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juge d'instruction, et il peut en avoir plusieurs (1. 27 vent. an viii, etc.; C. instr. cr., art. 55). Ce magistrat a compétence pour instruire, n'y eût-il qu'une seule des trois causes de compétence à raison du lieu qui sont indiquées dans les art. 23 et 63 C. instr. cr.; bien plus, étant ainsi compétent pour un crime ou délit, il étend sa compétence dans les cas d'indivisibilité ou connexité aux autres infractions, quoiqu'il y ait pour elles à informer aussi dans un autre arrondissement. En résulte-t-il que le juge d'instruction saisi soit autorisé à sortir de son territoire, pour compléter son information? Pas précisément; car le principe dominant, dans ces cas eux-mêmes, est celui que la loi romaine exprimait en ces termes: Extra territorium jus dicenti non paretur. Cependant la justice répressive ne peut admettre que, quelle que soit la nécessité d'instruire complétement, les recherches de la justice soient bornées par un obstacle qui pourrait les rendre infructueuses; que le magistrat instructeur, spécialement, soit contraint de s'arrêter en deçà d'une limite au delà de laquelle il aperçoit la lumière, des preuves à recueillir. Pour qu'il ne fût pas emprisonné dans l'étroite enceinte de son arrondissement lorsque le besoin de la justice veut qu'il en sorte, la loi lui a donné le pouvoir de faire procéder au dehors en son nom, au moyen d'une délégation ou commission rogatoire adressée au juge du lieu. On trouve des exemples de cette prorogation de pouvoirs dans les art. 83 et 84 C. instr. cr., autorisant la commission rogatoire pour une audition de témoins éloignés, et notamment dans l'art. 90 portant: « Si les papiers ou les effets dont il y aura lieu de faire la perquisition sont hors de l'arrondissement du juge d'instruction, il requerra le juge d'instruction du lieu où l'on peut les trouver, de procéder aux opérations... » Il y en a d'autres dans les art. 237 et 283, ainsi que dans l'art. 303, aux termes duquel, lorsqu'il s'agit d'instruction supplémentaire par le président des assises, s'il faut entendre des témoins résidant hors du lieu où elles se tiennent, ce magistrat déléguera un juge d'instruction, soit celui de leur résidence, soit « même celui d'un autre arrondissement; » et selon les prévisions de l'art. 283, la commission rogatoire peut être donnée à un juge d'instruction ou juge de paix d'un « arrondissement voisin du lieu du délit. » Ainsi, au moyen du droit de délégation, le magistrat instructeur, peut-on dire, a pour domaine l'empire entier, dans des conditions réglées par la loi.

Auquel des deux magistrats appartient l'acte, et quelle serait la Cour impériale à laquelle devrait être portée l'opposition? Il faut distinguer. On peut supposer le cas où le juge d'instruction délégué, ne se bornant pas à la simple exécution de l'acte objet de la commission rogatoire, ferait de lui-même un acte de juridiction, par exemple en condamnant à l'amende un témoin qui refuserait de comparaître ou de déposer, ou bien en rendant une ordonnance sur incident contentieux ou pour développer ses moyens d'action, spécialement pour une saisie qui rencontrerait quelque obstacle: alors, l'acte de juridiction lui étant propre, l'opposition à cette décision ou à son exécution serait un recours contre

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l'acte de juridiction lui-même et devrait être portée à la Cour imperiale sous l'autorité de laquelle se trouve le magistrat délégué. C'est autre chose lorsque, la commission rogatoire ayant prévu tout et tracé la marche, le délégué ne fait que l'exécuter en opérant la mesure requise, par exemple en effectuant la saisie nonobstant les réclamations du détenteur dans ce cas différent, on juge que l'acte appartient au déléguant, qui a donné la mission exécutée, que l'opposition s'attaque à son ordonnance elle-même et qu'ainsi la Cour impériale compétente sur le recours est celle qui a dans son ressort le magistrat ayant fait la délégation 3. Ici donc se trouve une exception, d'un genre spécial, au principe qui circonscrit les pouvoirs de chaque magistrat ou juridiction. dans les limites de son ressort le magistrat instructeur a dépassé son territoire, au moins fictivement, et l'opposant doit quitter le sien pour exercer son droit d'opposition, fût-ce un avocat invoquant l'inviolabilité de son cabinet.

IV. Le pouvoir de procéder ainsi hors du territoire, pour les nécessités d'une instruction, est une attribution légale incontestable, pourvu que son exercice ait lieu dans les conditions établies par la disposition de loi qui l'autorise. Mais c'est un droit exceptionnel, qui est lui-même limité. Jusqu'où va-t-il ?

