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VIII. Quels moyens sont autorisés et quels autres interdits; jusqu'où peuvent aller les rigueurs permises contre l'ennemi et quels excès sont reconnus condamnables?

Les ruses de guerre ont toujours été tenues pour licites. Mais le droit international moderne y met des conditions, en réprouvant la fraude qui, distincte d'un simple stratagème pour annihiler ou compenser la supériorité physique de l'ennemi, serait une sorte de trahison, assimilable au manque de foi après promesse faite 13. Que d'abus ici!

L'emploi d'espions est un moyen admis et très-fréquent. Cependant, si l'espionnage paraît une nécessité, surtout à la guerre, on ne saurait trouver honnête le métier ni les moyens, clandestins avec fourberie. De là des distinctions, dans l'opinion surtout de ceux qui réputent droit nécessaire l'emploi d'agents secrets, risquant leur vie pour la patrie. Les distinctions principales seraient celles-ci. Avant la guerre, les investigations ne peuvent être punies que selon les lois de police du pays, de qui il dépend d'accueillir ou d'éloigner l'agent militaire d'un autre. Les lois de la guerre permettent de condamner à mort l'espion surpris, mais non s'il s'est échappé et alors même qu'il serait fait prisonnier dans le combat. On ne doit réputer espions ni les soldats envoyés à la découverte, ni les porteurs de dépêche qui se seraient glissés secrètement à travers les lignes 14. Quoi qu'il en soit, la morale et la

Il peut donc, au lieu de considérer la révolte comme un épisode de la guerre et d'agir envers les révoltés comme s'ils étaient des soldats ennemis, les faire poursuivre criminellement. Ce principe est admis également à l'égard des révoltes qui ont lieu sur les derrières de l'ennemi. » (Ibid., note 2).

13. La ruse est permise en guerre. Il n'est donc pas contraire au droit international de tromper l'ennemi, même en faisant usage des uniformes, du drapeau, du pavillon de celui-ci. Mais chaque corps d'armée ou navire doit, avant d'en venir aux mains, arborer ses couleurs réelles et déclarer sa nationalité. Il est permis de tromper l'ennemi sur la force et les mouvements d'un corps d'armée, en allumant par exemple un grand nombre de feux de bivouac pour faire croire à la présence de forces imposantes, ou en envoyant à droite et à gauche des patrouilles..... On ne saurait cependant autoriser sans réserve l'usage des signes et emblêmes distinctifs de l'ennemi, uniforme, drapeau, pavillon, pour tromper ce dernier, le pousser à des imprudences et introduire la confusion dans ses rangs. Ce stratagème ne doit être employé qu'avant le combat...» (Bluntschli, art. 565).

«Le droit international réprouve la violation des promesses faites à l'adversaire. » (Art. 566).

14. Vattel à constaté « qu'un homme d'honneur ne fait point le métier d'espion, indigne de lui, parce que ce métier ne peut guère s'exercer sans quelqu'es pèce de trahison »; puis, il a ajouté: «Le souverain n'est donc pas en droit d'exiger un pareil service de ses sujets, si ce n'est peut-être dans quelque cas singulier et de la plus grande importance. » Sur quoi, M. Pinheiro Ferreira, commentateur de Vattel, a dit : « Peut-on avouer quelque chose de plus contraire au principe de la morale et au simple bon sens ! Comment l'auteur a-t-il pu concevoir chez les rois le droit de commander à leurs sujets des actes immoraux ! »> Suivant Martens, « on ne peut traiter d'espion que celui qui, sous les dehors d'ami ou de neutre, tâche de prendre des renseignements ou de favoriser une correspon→ dance nuisible à l'intérêt de l'armée, de la place, etc., et non pas l'officier ennemi qui paraît dans son uniforme. » →→ Les lois de la guerre autorisent-elles à

justice ne sauraient approuver un système suivant lequel des militaires, d'une part, sont fiers d'une mission qui veut autant de ruse que d'audace et seront récompensés s'ils réussissent, d'autre part, sont réputés coupables d'un crime capital et condamnés à mort s'ils se trouvent pris sur le fait !

Un belligérant peut, en certains cas, soit provoquer chez l'autre certains mouvements politiques, soit recevoir l'assistance de quelqu'un de ses sujets. Mais il ne saurait honorablement exciter aucune trahison, ni légalement obliger à servir ou travailler pour lui les habitants d'un pays non définitivement conquis. Quant aux déserteurs ou transfuges, on devrait s'abstenir de les accueillir, puisque ce sont des traîtres qui méritent la mort 15. - Des prisonniers de guerre pourraient-ils être contraints à servir le vainqueur? Ce serait de la trahison, provoquée par abus de la force. Aussi la loi française a-t-elle dit : « Aucun prisonnier

corrompre un sujet de l'ennemi pour en avoir des renseignements? Vattel et Martens Padmettent, tout en reconnaissant que ce n'est pas honnête. Pinheiro Ferreira répond justement que c'est immoral.

