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ART. 8960.

Questions relatives à la confiscation d'objets saisis, dans les cas de délit comportant une réparation civile.

Très-différente de la confiscation de biens ou confiscation générale, qui frappait avec le coupable une famille innocente, et que la Constitution dès 1814 a proscrite sans retour, la confiscation d'objets déterminés ou confiscation spéciale se justifie par des raisons diverses, qui l'ont fait maintenir dans notre législation pénale et même édicter dans des lois nouvelles, qu'applique largement la jurisprudence1.

Mais quel est le caractère de cette peine accessoire, d'une nature particulière et susceptible d'appréciations diverses? Quelles sont ses conditions d'application, au point de vue des droits de propriété sur l'objet à confisquer? Une condamnation principale est-elle toujours nécessaire, pour qu'il y ait confiscation légalement prononcée? A quels objets, en cas de saisie multiple, peut ou doit être étendue la mesure dont il s'agit? Comment doit-on procéder, lorsqu'il y a contestation sur l'étendue avec nécessité de vérification? Enfin, n'y a-t-il pas dans nos lois, pour certains cas, une discordance que devrait faire cesser le législateur lui-même ?

Sur ces questions, pourtant intéressantes et qui se présentent souvent dans la pratique, il n'existe ni doctrine bien arrêtée, ni jurisprudence fixée. La plupart des criminalistes ont seulement indiqué quelques points, en renvoyant pour les autres aux explications à donner sur chaque cas particulier de confiscation; les commentateurs de lois spéciales, telles que celles sur la contrefaçon, n'ont examiné les questions relatives à la confiscation qu'au point de vue de leur sujet spécial ; et s'il y a beaucoup d'arrêts à consulter, on y rencontre trop souvent des contradictions qui ne font qu'augmenter les difficultés. Tout cela demande un sérieux examen.

I. Quel est le véritable caractère de la confiscation spéciale?

Le Code pénal a rangé au nombre des « peines communes aux matières criminelles et correctionnelles la confiscation spéciale soit du corps du délit, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre » (art. 14), et parmi les << peines de police la confiscation de certains objets saisis » (art. 464). Mais, outre qu'il y a dans le Code lui-même des dispositions où la confiscation apparaît sous un autre aspect, elle se trouve avoir un caractère tout différent dans de nombreuses lois spéciales, les unes pour le fisc considéré comme lésé par l'infraction, d'autres en faveur des particuliers lésés qui ont droit à une réparation civile. Il faut donc, au lieu de s'en tenir à une qualification absolue qui serait démentie dans certains cas

1. Voy. Rép. du dr. cr., Vo Confiscation, no 1, et nos 2-7.

J. cr.

FÉVRIER 1870.

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par le texte spécial applicable, admettre les distinctions que commande la diversité des dispositions légales. C'est ce que n'ont pas suffisamment remarqué les auteurs entre lesquels a eu lieu une longue controverse, portant notamment sur le caractère propre de la confiscation spéciale pour délits ayant lésé des droits privés, ce qui a produit beaucoup de divergences sur les questions de conséquence. Dans notre opinion, on doit adopter la division en trois classes qu'indique succinctement le plus récent ouvrage d'un criminaliste érudit, quoiqu'il ait surtout en vue la législation belge, qui diffère peu de la nôtre en cette matière2; ce sera le meilleur moyen de résoudre les principales difficultés.

La confiscation spéciale est une véritable peine, quoique seulement accessoire, lorsqu'elle a été édictée contre le coupable dans le but surtout de punir l'individu lui-même, selon le principe qu'il faut réprimer pour prévenir (Voy. notamment les art. 176, 180, 364, 410, 470, 477); et son caractère répressif persiste, à raison du but, quoique le résultat atteigne un objet réel avec attribution au fisc ou plutôt au domaine de l'État, qui en disposera comme des autres objets saisis n'étant pas réclamés dans le délai réglementaire : alors sont absolument applicables les règles du droit criminel suivant lesquelles aucune peine ne peut être infligée qu'en vertu d'une loi expresse et que dans la mesure par elle fixée, qu'au coupable seul et que par le tribunal de répression compétent. C'est plutôt une mesure d'ordre public, quand la confiscation est ordonnée par la loi et prononcée par le juge pour retirer un objet nuisible ou dangereux de la circulation, constitutive elle-même d'une infraction aux lois de police, ce qui s'applique notamment aux monnaies contrefaites, aux effets publics falsifiés, aux substances vénéneuses, aux aliments ou médicaments gâtés ou corrompus, aux boissons falsifiées, aux faux poids et fausses mesures, aux armes prohibées et aux publications obscènes : dans ces autres cas, il y a moins une peine personnelle, qui ne pourrait être prononcée si le détenteur était acquitté ou décédé, qu'une mesure affectant la chose même, qui doit toujours être ou détruite ou au moins remise à des agents chargés d'empêcher autrement la continuation du délit. Enfin le caractère de réparation civile apparaît, sinon seul, au moins comme dominant, quand la confiscation est édictée et prononcée, avec ou sans condamnation pénale, contre un délinquant, soit à raison d'une fraude qui lèse les droits du fisc, auquel l'objet est attribué d'après la loi fiscale enfreinte, soit comme dédommagement en tout ou partie du préjudice causé par un délit de fraude à un particulier, selon la loi spéciale qui a prescrit ou permis cette autre attribution: c'est surtout à cet ordre d'idées que se rattache l'examen actuel.

