Sivut kuvina
PDF
ePub

des milliers d'individus qui sont presque frères à se combattre en masse, pour être les uns homicides et les autres victimes!... La seule objection est que les deux souverainetés sont respectivement indépendantes, qu'il n'y a pas au-dessus d'elles un législateur reconnu et des tribunaux qui soient leurs juges. Mais d'abord il existe aujourd'hui un droit international, fondé sur la justice et les besoins sociaux, qui se développe par des traités ayant posé des règles obligatoires; et la méconnaissance des devoirs qui en dérivent serait une violation condamnable du droit d'autrui, garanti par les puissances européennes 3. Pour le jugement ou l'arbitrage, serait-il donc impossible, en substituant la discussion à la force et aux hasards de la guerre, de trouver des juges ou arbitres indépendants et impartiaux, soit parmi les autres puissances, qui sont neutres, soit en soumettant le litige à une Cour suprême ou faculté de droit qui aurait été désignée dans un traité ou compromis? Déjà des vœux et propositions ont été formulés dans ce sens, non-seulement par les publicistes qui visent au développement du droit international, mais aussi par des puissances comprenant combien la paix est préférable à toute guerre même juste dans son principe 4. L'idée germera, de plus en plus, et devra se réaliser tôt ou tard.

V. Avant les hostilités qui engageraient la guerre entre deux nations, chacune d'elles a, selon le droit des gens, certains droits et devoirs que peut développer ou régler sa législation propre, soit comme moyens préventifs ou conservatoires, soit comme préalables nécessaires.

Parmi les moyens qu'admet le droit moderne, sauf restriction par traités internationaux, se trouvent l'embargo, ou le séquestre, sur les navires ou autres biens de la nation offensante trouvés sur le territoire de celle qui se dit offensée 5; la prise de possession de la

3. Traités conclus, au congrès de Vienne en 1815, pour fonder l'équilibre européen, entre les puissances qu'indique ainsi l'ordre alphabétique: Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne, Portugal, Prusse, Russie, Suede. Il y a eu notainment fixation des frontières respectives et garantie de neutralité pour la Belgique et la Suisse, de plus, engagement entre la France et la Grande-Bretagne pour l'abolition de la traite des nègres.

Traité de Paris du 14 avril 1856, renouvelant le droit maritime au profit de la Justice et de la paix.

4. « Les puissances rassemblées au congrès de Paris, en 1856, exprimèrent le désir que les Etats entre lesquels s'élevait un conflit, au lieu de prendre de suite les armes, fissent auparavant usage des bons offices d'une puissance amie pour apaiser le différend... Les confédérations d'Etats connaissent un systeme d'arbitrage destiné à vider le différend sans recourir aux armes..... Un des prochains congrès internationaux réussira peut-être à imposer, pour certains conflits du moins, l'obligation de se soumettre à la décision d'arbitres.....» (Bluntschli, Introduction, p. 30; art. 484, p. 257).

« Une proposition digne d'être prise en considération a été faite en 1866 par les Etats-Unis. Ils demandaient de remettre la décision des conflits à des publicistes ou à des jurisconsultes éminents appartenant à un pays neutre et qui mettraient en jeu leur honneur scientifique » (art. 489, p. 259).

5. L'embargo, autrefois, se fondant sur un droit de précaution, pour prévenir une

chose objet du différend 6; les représailles, générales ou spéciales, positives ou négatives, vis-à-vis des personnes ou choses appartenant à l'autre nation 7. L'emploi de tels moyens ne devrait avoir lieu qu'après celui des voies pacifiques; dans le cas où il n'a pu encore y avoir convention d'arbitrage, il devrait toujours n'être qu'à titre provisoire ou conservatoire, avec proposition de compromis explicite pour une décision arbitrale par telle puissance indépendante ou telle autre au choix. Ce serait une manière de maintenir ses prétentions, en laissant l'honneur sauf des deux côtés.