«Est considéré comme espion celui qui se glisse secrètement ou sous de faux prétextes dans les lignes de l'armée, pour y recueillir des renseignements utiles à l'ennemi et les communiquer... Ce qui fait de l'espionnage un métier odieux et déshonorant, ce sont précisément les manœuvres secrètes et les prétextes mensongers. Les recherches faites avant l'ouverture de la guerre, sur les armements de l'ennemi ou sur les places fortes, peuvent être poursuivies par les tribunaux do police; mais on ne peut les considérer comme des actes d'espionnage et les punir militairement. Il n'y a d'espions qu'en temps de guerre; mais, même alors, il faut se garder de présumer trop facilement l'espionnage..... Les troupes envoyées en reconnaissance et les militaires qui, sans chercher à déguiser leur nationalité, pénètrent dans les lignes ennemies pour y recueillir des renseignements sur la position et les forces de l'ennemi, peuvent être faits prisonniers, mais ne peuvent être considérés comme espions .....Les courriers porteurs de depêches et les messagers, s'ils cherchent à se glisser secrètement à travers les lignes et qu'on ne puisse constater leur mission militaire, pourront, suivant les circonstances, être punis conformément aux lois de la guerre, sans qu'on puisse cependant les considérer comme espions. Tout militaire est fier do recevoir la pórillouse mission de chercher à pénétrer dans une place investie par l'ennemi, pour lui annoncer des ronforts, ou, inversement, d'être chargé par les assiégés d'aller réclamer des secours. L'envoi de ces subsides peut causer de grands embarras à l'assiégeant, mais il ne saurait avoir le droit de punir comme espion le soldat qui a été saisi dans l'accomplissement de son devoir; ce soldat doit être simplement fait prisonnier. Si des non-militaires se chargent, par contre, de porter secrètement des dépêches, ils courent le risque d'être traduits devant un conseil de guerre.» (Bluntschli, art. 629, 630 et 639).

45. ... L'excitation à des actes que l'on considère soi-même comme honorables, mais que l'état ennemi punirait comme crimes politiques, et l'appui donné à ces criminels politiques, sont des moyens autorisés par le droit international..... Il arrive souvent, dans les guerres modernes, que l'on excite à la révolte chez l'ennemi tel parti politique pour lequel on a des sympathies, ou qu'on cherche à sou lever les populations pour la libération desquelles on a entrepris la guerre..... On envisage par contre comme contraire aux lois de l'honneur d'exciter à la trahison les officiers ou les soldats ennemis » (Bluntschli, art. 564).

« Il est contraire au droit international de forcer les ressortissants de l'Etat ennemi à entrer au service du vainqueur, tant que la conquête n'est pas achevée et que la prise de possession du pays conquis n'est pas stable et définitive » (art. 576).

fait sur l'ennemi ne pourra être forcé à servir dans les troupes de la République et les généraux en chef de ses armées exigeront la même réciprocité des généraux des armées ennemies. » (L. 25 mai 1793, art. 17).

Sur l'étendue des rigueurs permises, les publicistes ne se sont pas accordés; mais les opinions trop favorables à la force ont été condamnées par le droit international moderne, faisant prévaloir en partie les droits sacrés de l'humanité. Sans doute on n'en est pas encore à la réalisation de cette pensée de Montesquieu, qu'il faudrait suivre le principe fondamental du droit des gens, qui est que « les nations doivent se faire en temps de paix le plus de bien et dans la guerre le moins de mal possible, sans nuire à leurs véritables intérêts. » Mais on repousse actuellement le système de ceux qui admettaient, comme conséquence forcée de la guerre, « que tout ce qui est fait contre un ennemi déclaré est légitime; que cet ennemi peut être détruit, quoiqu'il fût sans arme et sans défense; qu'on peut employer contre lui la fraude et même le poison; que tout au moins, la guerre étant nécessaire et alors légitime, le but à atteindre donne la mesure des droits vis-à-vis de l'ennemi; qu'ainsi, pour le soumettre, on doit trouver licite tout ce qui peut l'affaiblir» (V. Wolf, Bynkersof, Vattel, Puffendorf, Burlamaqui).