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II. Dans quels cas la confiscation de l'objet saisi est-elle subordonnée à la condition que le prévenu en soit propriétaire?

2. M. Haus, Principes généraux du droit pénal belge, p. 459, no 610.

Jamais, évidemment, la confiscation ne peut atteindre les objets saisis comme pièces de conviction dont leur possesseur a été dépouillé par le délit à réprimer, ou qui ont été achetés avec le prix de ces objets car il doit y avoir restitution à la victime du délit, ayant aussi droit sur le produit de sa chose, suivant d'autres règles que nous avons expliquées dans une dissertation spéciale3. Et même il faudrait, pour la confiscation contre le délinquant, qu'il fût proprietaire de l'objet saisi, si l'on prenait à la lettre ce qui est dit dans l'art. 44 C. pén., du moins pour le corps du délit, et dans l'art. 423, quant aux choses sur lesquelles le vendeur a trompé l'acheteur. Mais, ainsi que l'a démontré un magistrat criminaliste, on ne saurait réputer genérale cette condition, que l'art. 44 écarte même pour les produits ou instruments du délit ; une interprétation si large serait contredite par plusieurs dispositions du Code pénal, telles que celles des art. 286, 287, 314, 410, 427 et 470; elle est expressément repoussée par différentes lois spéciales, celles entre autres de 1834 sur la détention prohibée d'armes ou munitions de guerre, de 1844 sur les ventes aux enchères de marchandises neuves, de 1844 sur la chasse, et celles de 1854 et 1855 développant l'art. 423 contre les fraudes sur la vente des denrées et médicaments et sur les boissons; elle l'est également par les lois réprimant beaucoup de fraudes en matière de douanes et de contributions indirectes, et aussi par les lois de 1844 et 1857 sur les contrefaçons ou atteintes analogues à la propriété industrielle ou manufacturière. Conséquemment, s'il faut que l'objet à confisquer soit la propriété du délinquant, c'est seulement dans les cas où le texte spécial ne prononce la confiscation qu'à titre de peine et que contre le condamné, par la raison que nous avons donnée en commençant. Cette condition n'existe dans aucun autre, soit qu'il s'agisse de choses en qui réside pour ainsi dire l'infraction, soit que l'objet n'ait été qu'un instrument de délit; le juge de répression n'a même pas à se préoccuper de la question de propriété, relativement au fusil dont la loi sur la police de la chasse ordonne la confiscation, s'il peut y en avoir saisie ou remise 5.

III. Une condamnation principale est-elle toujours nécessaire, pour que le juge puisse prononcer la confiscation?

Dans l'art. 44 C. pén. se trouve une expression qui semble exiger que le prévenu ait été condamné, ce qui impliquerait nécessité de suivre toutes les règles du droit pénal ou criminel. De cette disposition et du caractère pénal qu'aurait la confiscation, des auteurs et plusieurs arrêts de cassation ont conclu qu'en cas de relaxe ou décès du prévenu, y eût-il délit bien constaté, la confiscation, qui serait une peine, ne

3. Voy. Dissertation, Journ. du dr. cr., art. 8762. 4. Blanche, Études sur le Code pénal, t. Ier, no 72. 5. Voy. Dissertation, Journ. du dr. cr., art. 7190.

peut être prononcée parce qu'il lui manque une base . Cette interprétation a été fortement contestée, même pour les matières ordinaires, par M. Blanche, soutenant que l'expression invoquée s'est glissée pa inadvertance dans l'art. 14; qu'elle ne s'y trouve que pour le corps du délit, et que c'est précisément l'objet dont la confiscation est le mieux justifiée en toute hypothèse; que la confiscation affecte encore plus la chose que la personne et doit donc être prononcée, toutes les fois qu'il y a constatation du délit, qui se trouve dans la chose même; que cela est reconnu par plusieurs lois et différentes décisions; qu'il faudrait une exception écrite pour repousser une telle conséquence 7.

Voici la distinction qui nous paraît nécessaire.

