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DU

DROIT CRIMINEL

OU

JURISPRUDENCE CRIMINELLE DE LA FRANCE

RECUEIL CRITIQUE

DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVES SUR LES MATIÈRES CRIMINELLES
CORRECTIONNELLES ET DE SIMPLE POLICE

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AU BUREAU DU JOURNAL, RUE DE NESLES, 8

ET

CHEZ A. DURAND, LIBRAIRE, RUE CUJAS, 9.

JUN 3 1909

JOURNAL

DU

DROIT CRIMINEL

ᎪᎡᎢ. 8948.

REVUE ANNUELLE.

Semblable en ce point à la précédente, l'année 1869 n'apporte à notre législation criminelle aucune de ces innovations qui, opérant une réforme ou réalisant une amélioration progressive, engendrent aussi des difficultés nouvelles, à résoudre par voie d'interprétation. C'est que celles qui étaient possibles se trouvaient déjà dans un ensemble de lois récentes, comme nous l'avons démontré dans notre dernière revue en réfutant aussi les critiques hasardées de certains novateurs, qui mettent en doute des principes constants, ou nous présentent pour modèle une législation étrangère peu compatible avec nos institutions, ou voudraient l'abolition immédiate d'une peine que légitime la défense sociale et dont la nécessité reste évidente en présence d'épouvantables forfaits.

Mais il s'est récemment produit un mouvement politique, fortifiant les idées sagement libérales, dont les résultats actuels sont, notamment : l'extension des pouvoirs constitutionnels du Corps législatif, composé de députés élus, par un sénatus-consulte qui reconnaît son droit d'initiative pour la présentation ou l'amendement d'un projet de loi, ainsi que la nécessité de son concours pour la mise à exécution de certains traités diplomatiques; puis la préparation de lois favorables aux administrés et en même temps la proclamation solennelle d'une ferme résolution d'assurer l'ordre avec la liberté, ce qui fera prévenir ou réprimer tous écarts excessifs 1.

Actuellement, au point de vue des conditions premières pour une loi de répression, nous devons remarquer que certaines dispositions législatives, pénales même, dérivent plus ou moins directement de

1. Voy. au Journal officiel Message de l'Empereur, 28 juin 1869; sénatus-consulte, 8 septembre 1869; discours du trône, 29 novembre 1869.

sénatus-consultes, de décrets et de conventions diplomatiques. Il n'est pas sans intérêt d'en fixer l'origine, la portée et les applications par la jurisprudence.

En principe il faut l'assentiment tout au moins de la puissance législative, pour qu'une peine soit légalement établie et applicable: pœna non irrogatur, ni quæ quâque lege, vel quo alio jure specialiter huic delicto imposita est (Dig., de verb. signif., l. 431). C'est la constitution politique, dans chaque pays, qui détermine et règle le pouvoir législatif, parfois avec délégation partielle au souverain ou à un seul des grands corps de l'État. D'après la nôtre, dérivant de celle du 14 janvier 1852, qu'ont successivement modifiée des sénatus-consultes en vertu d'une disposition qui l'a réputée perfectible (art. 31), la puissance législative s'exerce collectivement par l'Empereur, le Sénat et le Corps législatif (art. 4); l'initiative appartient à l'Empereur (art. 8) et aujourd'hui aussi au Corps législatif (S. c., 8 sept. 1869, art. 1er); le Corps législatif discute et vote les projets de loi présentés (Const., art. 39); le Sénat, gardien du pacte fondamental, « règle, par un sénatus-consulte, tout ce qui n'a pas été prévu par la Constitution et qui est nécessaire à sa marche » (art. 25 et 27); il peut ou s'opposer à la promulgation de la loi ou, en indiquant les modifications dont elle lui paraît susceptible, provoquer une nouvelle délibération du Corps législatif (art. 26; s. c., 8 sept. 1869, art. 5); le chef de l'État fait les traités de commerce ainsi que les traités de paix et de guerre et les règlements nécessaires pour l'exécution des lois (Const., art. 6); mais les modifications futures à des tarifs de douane ou de poste par des traités internationaux ne seront obligatoires qu'en vertu d'une loi (S. c. 1869, art. 10).

