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tions coupables des uns envers les autres ou leurs propriétés, la répression de ces infractions dans l'intérêt des personnes et pour la vindicte publique. A cet égard, il existe en France des lois et des tribunaux avec des magistrats français, qui doivent être indépendants de l'ennemi pour tout ce qu'il reconnaît lui être étranger ou indifférent. Leur maintien est consacré par une règle du droit international moderne, que constate en ces termes le jurisconsulte allemand Bluntschli : « La juridiction civile et pénale suit son cours régulier sur tous les points où les autorités militaires n'ont pas modifié les lois ou règlements existants. » Le commandant en chef des armées allemandes lui-même, dans l'arrêté publié en son nom par le gouverneur général établi à Reims, a proclamé le maintien des lois et juridictions françaises pour celles des infractions qui ne sont pas à juger par ses tribunaux de guerre d'après sa loi pénale militaire, en disant : « Sauf ce cas, il n'y a rien de changé dans la compétence des tribunaux et des officiers judiciaires français, qui fonctionneront dans les formes légalement constituées avant la guerre. »

Il n'y aurait donc aucun obstacle à l'exercice de la justice répressive selon les lois françaises par les tribunaux et magistrats français, si l'ennemi ne prétendait pas s'immiscer dans la question de politique intérieure, qui est de savoir si la justice doit se rendre au nom du souverain déchu, parce qu'il n'a pas déclaré abdiquer, ou plutôt au nom de la nation ou du gouvernement républicain, qui existe de fait. Cet obstacle est purement local, puisqu'il ne peut exister que dans la portion du territoire occupée par l'ennemi : or, en France et selon des principes qui sont même inscrits dans les lois, la justice qui ne peut s'exercer dans tel lieu trouve des moyens d'action dans d'autres lieux d'après différentes règles de compétence établies pour toutes les hypothèses. Malgré la puissance des armées d'invasion, la résistance qu'elles ont rencontrée sur presque tous les points de la France a fait échapper à l'occupation militaire, outre un nombre considérable de communes et de chefs-lieux de canton où sont des officiers de police judiciaire, la plupart des villes chefs-lieux d'arrondissement où fonctionnent des magistrats pour l'instruction et pour le jugement au correctionnel, le plus grand nombre aussi des villes chefs-lieux de département pour une Cour d'assises, presque toutes les villes où est en outre le chef-lieu de la Cour d'appel, et enfin la capitale où siége la Cour régulatrice, outre la ville où sont réunis des membres de cette Cour pour les affaires criminelles de province. Cela permet d'appliquer, selon les cas, l'une ou l'autre des règles sur la compétence qui vont être rappelées brièvement. Nos lois reconnaissent également compétents, pour la poursuite et l'instruction et pour le jugement, les magistrats du lieu où aura été commis le crime ou le délit, ceux du lieu où réside l'inculpé et ceux du lieu où il est arrêté (C. instr. crim., art. 23, 63 et 69). Les principes admis en doctrine et en jurisprudence, pour le cas de complicité et même pour celui de connexité simple, permettent

aussi au juge qui aurait compétence à l'égard d'un des co-inculpés, ou d'un des délits, d'instruire ou juger les autres encore bien qu'il y eût des juges compétents dans un autre ressort; et même il est des cas où, avec ou sans délégation par commission rogatoire, les règles ordinaires de compétence n'empêchent pas ce qu'on appelle un emprunt de territoire ou droit extra-territorial (voy. ma dissertation, J. du dr. crim., art. 8975). Enfin, la Cour suprême a reçu des lois le pouvoir de renvoyer d'un juge ou d'un tribunal à un autre juge ou tribunal, dans tous les cas où cela paraît nécessaire pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique. Ce dernier moyen lèverait toutes difficultés.

VI. Lorsque l'invasion d'une partie du territoire n'a pas fait occuper militairement par l'ennemi chacune des localités où se trouvent le lieu du délit, le lieu du domicile et le lieu de l'arrestation, les magistrats du lieu non envahi qui ont compétence pour l'une des trois causes peuvent agir et instruire, ce qui rendra compétent le tribunal de l'arrondissement s'il ne s'agit que de délit correctionnel, ou permettra à la chambre d'accusation qui serait saisie de réviser l'instruction et de saisir une juridiction de son ressort, d'ailleurs compétente. Ce moyen est admissible, les juges ainsi saisis n'eûssent-ils compétence qu'à raison de ce que l'un des co-inculpés aurait sa résidence ou aurait été arrêté dans leur ressort, ou de ce que là serait le lieu attributif de compétence pour l'un des délits, dont la connexité avec les autres étend la compétence sur l'ensemble. C'est celui qui paraît avoir été employé dans une circonstance notable, dont voici les principaux épisodes. Pendant que l'ennemi occupait Meudon et Saint-Cloud, des vols y étant commis par trois femmes,le conseiller municipal faisant fonctions d'officier de police judiciaire les a mises en arrestation avec procès-verbal et les a fait diriger par les avant-postes français vers la préfecture de police, par suite de quoi un juge d'instruction a informé. Ce magistrat s'étant déclaré incompétent, il y a eu opposition par les inculpées, voulant échapper à la prolongation de leur détention préventive. L'opposition était recevable selon l'art. 539, C. instr. cr., qui n'admet pas ici le règlement de juges ; mais la déclaration d'incompétence n'aurait pas été réformable, si la chambre d'accusation n'eût découvert une circonstance d'où résultait la compétence facultative par extension. Elle a reconnu que l'une des trois coprévenues avait dans le ressort du tribunal de la Seine une résidence personnelle cette cause de compétence, quant à l'une des prévenues et l'un des vols connexes, a permis d'admettre la compétence du juge de la Seine pour les trois prévenues et l'ensemble des vols.