Le premier devoir à remplir, de la part de l'Etat qui veut engager la guerre, est de la déclarer par une notification publique, sans quoi il n'y aurait qu'hostilités provocatrices. Telle est la condition principale exigée par le droit des gens, pour que les parties bélligérantes aient l'une contre l'autre tous les droits de la guerre avec présomption de justice 8. La déclaration est faite dans les formes diplomatiques, par le représentant officiel de la puissance déclarant la guerre, au gouvernement de celle qui se trouve ainsi provoquée, sans nécessité de notification directe aux autres pouvant s'allier à elle. S'il n'y avait qu'actions hostiles par des nationaux, exposant ainsi leur pays à une déclaration

divulgation nuisible dès que survenait la guerre, atteignait les navires et sujets, nationaux ou étrangers, amis ou ennemis, empêchés ainsi de sortir, sans être toutefois assujettis à aucun service actif. Une restriction commandée par la justice al prévalu dans le droit moderne, pour les neutres tout au moins (V. Hautefeuille, Droits et devoirs des nations neutres, t. 3, p. 445 et suiv.). En 1854 et 1859, l'Angleterre et la France ont donné aux navires russes et autrichiens le temps de se rapatrier. « L'embargo mis sur les navires étrangers dans la prévision de l'ouverture prochaine des hostilités n'est autorisé qu'en cas de nécessité absolue et dans les limites fixées par les lois de la guerre » (Bluntschli, art. 509).

6. « Parmi les divers modes de terminer les différends entre nations par l'emploi de la force, avant d'en venir à la guerre actuelle, sont les suivants : 1° mettre l'embargo.....; 2° prendre possession efficace de la chose controversée, en s'assurant par la force et en refusant à l'autre nation la puissance du droit en question >>> (Weathon, Eléments de droit international, t 4, p. 274).

7. « Les représailles, a dit Vattel, sont usitées de nation à nation, pour se faire justice à soi-même, quand on ne peut l'obtenir autrement. Si une nation s'est emparée de ce qui appartient à une autre, si elle refuse de payer une dette, de réparer une injure ou d'en donner une juste satisfaction, celle-ci peut se saisir de quelque chose appartenant à la première et l'appliquer à son profit, jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû, avec dommages-intérêts, ou la retenir en gage jusqu'à ce qu'on lui ait donné une pleine satisfaction. » (Liv. II, ch. 18). Voy. aussi Klüber, Droit des gens moderne, § 234, et Weathon, Eléments de droit international, t. 4er, p. 275 et suiv.

8. Nullum bellum esse justum nisi quod' denuntiatum ante sit et indictum. (Cicéron, Offices, liv. Ier).-Sed, ut justum bellum sit, oportet ut publicè decrotum sit (Grotius, liv. III, ch. 4, § 51):

« L'ennemi est celui avec qui on est en guerre ouverte..... Il est nécessaire de publier la déclaration de guerre pour l'instruction et la direction de ses propres sujets» (Wattel, liv. III, ch. 4 et 5, §§ 56, 59 et 64).

«L'usage présent est de publier un manifeste dans le territoire de l'Etat qui đểclare la guerre, annonçant l'existence des hostilités et les motifs pour les commencer >>(Weathon, t. 4er, p. 279).

[ocr errors]

de guerre ou à des représailles, un désaveu officiel avec poursuite contre eux, selon la loi du pays, devrait empêcher la guerre entre les deux nations. Une publication est aussi exigée par le droit des gens, pour avertissement à tous, afin que ceux qui appartiennent à la nation ennemie et les neutres eux-mêmes connaissent bien l'événement leur imposant des devoirs, et puissent sauvegarder leurs droits propres : sans cela, les lois de la guerre feraient place à toutes surprises ou prétentions, et il n'y aurait de droit que contre la puissance manquant au premier devoir. Quant à la forme de la publication ou promulgation, vis-à-vis des nationaux ou résidents auxquels la législation du pays impose alors des devoirs individuels, elle dépend des conditions qu'aura établies cette législation locale (infrà, n° xiv).

VI. La guerre publique, qualifiée de parfaite lorsqu'il y a déclaration sans limitation à tels lieux et à telles choses, donne certains droits contre l'ennemi. Quelles sont les puissances et les individualités qui deviendront ainsi soumises aux lois de la guerre, sauf distinctions?