La Constitution primitive ayant dit elle-même, art. 58, qu'elle ne serait en vigueur que du jour où les grands corps de l'État seraient constitués et que les décrets rendus à partir du 2 décemb. jusqu'à cette époque auraient force de loi, il a été émis pendant la période dictatoriale, qui ne s'est terminée que le 29 mars 1852, beaucoup de décrets contenant des dispositions qui appartiennent au domaine législatif : chacun d'eux est un décret-loi, dont la puissance est généralement reconnue; pour l'abroger ou le modifier il faudrait, non pas seulement un décret contraire, mais une loi dans les conditions de la Constitution actuelle. Très-souvent le législateur lui-même, dans une loi spéciale où il ne pouvait tout prévoir, a délégué au pouvoir exécutif la réglementation dont il édictait par avance la sanction pénale, par exemple en disant que telle peine sera encourue pour infraction aux règlements qui auront été émis sur tel objet : les décrets ainsi rendus participent à l'exercice de la puissance législative, en ce sens qu'ils créent la prohibition ou l'injonction dont la méconnaissance constitue l'infraction punissable; mais ce ne sont que des décrets réglementaires, dans les limites de la loi qui les a autorisés, et à ce titre ils peuvent être modifiés par un autre règlement. Les dispositions qui vont être rap

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pelées, ayant une autre origine, touchent de plus près au domaine législatif.

En modifiant l'art. 40 de la Constitution, qui concerne les amendements aux projets de loi, le sénatus-consulte du 18 juillet 1866 a interdit toute discussion critique du pacte fondamental par un moyen de publication, ainsi que la reproduction, autrement que par publication du compte rendu officiel, des pétitions qui auraient demandé au Sénat une modification ou interprétation de quelque disposition constitutionnelle; et il a ajouté : « Toute infraction aux prescriptions du présent article constitue une contravention, punie d'une amende de 500 fr. à 10,000 fr. » Voilà donc une contravention créée, et une peine édictée par un seul des trois grands pouvoirs de l'État. Comment est-ce légal? La Constitution aurait pu le faire elle-même; il y a eu délégation au Sénat, non-seulement pour les modifications qui la perfectionneraient, mais aussi pour le règlement de ce qui aurait été omis et serait nécessaire à sa marche; le point réglé tient à l'esprit ou l'interprétation de la Constitution: on peut dire qu'il y a eu exercice d'un pouvoir délégué, sans atteinte à celui du Corps législatif, qui ne pourrait proposer une loi contraire sans prétendre au pouvoir constituant.

Le règlement des rapports entre le Gouvernement et les grands corps de l'État a été l'objet de décrets, les uns émis pendant la période dictatoriale, les autres se basant sur l'art. 4 de la Constitution qui attribue à l'Empereur le gouvernement. Dans le décret du 3 février 1864 se trouvait une disposition, art. 83, sur les conditions d'arrestation d'un député; mais elle ne faisait qu'ajouter une simple forme aux conditions principales établies par la loi du 14 février 1852. Celui du 5 février 18€7, visant avec l'art. 4 précité les décrets précédents et le sénatus-consulte de 1866, a subordonné l'impression et la distribution d'un discours, prononcé en séance au Corps législatif, à l'autorisation d'une commission composée du président et des présidents de chaque bureau, avec approbation du Corps légistatif lui-même, puis a dit, art. 96 « L'impression et la distribution faites en contravention des dispositions qui précèdent seront punies d'une amende de 500 à 5,000 fr. contre les imprimeurs et de 5 à 500 fr. contre les distributeurs. » Ici, c'est un simple décret qui crée le délit et qui édicte la peine n'y a-t-il pas empiétement sur le domaine de la loi? Le droit de gouverner, qui contient le pouvoir réglementaire, n'implique pas nécessairement celui d'édicter une peine comme sanction de la règle ainsi établie, surtout quand il s'agit de la publication d'un discours de député en séance du Corps législatif. Le sénatus-consulte de 1869, art. 41, distingue trois objets les rapports constitutionnels, qui ne pourront être modifiés que par un sénatus-consulte; les rapports réglementaires entre les grands pouvoirs, qu'il laisse dans les attributions s'exerçant par décret impérial; et le règlement intérieur de chaque corps, qui lui appartiendra. Qu'en résultera-t-il? Sans doute la prohibition et la peine ci-dessus rappelées sont autre chose qu'une réglemen

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