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tainement à toutes les dispositions du Code pénal ordinaire qui ont prévu des crimes contre la sûreté de l'Etat, qu'il s'agisse de sûreté intérieure ou de sûreté extérieure, d'actions commises en temps de paix ou bien en temps de guerre. De plus, un caractère de statut personnel a été donné par les art. 5 et 7 du Code d'instruction criminelle, avec développement dans la loi du 22-27 juin 1866, aux dispositions de la loi française punissant les crimes que commettrait un Français en pays étranger, parce qu'il y a la protection de nos lois et consuls; l'étranger lui-même peut, aux termes de l'art. 7 révisé, s'il est arrêté en France ou livré par le pays de refuge, être poursuivi et jugé d'après les dispositions de la loi française, pour le crime contre la sûreté de l'Etat dont il aurait été auteur ou complice en pays étranger. Dans ces différents cas et selon le droit commun, s'il n'y a pas de cause exceptionnelle, c'est à la justice du pays, aux Cours d'assises composées de magistrats et de jurés, qu'appartient, après information par les juges ordinaires, le jugement de l'accusation portée soit contre un citoyen, soit contre un étranger, seul comme auteur ou complice, ou bien avec jonction contre le complice même militaire, à raison du principe d'indivisibilité qui est dominant. Il en est ainsi non-seulement pour les crimes consistant à avoir exposé la France à des hostilités ou des Français à des représailles, et pour ceux qui résulteraient de machinations ou communications illicites sans que la puissance étrangère qui en profiterait fût devenue ennemie par l'effet d'une déclaration de guerre, mais même pour les autres crimes constitutifs de trahison pendant une guerre survenue, tels que ceux du Français qui porte les armes contre la France, du fonctionnaire qui viole son dépôt en faveur de l'ennemi, de tout habitant ou résidant qui entretient des intelligences avec l'ennemi ou qui recèle sciemment ses espions. La juridiction de droit commun fera place à une autre, dans les cas spéciaux ou exceptionnels, par exemple, si le prévenu est militaire et seul, ou s'il y a état de siége.

Des difficultés pour la compétence existent lorsqu'il s'agit d'un crime qui, imparfaitement prévu par le Code pénal ordinaire et ayant des prévisions spéciales dans la loi militaire, est imputé à un non-militaire ou à un étranger. Elles ont été surtout agitées pour les crimes d'embauchage et d'espionnage imputables à des individus qui n'avaient pas la qualité de militaire français, nécessaire pour qu'ils fussent de plein droit justiciables des tribunaux militaires. De tels crimes étant trèsdangereux en temps de guerre surtout, les lois qui les ont prévus ont presque toutes voulu une juridiction spéciale pour la prompte répression: celle du 29 juillet 1792 attribuait compétence aux Cours martiales, le décret du 10 mars 1793 la donnait au tribunal extraordinaire, et la loi du 13 brumaire an v, aux conseils de guerre. Pour justifier cette attribution exceptionnelle vis-à-vis des non-militaires ou étrangers, quant à l'embauchage spécialement, Merlin disait : « L'embau

cheur est, par la nature même de ses opérations, agent militaire de la puissance ou du parti en faveur duquel il cherche à détacher des soldats de leurs drapeaux. C'est sur l'armée même qu'il agit, et par cela seul il doit être jugé comme tout prévenu de délits commis à l'armée. » Même depuis que la Charte de 1814 eut fait prévaloir le principe qu'il n'y a pas compétence pour les juges militaires vis-à-vis d'un simple citoyen, la Cour de cassation continua à juger que toute personne était leur justiciable pour crime d'embauchage (arr. 2 et 22 août 1822); mais, sur réquisitoire de M. le procureur général Dupin, en 1831 et 1832, elle a déclaré l'incompétence des conseils de guerre vis-à-vis de l'enbaucheur non militaire ou étranger, par des motifs de droit constitutionnel qui ont paru décisifs même à l'égard de l'espionnage 35. Le Code de justice militaire adopté en 1857 a-t-il repris l'ancienne règle, ou bien laissé subsister la jurisprudence nouvelle ? C'est une question qui serait délicate pour le temps de paix ou le cas de simple rébellion favorisée, mais qui va trouver sa solution dans des textes de la loi militaire pour le temps de guerre, à l'égard non-seulement de l'étranger appartenant à l'armée ennemie ou bien s'étant déguisé pour pratiquer l'espionnage, mais aussi du citoyen qui aurait trahi son pays, si l'on est dans l'une des situations ci-après indiquées.

XXV. Les Conseils de guerre sont des juridictions ordinaires pour les militaires, non-seulement lorsqu'il s'agit de crime ou délit militaire, à raison de la nature du fait, mais aussi et à raison de leur qualité, quant aux crimes ou délits à réprimer par application du Code pénal ordinaire, non modifié ou complété par un texte spécial de la loi militaire. Leur compétence reçoit de l'état de guerre une extension en plusieurs cas.