Quand la disposition pénale applicable doit paraître, d'après son objet et ses vues, avoir édicté la confiscation comme peine à prononcer contre le délinquant personnellement, pour le punir lui-même par la perte de la chose qui a été l'objet ou l'instrument de son délit, le caractère de peine accessoire domine tout, ce qui ne permettrait pas que le prévenu, s'il était reconnu non coupable, fût dépouillé de sa chose par cela seul qu'il y aurait eu délit commis, soit par lui sans intention, soit par autrui c'est ici que peuvent s'appliquer, sans contradiction, les solutions des arrêts précités. Mais il en est autrement, lorsque la confiscation semble plutôt avoir été ordonnée par la loi dans un intérêt public dominant, comme mesure de précaution pour retirer de la circulation un objet dont la détention était et serait encore un délit : c'est ce qui a été reconnu par d'autres arrêts de la Cour de cassation, spécialement à l'égard des choses nuisibles à la santé publique, telles que denrées ou boissons falsifiées, faisant l'objet de fraudes qu'ont prévues certaines dispositions du Code pénal et de lois complémentaires 8. La confiscation est même indistinctement ordonnée par les lois spéciales, ainsi que le reconnaît une jurisprudence constante, pour les infractions aux prohibitions en matière de douanes et de contributions indirectes, dès qu'il y en a constatation régulière et sans exception à raison de ce qu'il n'y aurait pas condamnation pénale contre un prévenu 9. Enfin il est d'autres lois plus spéciales encore, telles que celles sur les contrefaçons, qui prescrivent ou permettent de prononcer la confiscation même en cas d'acquittement, dans les conditions que nous établirons plus loin.

6. Cass. 15 mars 1828, 19 avr. 1833, 21 juill. 1838, 1er avr. 1854, 1er mars 1855.

7. Études sur le Code pénal, t. Ier, no 82.

8. Cass. 3 janv. 1857, 12 juill. 1860.

9. C. Cass., 9 prair. an Ix, 9 déc. 1813, 16 déc. 1832, 26 mars 1835, 4 oct. 1839. L'amnistie qui comprend ces infractions empêche la confiscation ellemème (C. Cass., 30 décemb. 1869): c'est qu'alors il y a extinction de toute poursuite, de telle sorte que l'infraction elle-mème disparaît et qu'il n'y aurait plus aucune base quelconque pour la confiscation.

IV. La propriété littéraire ou artistique ayant été reconnue par la loi du 19 juillet 1793, son art. 3 disait : « Les officiers de paix seront tenus de faire confisquer, à la réquisition et au profit des auteurs, compositeurs, peintres ou dessinateurs et autres, leurs héritiers ou cessionnaires, tous exemplaires des éditions imprimées ou gravées sans la permission formelle et par écrit des auteurs. » La contrefaçon étant punie comme délit par le Code pénal (art. 425 et 428), et l'art. 427 ayant prescrit la confiscation de l'édition contrefaite ainsi que des planches et moules ou matrices, l'art. 429 a ajouté : « Le produit des confiscations ou les recettes confisquées seront remis au propriétaire pour l'indemniser d'autant du préjudice qu'il aura souffert. »

C'est ici surtout qu'existe une sérieuse controverse sur le caractère de la confiscation, sur ses conditions d'application selon qu'il y a condamnation ou acquittement du prévenu.

Les raisons de l'opinion qui fait prédominer le caractère pénal, avec toutes ses conséquences, sont celles-ci: Un arrêté du 27 messidor an VII a proclamé « que la confiscation prononcée par la loi de 1793 ne cesse pas d'être une peine, parce que la loi en applique le produit au propriétaire de l'ouvrage contrefait; » dans les termes du Code pénal lui-même, il y a distinction sensible entre la confiscation, qui est l'une des peines du délit, et la destination des choses confisquées ou leur remise ultérieure pour indemnité; la confiscation peut avoir lieu quoiqu'il n'y ait pas de partie civile ayant droit à la remise, par exemple dans le cas prévu par le décret du 7 germinal an XIII, défendant sous les peines de la loi de 1793 l'impression et la publication de livres d'église sans l'approbation de l'évêque diocésain, encore bien qu'il n'ait pas droit d'auteur et de revendication 10. S'il en est saisi, la confiscation ne pourra jamais être prononcée ni par la juridiction correctionnelle en cas d'acquittement du prévenu, ni par les juges civils, qui n'ont aucun pouvoir quant aux peines 11.

Dans l'opinion contraire on dit : Le caractère dominant de la confiscation est celui de réparation civile, comme partie intégrante des dommages-intérêts dus, pour délit de contrefaçon ou autre analogue, de même que pour les fraudes aux lois sur les douanes et sur les contributions indirectes; ce principe a été proclamé et législativement consacré lorsque les lois de 1844 et 1857, punissant les atteintes à la propriété industrielle ou à la propriété manufacturière, ont prononcé la confiscation des objets contrefaits, en ajoutant immédiatement qu'il y aurait remise au propriétaire du brevet ou de la marque; il est d'autant plus applicable ici, que le délit est inhérent à l'objet contrefaisant, qui ne doit pas être laissé dans la circulation par cela seul que le prévenu

10. Voy. le rapport de M. le conseiller Rocher et l'arrêt de Cass. du 5 juin 1847 (J. cr., art. 403).

11. C. de Paris, 27 mars 1868.

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