promulgation. A plus forte raison conservons-nous intactes les

aura

8. Le Journal officiel lui-même constate que la Commission d'examen, nommée par les bureaux, s'est réunie très souvent sur convocations publiées (nos de juin et juillet).

dispositions non abrogées de la loi du 27 juill. 1849 et du décret-loi du 17 février 1852, dont l'abrogation ou le remplacement n'ont été demandés que par des propositions d'initiative parlementaire, telles que celles sur le colportage d'écrits, etc.

IX. L'une des lois, présentées par le gouvernement, qui ont été votées par les deux Chambres et promulguées, a pour cause occasionnelle un grave accident, attribué à l'embarquement sans précautions d'une matière inflammable, et pour but de prévenir le retour d'un tel sinistre, qui pourrait même mettre en danger la vie des personnes o. Cette loi donne une sanction pénale, suffisamment exprimée, à l'obligation, qu'elle impose et que développeront des règlements, de faire une déclaration et de prendre certaines précautions, lorsqu'il y aura embarquement ou expédition de matières pouvant être une cause d'explosion ou d'incendie. Ainsi que l'indique son titre, comprenant comme le texte tous transports par eau, les transports par chemins de fer sont en dehors des prévisions de cette loi, quoiqu'elle comprenne aussi les voies de terre pourquoi cette exception? La loi sur la police des chemins de fer, du 15 juill. 1845, et l'ordonnance réglementaire du 15 nov. 1846 ont un ensemble de dispositions, en rapport avec l'importance du sujet, qui avaient été mûrement conçues et que l'expérience a fait reconnaître suffisantes (voy. mon Rép. gén. du Dr. cr., vo Chemins de fer, § 4). On y trouvera même des règles ou précédents qui pourront servir à la solution de certaines questions, pour l'application de la loi nouvelle.

9. Loi sur le transport des marchandises dangereuses par eau et par voies de terre autres que les chemins de fer.

Art. 1er. Quiconque aura embarqué ou fait embarquer sur un bâtiment de commerce employé à la navigation maritime ou à la navigation sur les rivières et canaux, expédié ou fait expédier par voie de terre des matières pouvant être une cause d'explosion ou d'incendie, sans en avoir déclaré la nature au capitaine, maître ou patron, au commissionnaire expéditeur ou au voiturier, et sans avoir apposé des marques apparentes sur les emballages, sera puni d'une amende de 16 fr. à 3,000 fr. Cette disposition est applicable à l'embarquement sur navire étranger dans un port français ou sur un point quelconque des eaux françaises. · Art. 2. Un règlement d'administration publique déterminera: 1o la nomenclature des matières qui doivent être considérées comme pouvant donner lieu soit à des explosions, soit à des incendies; 2o la forme et la nature des marques à apposer sur les emballages. Art. 3. Un règlement d'administration publique déterminera également les conditions de l'embarquement et du débarquement desdites matières, et les précautions à prendre pour l'amarrage dans les ports des bâtiments qui en sont porteurs. Art. 4. Toute contravention au règlement d'administration publique énoncé à l'article précédent et aux arrêtés pris par les préfets, sous l'approbation du ministre des travaux publics, pour l'exécution dudit règlement, sera punie de la peine portée à l'art. 1er. Art. 5. En cas de récidive dans l'année, les peines prononcées par la présente loi seront portées au double, et le tribunal pourra, selon les circonstances, prononcer, en outre, un emprisonnement de trois jours à un mois.

Du 18 juin 1870.

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Il s'agit ici de police et de contraventions, quoique la loi commence par établir des peines et qu'elles soient correctionnelles par le taux. Les contraventions qui auraient été commises seront constatées selon les règles ordinaires, par procès-verbaux ou témoignages, et poursuivies devant les tribunaux correctionnels, dans l'arrondissement du lieu de l'embarquement ou de l'expédition, le navire fût-il étranger et quel que soit le point des eaux françaises où aura été fait l'embarquement sans les conditions prescrites. La contravention existerait et serait punissable, quoiqu'il n'en fût résulté aucun accident. Dans le cas d'explosion ou d'incendie occasionnant la mort ou des blessures, la négligence ou l'inobservation des règlements pourrait constituer l'un des délits prévus par les art. 319 et suiv. C. pén., suivant les principes qui furent expliqués dans la discussion sur la loi des chemins de fer (voy. Rép. cr., loc. cit., nos 22 et 23).

X. Une dernière loi a été motivée par la guerre survenue, qui a paru nécessaire autant que juste, pour l'honneur national; loi présentée par le gouvernement dès qu'il y avait déclaration de guerre, votée d'urgence le jour même avec modification par le Corps législatif, votée d'urgence dès le lendemain par le Sénat et aussitôt promulguée 1o.