Aux armées, quel que soit le lieu, le Code de justice militaire rend justiciables des conseils de guerre pour tous crimes ou délits, outre ceux qu'ils auraient à juger en temps de paix et les citoyens devenus militaires d'après des lois spéciales pour la guerre accidentelle, « les individus employés, à quelque titre que ce soit, dans les états-majors et dans les administrations et services qui dépendent de l'armée, les vivandiers et vivandières, cantiniers et cantinières, les blanchisseurs, les marchands, les domestiques et autres individus à la suite de l'armée en vertu de permission » (art. 62). Les motifs de l'extension étaient ainsi donnés par le général Allard: « Une armée en campagne, placée sous le feu de l'ennemi et exposée à des dangers de toutes sortes, exige pour sa sûreté les précautions les plus énergiques et les plus minutieuses. Lé succès d'un plan de campagne, le salut du pays qui souvent

35. C. Cass., 2 avril 1834, 17 juin 1831, 21 oct. 1831, 27 juill. 1832, 8 nov. 1832 (J. du dr. crim., art. 738, 812).

en dépend, dominent toutes les autres considérations. De là nécessité de rendre justiciables des conseils de guerre non-seulement les militaires et leurs assimilés, mais encore tous ceux qui sont attachés à l'armée à un titre quelconque, que cet ordre dérive d'un ordre ou d'une permission, tels que les employés des services financiers, les interprètes, les secrétaires ou commis, les vivandiers, cantiniers, marchands, domestiques.» Cette extension est indépendante de la juridiction des prévôtés établie par l'art. 75 vis-à-vis des vivandiers et autres personnes à la suite de l'armée en vertu de permission, des vagabonds et gens sans aveu, ainsi que des prisonniers de guerre non officiers, pour les infractions diverses peu graves. Elle est appliquée par l'art. 77 à tous auteurs ou complices, même non-militaires, s'il s'agit de crimes ou délits commis par des militaires et des étrangers, ou aux armées en pays étranger, ou à l'armée sur le territoire français en présence de l'ennemi.

La compétence exceptionnelle ou accidentelle est encore plus étendue, lorsque l'armée occupe un territoire ennemi ou étranger, ou bien se trouve en présence de l'ennemi. Dans le premier cas, suivant l'art. 63, les conseils de guerre doivent juger tous auteurs ou complices pour l'un des crimes ou délits prévus par le titre 2 du livre 4, lesquels portent atteinte à la sûreté de l'armée en effet, l'armée est alors comme un Etat qui voyage; la justice militaire doit s'accroître des facultés que la justice ordinaire est impuissante à exercer; le droit des gens lui-même donne alors à l'armée tous les éléments de puissance qui lui sont nécessaires pour pourvoir à sa sûreté 36. Enfin, dans le second cas, selon l'art. 64, l'extension va jusqu'à rendre justiciables des conseils de guerre, quoique l'armée soit sur le territoire français, mais en présence de l'ennemi envahisseur : «< 1° les étrangers prévenus des crimes et délits prévus par l'article précédent; 2o tous individus prévenus comme auteurs ou complices des crimes prévus par les art. 204, 205, 206, 207, 208, 249, 250, 251, 252, 253 et 254 de ce Code. » Ainsi que l'avait dit l'Exposé de motifs par le général Allard, « les crimes et délits dont il s'agit ici sont ceux qui ont une influence directe sur la sûreté de l'armée et sur l'accomplissement de sa mission, dans ces moments où l'honneur et l'indépendance du pays sont en jeu ; tels sont en première ligne la trahison, l'espionnage, l'embauchage, l'incendie ou la destruction des ouvrages ou magasins militaires, des moyens de défense, munitions, approvisionnements, vivres, etc. De tels crimes sont de véritables attentats contre la nation; ils révoltent la conscience et la raison, et il est juste que les coupables reçoivent un châtiment prompt et exem

36. C. Cass. 14 août 1851, 22 mai 1852, 19 janv. et 23 juin 1865, 24 août et 30 nov. 1865, 14 déc. 1865 (J. du dr. crim., art. 5313, 7978, 8125 et 8148).

plaire au milieu de cette même armée qu'ils ont outragée et dont ils ont trahi les généreux efforts. Cette règle est proclamée par les lois des 12 mai 1793 et 21 brumaire an v, et elle n'existerait pas qu'il faudrait s'empresser de l'établir pour l'honneur des nations civilisées. >>

Nous trouverons même une nouvelle extension de compétence dans les règles spéciales pour les places de guerre, quand il y a l'état de siége qui va faire l'objet du paragraphe suivant, où seront examinées des questions graves, pour la capitale surtout, quant aux gardes nationaux, que leurs lois organiques et des lois d'exécution ont soumis au régime militaire, avec institution de juridictions militaires pour la garde nationale sédentaire défendant la capitale investie.