VII. Il en est autrement, lorsque l'invasion ne permet d'agir et d'instruire dans aucun arrondissement où se trouve l'une des différentes causes de compétence. Alors on se demande si l'obstacle ne peut pas être levé, soit par la chambre d'accusation de la Cour du ressort, soit les chambres assemblées. La chambre d'accusation ne paraît trouver

par

un pouvoir suffisant ni dans aucune des dispositions du Code d'instruction de 1808, ni dans celles qu'a introduites par révision la loi du 17 juillet 1856. En effet, les lois ayant réglé la compétence à raison du lieu pour l'instruction et le jugement, sans admettre d'autre cause accidentelle d'extension que la connexité, il faudrait à la chambre d'accucusation un texte qui lui eût donné le pouvoir d'attribuer compétence pour autre cause encore, dans des cas déterminés. Or, la loi de 1856 elle-même, en développant le pouvoir et les obligations des chambres d'accusation pour qu'elles examinassent la procédure entière dans tous les cas où elles seraient légalement saisies ne fût-ce qu'en partie, ne lui ont permis de saisir par renvoi qu'un tribunal ou une Cour d'assises ayant compétence selon la loi (Voy. art. 230 et 231 révisés). A la vérité, un pouvoir considérable, appelé évocation, a été donné aux Cours impériales par l'art. 235 du Code de 1808 et par l'art. 11 de la loi du 20 avril 1810; mais il se limite lui-même, sans comprendre celui d'attribuer compétence pour le jugement à une juridiction que la loi n'aurait pas déclarée compétente. L'art. 235 n'a eu en vue qu'une poursuite et une instruction à ordonner par une chambre d'accusation saisie, lorsqu'il a dit que « dans toutes les affaires, les Cours impériales, tant qu'elles n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourront d'office, soit qu'il y ait ou non une instruction ordonnée par les premiers juges, ordonner les poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer et statuer ensuite ce qu'il appartiendra. » C'est aussi seulement pour les poursuites qu'a été conféré aux chambres assemblées des Cours impériales, par la loi de 1810, le pouvoir d'entendre les dénonciations qui leur seraient faites par un de leurs membres, de mander le procureur général pour lui enjoindre de poursuivre ou pour entendre le compte qu'il devrait lui rendre des poursuites qui seraient commencées, disposition dont l'exécution présente déjà de graves difficultés ainsi qu'on l'a vu en 1861 (Aff. About; J. cr., art. 7309).

Le pouvoir d'attribuer compétence pour l'instruction et le jugement, en dehors des règles légales ordinaires, aurait-il été conféré aux Cours d'appel par quelque disposition exceptionnelle qui fût applicable au cas actuel? on ne le voit nulle part. Les seules dispositions relatives à un tel pouvoir, qui soient pour ces Cours, sont celles de l'art. 540, C. instr. cr., concernant le règlement de juges entre deux juges d'instruction ou tribunaux établis dans le ressort de la même Cour. Mais elles sont pour le seul cas où les deux juges ou tribunaux sont saisis l'un et l'autre de la connaissance du même délit ou de délits connexes; et par son objet le règlement de juges présuppose, pour le juge ou tribunal qui sera préféré, une compétence d'après la loi, que l'arrêt se borne à fixer: or, dans la circonstance extraordinaire actuelle, il n'y a d'autres juges compétents à raison du lieu que ceux d'une ville occupée par l'ennemi.