Tandis que le duel entre individus n'est qu'un combat singulier qui n'engage qu'eux deux, la guerre fait réputer ennemies respectivement: d'abord les deux puissances ou nations, avec toute autre qui se joindrait à l'une d'elles par suite d'alliance ou de fait ; et de plus, non-seulement leurs armées ou tous combattants, mais même les individus appartenant à l'une de ces nations, encore bien qu'il n'y eût de leur part aucun ressentiment individuel 9. C'est une déplorable fiction, dont la seule base est dans la supposition d'un consentement qui fait intervenir les citoyens eux-mêmes dans ce grand duel! La raison et l'humanité veulent au moins des tempéraments.

Parmi les étrangers résidents, il en est qui peuvent être aussi réputés ennemis. Mais dans quel cas et comment ? Cette qualification se donne à ceux qui ont continué d'appartenir à la nation avec laquelle est en guerre celle de leur résidence actuelle. Selon la règle moderne, on ne saurait immédiatement confisquer leur propriété tangible, se trouvant sur le territoire, ni les retenir de force sans leur avoir donné un délai pour leur sortie volontaire; mais les conditions d'exécution dépendent de la législation du pays de la situation ou résidence 10. En Allemagne,

9. «Entre deux ou plusieurs nations belligérantes, les particuliers dont ces nations se composent ne sont ennemis que par accident, ils ne le sont point comme hommes; ils ne le sont pas même comme citoyens; ils le sont uniquement comme soldats » Discours de Portalis installant le Conseil des prises, en l'an VIII).

< En tant que simples particuliers, les individus ne sont pas ennemis. En tant que citoyens d'un Etat donné, ils participent à l'inimitié des Etats auxquels ils appartiennent.....Le droit international actuel rejette complétement le droit de disposer arbitrairement du sort des simples particuliers, et n'autorise contre eux ni mauvais traitements ni violences » (Bluntschli, Introduction, p 33).

[ocr errors]

10. Selon le droit des gens, tous les sujets du souverain dont on a reçu du tort, qui sont tels à titre durable, soit naturels du pays ou venus d'ailleurs, sont

les étrangers résidents sont réputés s'être placés sous la protection du gouvernement local, ce qui les ferait punir comme traîtres s'ils violaient les lois de sûreté du pays, et même les fait expulser comme suspects dès qu'il y a guerre avec le leur; d'un autre côté, les Allemands qui ont résidé à l'étranger pendant dix ans sans retour paraissent perdre leur nationalité, n'eussent-ils pas été naturalisés ailleurs. En France, où tant d'Allemands sont venus jouir longtemps des avantages d'une hospitalité trop facile, ceux qui n'ont pas obtenu leur naturalisation, conformément à nos lois civiles, ne se sont trouvés soumis qu'aux lois de police et de sûreté (C. civ., art. 3), ainsi qu'à la législation spéciale sur tout étranger indistinctement. Suivant une règle posée dans la loi du 22 vendémiaire an vi et reproduite avec sanction pénale dans celle du 3 décembre 1849, art. 7 et 8, le gouvernement peut expulser l'étranger dont la présence serait compromettante pour la tranquillité du pays, et, en cas de résistance ou de rentrée, le faire condamner à l'emprisonnement, après quoi il sera conduit à la frontière. Cette législation n'a pas prévu les cas de guerre, imminente ou survenant, et d'espionnage avant les hostilités flagrantes; il y aurait à combler une lacune funeste, ainsi que je l'expliquerai.

VII. Les combattants sont tous personnellement soumis à toutes les rigueurs des lois de la guerre, qui d'un autre côté leur promettent certaines prérogatives. Dans cette catégorie doivent être compris tous les corps militaires organisés, quelle que soit leur arme; en sens inverse, « les bandes irrégulières de maraudeurs peuvent être traitées comme des bandits sans lois, qui n'ont pas droit à la protection des usages adoucis de la guerre mis en pratique par les nations civilisées 11. » Pour

exposés au droit de représailles, mais non pas ceux qui ne font que passer ou séjourner peu de temps.» (Grotius, liv. III, chap. 2, §7). « Le souverain ne peut retenir ni la personnne ni les biens de ceux des sujets de l'ennemi qui sont dans ses Etats au moment de la déclaration..... Une nation ne peut, au moment où la guerre éclate, retenir les personnes appartenant à la nation ennemie, ni saisir leurs biens, avant le terme qu'on doit leur fixer pour sortir du pays, à moins qu'on ait à user de représailles» (Wattel, liv. III, ch. 4, § 63; Perreau, p. 242). «La règle moderne donc semblerait être que la propriété tangible appartenant à un ennemi, et se trouvant dans le pays au commencement de la guerre, ne doit pas être immédiatement confisquée; et dans tous les traités de commerce on insère un article stipulant le droit de retirer cette propriété. » (Weathon, t. 1er, p. 288).