Non, le but ne saurait justifier des atrocités, un meurtre universel, des ravages et dévastations. Dans son Précis du droit des gens moderne, le commentateur Martens a lui-même reconnu contraire aux lois de la guerre de faire un usage quelconque du poison ou de l'assassinat, ou même seulement de mettre à prix la tête d'un ennemi ; et le jurisconsulte allemand qui vient de poser les règles du droit international moderne, en s'inspirant pour la guerre d'instructions qui ont fait autorité, proclame notamment qu'il y a des excès condamnés comme illicites, qu'il faut respecter les lois de l'honneur militaire, qu'on ne doit jamais employer les armes empoisonnées ou disposées de manière à causer des douleurs inutiles, qu'il y aurait crime à provoquer l'assassinat ou un acte criminel analogue 16. Il est même des destructions et ravages

16. « Les nations civilisées répudient le principe qu'un Etat peut faire à l'ennemi tout ce qui lui paraît utile à sa propre cause. Les nations restent, malgré la guerre, unies entre elles par les liens de l'humanité, et le droit international leur interdit de faire en guerre usage de moyens illicites » (Bluntschli, art. 534). -« Les lois de la guerre réprouvent la violation de la parole donnée à l'ennemi, les cruautés inutiles, les dévastations barbares, les jouissances immorales et les actes de cupidité défendus et punis comme crimes communs, en un mot, tout ce qui est contraire aux lois de l'honneur militaire » (art. 550).

« L'emploi d'armes empoisonnées et de matières empoisonnées, ou capables de développer dans le pays ennemi des maladies contagieuses, constitue une violation du droit international..... Sont également interdites les armes qui causent des douleurs inutiles, telles que les flèches barbelées, le petit plomb ou le verre pilé au lieu de balles » (art. 557 et 558). -« Il est interdit de recourir à l'assassinat

que réprouve le droit international actuel. Le blocus a ses conditions, d'autant plus strictes qu'il compromet des intérêts divers 17. Si le bombardement, dans la guerre maritime, n'a pas de règles précises, c'est qu'il tend directement à détruire ou diminuer les avantages commerciaux de la puissance devenue ennemie. S'il est aussi permis contre les points fortifiés, tels que forts et remparts des places de guerre, cela n'autorise pas à bombarder des villes, des monuments et habitations : l'histoire et l'opinion universelle flétrissent le vandalisme qui s'attaque ainsi aux œuvres de la civilisation, au produit des arts et aux propriétés privées 18.

IX. Les violences envers les personnes, homicides ou blessures, sont l'objet de conditions dans le droit international moderne, qui réprouve les cruautés n'étant pas absolument nécessaires pour le but de la guerre,

d'un ennemi pour obtenir la victoire. La guerre ne légitime jamais l'assassinat, de quelque façon qu'il soit commis. On peut tuer pendant la bataille; le meurtre hors de la bataille est un acte contraire à l'honneur et le droit international l'interdit absolument, bien que l'assassinat du généralissime ou du souverain ennemi puisse contribuer à accélérer le rétablissement de la paix » (art. 564). - « Les peuples civilisés repoussent comme un acte de barbarie la mise à prix de la tête d'un ennemi » (art. 562). « Le droit international condamne toute provocation à un acte criminel quelconque, même lorsqu'il serait utile à la cause pour laquelle on combat. Mais il n'interdit pas de profiter des avantages qui pourraient résulter des crimes commis par des tiers » (art. 563).

17. Le blocus maritime a été réglé par la célèbre déclaration du congrès de Paris, du 16 avril 1856, suivant laquelle, pour être obligatoire vis-à-vis de tous, il doit être non-seulement notifié, mais effectif, c'est-à-dire établi et maintenu par une force qui suffise à empècher réellement l'accès du littoral de l'ennemi. Quant au blocus de place, lequel peut avoir lieu sans siége avec tranchées et assauts, il s'effectue, soit en interrompant les communications sur les cours d'eau, ou en occupant des postes autour de la place sur toutes issues, soit par des lignes de circonvallation et contrevallation dans lesquelles se place l'armée d'occupation. - Vattel a dit : « Quand je tiens une place assiégée ou seulement bloquée, je suis en droit d'empêcher que personne n'y entre, et de traiter en ennemi quiconque entreprend d'y entrer sans ma permission, ou d'y porter quoi que ce soit, car il s'oppose à mon entreprise »... Ainsi le blocus, état violent qui naît d'une prétention, ne crée pas seulement le droit d'obstacle, il donnerait aussi droit de tuer même un habitant ou neutre entrant sans permission!