Le but de cette loi, accidentelle et temporaire, est nettement indiqué dans les passages suivants des rapports de Commission aux deux Chambres : « La lutte dans laquelle vont se trouver engagés les intérêts les plus sacrés du pays, justifie aux yeux de votre Commission les dispositions législatives qui vous sont soumises. Elle ne doute pas que le patriotisme éclairé de ceux qui peuvent être touchés par la mesure proposée, ne leur fasse accepter sans hésitation une loi imposée par les circonstances, momentanée comme elles et qui ne saurait compromettre en rien le principe mème de la liberté de la presse, que nous sommes tous d'accord de sauvegarder. Il ne s'agit pas, en effet, messieurs, d'atteindre un principe de droit public, mais seulement de prévenir des abus, à un moment où une seule indiscrétion propagée par la presse peut donner l'éveil à l'étranger, apporter une perturbation

10. Loi sur l'interdiction de rendre compte des mouvements et opérations militaires.

1

Art. 1er. Il pourra être interdit de rendre compte, par un moyen de publication quelconque, des mouvements de troupe et des opérations militaires sur terre et sur mer. Cette interdiction résultera d'un arrêté ministériel inséré au Journal officiel. Art. 2. Toute infraction à l'art. 1er constituera une contravention et sera punie d'une amende de 5,000 fr. à 10,000 fr. En cas de récidive, le journal pourra être suspendu pendant un délai qui n'excédera pas six mois. - Art. 3. La présente loi cessera d'avoir effet si elle n'est pas renouvelée dans le cours de la prochaine session ordinaire.

Du 21 juill. 1870 (J. off. du 22).

profonde dans nos intérêts les plus chers et compromettre, avec l'honneur de notre drapeau, la vie de nos soldats » (rapport de M. de Mackau au Corps législatif, 19 juill. 1870; J. off. du 20). « Les sentiments patriotiques qui ont éclaté de toutes parts donnent la garantie que la presse, qui, en général, s'y est vivement associée, n'oubliera pas les devoirs que la situation lui impose. Mais avec la ferme conviction qu'aucune malveillance n'ira jamais jusqu'à la trahison, il a paru indispensable de prévoir et de prévenir les dangers qui pourraient résulter de publications imprudentes ou irréfléchies » (rapport de M. Duvergier au Sénat, 20 juill. ; J. off. du 21). — Des publicatious indiscrètes ayant eu lieu, l'obligation d'observer la loi et, au besoin, d'en poursuivre l'application, a été rappelée dans une note officielle, puis dans une circulaire aux procureurs-généraux (J. off., 25 et 26 juill.).

L'interdiction de toute publication qui pourrait être compromettante n'est point prononcée par la loi même, mais il y a l'équivalent. Le projet du gouvernement disait qu'elle « résultera d'une note insérée au Journal officiel; » la commission du Corps législatif a obtenu qu'il fallût un arrêté ministériel. Quel est le ministre compétent? La question a été tranchée par un arrêté de M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des cultes, du 22 juillet, disant : « Nous.....; vu l'art. 1er..... avons arrêté..... A partir de ce jour, il est interdit de rendre compte, par un moyen de publication quelconque, des mouvements de troupe et des opérations militaires sur terre et sur mer » (J. off., 23 juill.).

A quoi s'applique l'interdiction, dont la sanction pénale est dans une qualification et des peines qui seraient à appliquer par les tribunaux correctionnels, sauf recours en cassation? Ici se présentent plusieurs questions.

La loi elle-même qualifie de contravention toute infraction à la disposition prohibitive. Dans la discussion au Corps législatif, le député qui a le premier critiqué le projet de loi disait : « C'est une contravention que vous créez, et il n'est pas loisible au jury d'examiner la question de bonne foi. » Quelques voix répondaient : « Si! si! »; et M. Mathieu ajoutait : « Cela a été jugé cent fois. » Il y a eu ici un malentendu. Puisque les auteurs de la loi spéciale ont proclamé la nécessité de prévenir et au besoin de punir comme contravention toute publication indiscrète, imprudente ou irréfléchie, qui pourrait donner à l'ennemi l'éveil, il est manifeste que les juges n'auraient pas à tenir compte de la bonne foi, du défaut d'intention coupable, si ce n'est comme cause d'atténuation pour la peine. Ce qu'ils auront à examiner, avant tout, c'est le fait en lui-même, avec ses circonstances, pour voir s'il s'y trouve tous les éléments de l'infraction punissable.

Pour les éléments de la contravention, il faut, outre la condition d'existence d'un arrêté ministériel ayant interdit les comptes-rendus,

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