§ 3.

Etat de siège. Causes et conditions. Effets ou conséquences.

XXVI. Il s'agit ici d'une situation exceptionnelle spéciale, d'une mesure anormale accidentelle aussi, se localisant autrement que la guerre entre deux nations, qui n'a de limites que les pays neutres. Tandis que la guerre étrangère rend applicables partout où est le drapeau de la France nos lois émises dans son intérêt pour ce cas, l'état de siége ne s'établit par le fait ou par une déclaration du Gouvernement français que dans certaines fractions déterminées du territoire, et c'est là seulement qu'il produit ses effets, préventifs ou répressifs. Ce moyen de salut public peut concourir avec l'état de guerre et avec les moyens de défense du pays, vis-à-vis de l'ennemi; mais il peut aussi, cumulativement ou isolément, avoir un but différent, celui de prévenir par des mesures énergiques une guerre civile, autre calamité.

Les places de guerre et postes militaires, passant de l'état de paix à l'état de guerre, qui les fait mettre en état de défense immédiate, comportent principalement l'état de siége en fait et de droit, soit isolément, soit avec la circonscription ou division territoriale qui les comprend; mais l'état de guerre pour ces places ou postes est une situation spéciale qui pourrait exister sans état de siége et dont les conditions ou effets sont distincts. A leur égard il existe une législation particulière, ayant pour objet notamment le classement selon l'importance comme points défensifs, avec zones pour les servitudes militaires sur les propriétés environnantes : elle se trouve dans la loi primitive des 8-10 juillet 1791, dans le décret du 24 décembre 1811, dans la loi du 3 avril 1841, spéciale pour les fortifications de Paris, et dans la loi générale du 10 juillet 1851 ainsi que dans le règlement d'administration publique du 10 août 1853.

Le simple état de guerre, déterminé pour telle place par des hosti

lités ou par une déclaration, ne produit de lui-même translation de pouvoirs que dans la mesure ainsi indiquée par l'art. 7 de la loi de 1791 « Les officiers civils ne cesseront pas d'être chargés de l'ordre et de la police intérieure ; mais ils pourront être requis par le commandant militaire de se prêter aux mesures d'ordre et de police qui intéressent la sûreté de la place; en conséquence, et pour assurer la responsabilité respective des officiers civils et des agents militaires, les délibérations du conseil de guerre, en vertu desquelles les réquisitions du commandant militaire auront été faites, seront transmises et resteront à la municipalité. »

XXVII. L'état de siége lui-même a ses conditions distinctives. Sa cause occasionnelle, qui est un péril imminent ou danger à conjurer, peut être soit dans la guerre ouverte avec une puissance étrangère devenant ennemie, soit dans un mouvement insurrectionnel contre le gouvernement ou les autorités. Il y a état de siége effectif, même pour une ville ou commune de l'intérieur, dès qu'elle est investie par les troupes ennemies ou par des rebelles, qu'il y ait attaque de vive force ou seulement surprise, de telle sorte que les communications du dehors au dedans ou du dedans au dehors se trouvent interceptées à telle distance. L'état de siége est fictif, lorsqu'il ne résulte que d'une déclaration du Gouvernement par mesure de précaution, selon la loi qui l'autorise et avec les effets qu'elle y a attachés.

Dans le cas extraordinaire d'une invasion ennemie menaçant telle place de guerre ou tel poste militaire, n'y eût-il pas encore état de siége effectif par attaque ou par investissement interceptant les communications à la distance de 1800 toises (L. 1791, art. 11), le salut public autorise la mise en état de siége par le commandant militaire, sauf rapport au Gouvernement, pour que l'autorité militaire ait tous les pouvoirs nécessaires à la défense de la place (Décr. de 1811, art. 53). Il en est autrement à l'égard des circonscriptions territoriales qui ne sont pas places de guerre ou postes militaires à défendre contre une invasion imminente pour elles, la mise en état de siége, ayant un autre but et devant suspendre les droits garantis aux citoyens par la Constitution, a besoin d'une autorisation constitutionnelle ou législative. Quelle est à cet égard la législation actuelle? Après de graves controverses et discussions, dans les chambres législatives et devant les juridictions ayant à juger des déclinatoires d'incompétence, l'assemblée nationale, conformément à la Constitution de 1848, a émis une loi organique sur l'état de siége (L. 9 août 1849), dont j'ai aussitôt donné avec historique complet le commentaire développé 37. Mais de nouvelles questions ont surgi

37. Répertoire général du droit criminel, v° Etat de siége. V. aussi Arr. 7 et 29 juin 1832, 5 juill. 1833, 12 oct. et 9 nov. 1848, 15 nov. et 20 déc. 1849, 23 janv. et 10 avril 1852 (J. cr., art. 901, 1220, 4372, 4707, 5248 et 5264).

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