18. Le bombardement de Strasbourg par les Allemands ayant été dirigé contre la ville et ayant détruit une très-précieuse bibliothèque avec le monument entre autres, la réprobation universelle a été officiellement constatée dans une lettre du ministre de l'instruction publique au recteur de l'Académie de la ville héroïque (18 août 1870,); et comme un tel vandalisme était à craindre pour les monuments de la capitale elle-même, les cinq académies composant l'Institut de France ont publié une protestation solennelle où on lit: « Nous, membres de l'Institut de France, au nom des lettres, des sciences, des arts, dont nous avons le devoir de défendré la cause, nous dénonçons un tel dessein au monde civilisé comme un attentat contre la civilisation même; nous le signalons à la justice de l'histoire; nous le livrons par avance à la réprobation vengeresse de la postérité. Réunies en assemblée générale, comprenant les cinq academies dont 1 Institut de France se compose, Académie française, Académie des inscriptions et belles-lettres, Académie des sciences, Académie des Beaux-Arts, Académie des sciences morales et politiques, nous avons voté la protestation qui précède à l'unanimité » (18 sept. 1870, J. offic. du 20).

qui n'admet pas que des soldats ennemis puissent être traités comme des bêtes fauves à la chasse 19.

C'est seulement entre combattants qu'il est permis de frapper impitoyablement, de tuer ou de blesser sans miséricorde, pour mettre l'ennemi hors de combat. Et même, dès qu'il met bas les armes en déclarant se rendre ou s'il est blessé, on ne peut lui refuser quartier ou le frapper. Vainement y aurait-il eu ordre donné de ne pas faire de quartier: ce serait une mesure inique, qui ne devrait pas être exécutée. En pareil cas on ne peut que déclarer prisonniers les officiers ou soldats, blessés ou désarmés; agir autrement, par tel ou tel motif, ce serait contraire au droit et à l'honneur, à moins qu'il n'y eût nécessité impérieuse ou droit de représailles, ou bien que le vaincu ait commis quelque violation des lois de la guerre ou un crime capital 20.

Le droit du combattant qui triomphe, par force ou par h bileté straté– gique, est de faire prisonniers les ennemis qui cessent de se défendre, et il peut être exercé non-seulement envers ceux qui ont pris part aux opérations militaires comme chefs ou agents du gouvernement, mais aussi, et s'il y a utilité majeure, envers ceux des non-combattants qui se seraient trouvés joints au corps fait prisonnier, sans que cette extension doive comprendre les femmes et les enfants, pas plus que les aumôniers et les médecins ou chirurgiens 21. « On doit épargner, disait

19. « Aucun emploi de la force n'est légal, s'il n'est nécessaire. Un Etat belligérant n'a donc pas le droit d'ôter la vie aux sujets de l'ennemi qu'il peut soumettre par d'autres moyens. Ceux qui sont véritablement en armes et qui continuent à résister peuvent être tués loyalement; mais les habitants du pays non en armes, ou qui, étant en armes, se soumettent et se rendent, ne doivent pas être tués, paree que leur destruction n'est pas nécessaire pour arriver au juste but de la guerre. Ce but peut être atteint en faisant prisonniers ceux qui sont pris les armes à la main, ou en les forçant à donner sûreté qu'ils ne porteront pas les armes contre le vainqueur pendant un temps limité ou pendant la continuation de la guerre » (Weathon, t. 2, $ 2).

«La guerre, chez les nations civilisées, ne peut avoir pour but la destruction et le carnage, mais seulement le rétablissement ou le maintien du droit Il est interdit de tuer inutilement même l'ennemi armé. On viole le droit en tuant des ennemis armés, uniquement pour satisfaire sa haine, sa vengeance ou son amour du gain; les soldats ennemis ne sont pas des bêtes sauvages que le chasseur tue chaque fois qu'elles se présentent à portée de fusil » (Bluntschli, art. 579).

20. « L'ordre de ne pas faire de quartier ne peut être donné qu'à titre de représailles ou en cas de nécessité absolue. La haine ou la vengeance ne sauraient jamais autoriser cette mesure. Un corps d'armée n'a pas le droit de déclarer qu'il ne fera ou n'acceptera pas de quartier: ce serait un vrai assassinat. Les troupes qui déclarent ne pas vouloir faire de quartier, renoncent par là à ce qu'il leur soit fait quartier à elles-mêmes..... On ne peut jamais refuser de faire quartier à l'ennemi sous le prétexte qu'on est convaincu de l'injustice de la cause qu'il soutient. Les ennemis qui mettent bas les armes et se rendent aux vainqueurs doivent être désarmés et faits prisonniers; on ne peut ni les blesser ni les tuer » (Bluntschli, art. 580, 584, 584 et 585).

24. « Le parti vainqueur a le droit de faire des prisonniers de guerre. Tous les ennemis peuvent dans la règle être faits prisonniers; les habitants du pays pourront l'être exceptionnellement, si la sûreté de l'armée ou de l'état belligérant l'exige.

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