VIII. C'est à la Cour de cassation, et à elle seule, qu'a été conféré le

pouvoir d'attribution pour lequel il faut une disposition de loi. Son pouvoir ne se borne pas à désigner, lorsqu'elle casse un jugement ou arrêt, le tribunal ou la Cour de renvoi devant juger le fonds, désignation qui n'est obligatoire qu'autant que la matière est dans la compétence de la juridiction ainsi saisie. Il ne se limite pas non plus au règlement de juges, qui implique compétence selon la loi pour celui des tribunaux ou celle des Cours que préfère l'arrêt de règlement. Des dispositions législatives ont donné à la Cour suprême un pouvoir qui, pour certaines causes, va jusqu'à imposer l'attribution juridictionnelle à des juges que la loi n'avait pas désignés elle-même : elles reposent toutes sur de hautes considérations et sur la prédominance de cette Cour dans l'ordre judiciaire. Il y en a plusieurs, dont la plus récente est celle que contient l'art. 6 de la loi du 27 juin 1866, permettant de poursuivre en France les délits commis par des Français en pays étranger, lequel autorise la Cour de cassation à renvoyer la connaissance de l'affaire devant une Cour ou un tribunal plus voisin du lieu du crime ou délit que ne l'est le lieu de la résidence ou de la capture. La plus importante disposition est celle de l'art. 542, C. instr. cr., qui, sous le titre des renvois d'un tribunal à un autre, porte qu'en toute matière criminelle, « la Cour de cassation peut, sur la réquisition du procureur général près cette Cour, renvoyer la connaissance d'une affaire, d'une Cour d'appel ou d'assises à une autre, d'un tribunal correctionnel ou de police à un autre tribunal de même qualité, d'un juge d'instruction à un autre juge d'instruction, pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime.» Des troubles civils, tels que ceux qui existèrent en 1841 à l'occasion du recensement, ont été reconnus suffisants pour faire dessaisir les tribunaux des villes où ils avaient lieu et pour en saisir d'autres (arr. 7, 8 et 15 oct. 1841). A plus forte raison doit-il en être ainsi dans le cas d'une guerre publique, lorsque l'invasion a placé sous le coup d'une occupation actuelle par l'ennemi le chef-lieu d'arrondissement ou de département où sont les magistrats qui seuls auraient compétence pour le crime ou délit à poursuivre: car il n'en est pas des fonctions judiciaires comme de l'administration communale, qui a paru comporter une sorte de translation par des délé– gations à certains habitants réfugiés, dans l'intérêt commun des autres.

La disposition de l'art. 542 a une telle généralité, pour que la justice puisse s'exercer avec toutes garanties, que la Cour de cassation y trouve virtuellement compris le cas où, par l'effet de quelqu'empêchement d'un juge ou de plusieurs, le tribunal compétent ne pourrait être complétement constitué. Celui-ci est plus absolu que le cas de demande en renvoi pour suspicion légitime vis-à-vis de tels ou tels magistrats, lequel peut être invoqué même par les parties et doit être vérifié avec appréciation circonspecte: on pourrait le trouver dans l'obstacle résultant de l'occupation du territoire par l'ennemi, qui nuit à l'indépendance des juges ainsi que le disait la délibération de la Cour de Nancy; mais il

convient d'éviter tout ce qui pourrait faire suspecter plus ou moins les magistrats personnellement, lorsqu'ils sont restés à leur poste et qu'on ne peut faire les communications nécessaires pour que tout soit bien connu. C'est le cas, ou jamais, d'invoquer la sûreté publique, puisqu'elle serait compromise par l'impunité du crime ou délit ainsi que par les tentatives de répression entravées par l'ennemi, puisqu'elle est intéressée à ce qu'il y ait poursuite là où ce sera possible avec toutes les garanties d'une bonne justice. L'initiative, après réunion et transmission de pièces et renseignements par les magistrats ayant acquis dans leurs fonctions la connaissance du crime ou délit (Voy. art. 29 C. inst. crim.), doit appartenir au ministre de la justice, puisqu'il y a là une question d'opportunité: M. Legraverend a été jusqu'à dire que, le gouvernement étant le meilleur appréciateur en pareil cas, la Cour de cassation ne pourrait refuser le renvoi qu'il aurait demandé; mais c'est une interprétation exagérée, puisque l'art. 542 parle seulement de réquisition par le procureur général, sans même dire qu'il pourra être provoqué par un ordre du ministre comme dans les cas des art. 441 et 444, ce qui d'ailleurs n'enlève pas au procureur général sa liberté d'opinion à l'audience et ne saurait encore moins lier la Cour pour sa décision. Mais le procureur général, requérant le renvoi pour cause de sûreté publique, entraînera facilement les convictions, lorsqu'il exposera les malheurs de la guerre pour le pays envahi, la situation locale par rapport au crime ou délit commis et aux juges ou tribunaux de répression, les principes du droit des gens ou international et de notre législation sur la souveraineté et sur l'administration de la justice nonobstant l'occupation d'une partie du territoire français, en un mot les circonstances déplorables qui entravent la justice et nécessitent le renvoi de telle affaire à des juges ayant conservé leur entière indépendance. Voilà les principes, les armes légales.

ACHILLE MORIN.

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Lorsqu'il y a prévention contre un individu d'avoir commis le délit d'outrage public à la pudeur pour s'être baigné en état complet de nudité dans une rivière dont les eaux étaient basses, la condition de publicité à raison du lieu et de la présence de plusieurs personnes existe bien aux yeux de la loi; mais l'action indécente ne constitue pas nécessairement l'outrage punissable et le juge peut prononcer relaxe en déclarant qu'il n'y a pas preuve d'intention de braver ou offenser la pudeur publique.

ARRÊT (Min. publ. c. Mercier).

LA COUR:- Attendu que le fait imputé au prévenu Mercier consistait à s'être baigné dans la Loire en état de complète nudité; Que l'arrêt attaqué,

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