11. Weathon, t. 2, § 8, p. 18.

« Les chefs militaires ne sont jamais autorisés à déclarer qu'ils considèrent comme brigands les soldats du landstourm non pourvus d'un uniforme. Le landstourm, c'est-à-dire l'ensemble des hommes valides qui ne font partie ni de l'armée active, ni de la réserve, ni de la landwehr ou de la garde mobile, à le droit de prendre les armes pour défendre la patrie. Il est placé sous les ordres de son gouvernement et des autorités militaires. Les soldats du landstourm doivent donc être traités en ennemis au même titre que les soldats de l'armée permanente. de l'élite, de la réserve et de la landwehr, et ils peuvent être faits prisonniers. On doit leur appliquer les lois de la guerre et non les lois pénales.....» (Bluntschli, art. 593). S'il en est ainsi pour les Allemands chez eux, cela doit être également pour tous Français défendant leur territoire, surtout vis-à-vis des coureurs ennemis qui vien

l'application de cette distinction importante, il faut considérer les nécessités de la défense et les droits de la nation vis-à vis de l'ennemi. Chaque nation a le pouvoir d'organiser comme elle l'entend ses forces militaires, surtout pour la défense de son territoire envahi. L'Allemagne, composée d'une puissance essentiellement militaire et d'autres États confédérés avec des alliés, a des armées considérables, où entrent tous les hommes valides qui font partie de la landwehr ou même du lansturm; et parmi ses moyens d'investigation, pour la découverte au loin, se trouve l'emploi de coureurs à cheval, de uhlans, qui viennent effrayer les pays menacés d'invasion. De son côté, la France n'avait d'armée que par un recrutement annuel et temporaire, sans qu'il y eût eu organisation de la garde nationale mobile qu'avait voulu instituer une loi spéciale récente. Envahie subitement, elle a dû imposer le service militaire à tous ceux qui se trouvaient appelés à entrer dans cette garde, ainsi qu'à d'autres catégories de jeunes hommes, et de plus faire concourir à la défense du pays les gardes nationaux sédentaires ainsi que tous habitants valides qui le pourraient avec leur arme. C'est donc à bon droit qu'une de ses lois (29 août 1870) a dit : « Sont considérés comme faisant partie de la garde nationale les citoyens qui se porteront spontanément à la défense du territoire, avec l'arme dont ils peuvent disposer, et en prenant un des signes distinctifs de cette garde, qui les couvre de la garantie reconnue aux corps militaires constitués. (Voy. infrà, no XXXIII)

[ocr errors]

Les maraudeurs, assimilables aux bandits et pouvant être frappés partout où on les trouve, sont ceux qui viennent surprendre des habitants paisibles, en les menaçant de mort pour s'emparer de ce qu'ils peuvent emporter, sans qu'on sache même si ce sera un butin de guerre pour l'ennemi ou bien une rapine pour eux. Le droit des gens moderne ne saurait admettre qu'on puisse tuer, s'ils sont pris et se rendent, des habitants qui défendaient leur foyer en se servant de la seule arme qu'ils eussent pu se procurer, lorsqu'ils avaient le signe distinctif reconnu par la loi du pays. Pour que le corps militaire envahisseur pût les assimiler aux révoltés auxquels est refusée l'immunité des lois de la guerre, il faudrait que l'ennemi eût précédemment pris possession du territoire, de telle sorte qu'il y exerçât le pouvoir de fait et de droit; alors, comme il n'y aurait plus seulement combat ou simple accident de guerre, ce serait la loi pénale qu'il faudrait appliquer et l'accusation de révolte nécessiterait une poursuite criminelle, ainsi que l'a reconnu lui-même le jurisconsulte allemand 12.

draient butiner ou piller. C'est d'autant plus de droit, que le droit international actuel interdit absolument de faire du butin on temps de guerre, règle proclamée par M. Bluntschli, lui-même, art 657.

12. « Tant qu'il est en possession du territoire, il a le droit d'exercer le pouvoir.

« EdellinenJatka »