L'ordonnance de Blois de mai 1579, art. 468, disait expressément que le juge délégué ne pourrait refuser; mais cela ne tranchait pas la difficulté pour le cas de refus plus ou moins prononcé. Prévoyant aussi ce cas extraordinaire, elle disposait qu'alors le juge d'instruction déléguant obtiendrait un arrêt l'autorisant à informer en personne hors

3. LA COUR ; Attendu qu'il est établi en fait que, dans le cours d'une poursuite correctionnelle en abus de confiance dirigée devant le tribunal de Saint-Jean-d'Angély contre le nommé Depain, négociant, le juge d'instruction de ce tribunal a donné commission rogatoire à son collègue de Cognac à l'effet de saisir, comme élément de preuve du délit d'abus de confiance, les livres de ce prévenu qui se trouvaient déposés chez Me Robin, avocat en cette ville, par suite d'un procès commercial alois terminé, et à l'occasion duquel ce dernier avait prêté son ministère audit Depain; attendu que le juge d'instruction, ainsi investi d'une délégation régulière, a procédé à l'opération requise; mais que Me Robin s'étant rendu appelant de cette commission rogatoire devant la Cour impériale de Bordeaux, cette cour, chambre des mises en accusation, s'est déclarée incompétente, sur le motif que le magistrat dėlėguant, auteur de l'ordonnance de saisie, ne relevait pas de sa juridiction, mais de celle de la Cour de Poitiers, dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal de Saint-Jean-d'Angély; attendu que le magistrat qui agit en veitu d'une commission rogatoire ne fait point, en remplissant la mission qui lui est confiée, acte de juridiction propre et personnelle; que la mission tracée par sa délégation se borne à de simples actes d'exécution, alors surtout que, comme dans l'espèce, il n'a point à prononcer et n'a point en réalité prononcé sur des incidents contentieux; que c'est donc à bon droit qu'en cet état des faits ladite Cour s'est déclarée incompétente pour statuer sur l'appel introduit devant elle contre la commission rogatoire du juge d'instruction de SaintJean-d'Angély, dont le tribunal relève du ressort de la Cour impériale de Poitiers; rejette.

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de son territoire. Notre Code d'instruction criminelle ne contient aucune disposition à cet égard; seulement il a employé des expressions différentes selon les situations, pour ménager les susceptibilités d'un égal qui amèneraient un refus. Quand la commission est adressée par le juge d'instruction à un officier de police judiciaire, il le charge de faire tel acte (art. 52 et 84); quand elle l'est à un juge de paix pour entendre des témoins, il le commet (art. 83 et 84); et lorsque c'est à un juge d'instruction d'un autre arrondissement, il le requiert (art. 84 et 90). Le mot délégation est préféré dans les art. 266, 283, 303 et 497. Vis-à-vis des magistrats étrangers, auxquels d'ailleurs un magistrat français ne peut s'adresser que par l'intermédiaire du ministre de la justice, il faut employer, non les termes d'une réquisition, mais une formule d'invitation ou demande (Circul. min., 5 avri. 1844). Ainsi, partout en France, le juge d'instruction d'un arrondissement peut faire agir de la sorte même un collègue son égal; à l'étranger, il n'a pas de pouvoir personnel, hors le cas de traité international extensif, tel que celui du 29 avril 1869, art. 13 et 15 (Voy. notre art. 8834). Voilà l'étendue et les limites du pouvoir prorogé; d'où nous concluons que même en cas de refus persistant par le juge d'instruction requis, celui qui informe ne pourrait être autorisé à fonctionner personnellement sur le territoire d'un autre.

V. Le devoir du magistrat délégué, hors les cas exceptionnels d'obstacle légal, est d'accepter la délégation ou commission rogatoire et de l'exécuter, en donnant cédule s'il s'agit d'audition de témoins, en rendant une ordonnance de nomination d'experts ou d'accedit selon qu'il faut une expertise ou une visite de lieux. Pourrait-il y avoir cause de refus? Un ancien auteur l'admettait, pour le cas où le juge délégué ne serait pas dépendant de la juridiction du déléguant (Farinacius, quest. 77, no 166); et un autre rappelait cette opinion, mais sans l'approuver absolument (Jousse, Just. crim., t. 2., p. 154). Aujourd'hui, le refus ne pourrait avoir lieu par un tel motif, puisque le Code d'instruction admet la délégation à un magistrat égal et d'un arrondissement différent. N'y eût-il que retard sans autre motif, cela constituerait une sorte de déni de justice, tout au moins un grave manquement aux devoirs du magistrat, lequel autoriserait une plainte au procureur général du ressort et pourrait faire encourir une mesure disciplinaire (Carnot, Inst. cr., t. ler, p. 369; Mangin, Inst. cr., t. fer, p. 186). Si le juge commis exprimait son refus dans une ordonnance. elle pourrait être frappée d'opposition par le ministère public (déc. min., 25 mai 1830; Duverger, t. 2, p. 336). Que s'il était fondé sur l'incompétence, il y aurait lieu à opposition, et même à règlement de juges dans le cas où la procédure se trouverait entravée par là (F. Hélie, Inst. cr., t. 5, p. 690; Duverger, loc. cit.).

4. Voy. Muyart de Vouglans, Instruction criminelle, p. 227. C'était à ce cas surtout qu'était appliquée la dénomination d'emprunt de territoire.

Il est d'ailleurs des conditions sans lesquelles une commission rogatoire, même régulière, peut être refusée légalement. Suivant les distinctions établies dans les art. 83 et 84 précités, le juge d'instruction doit déléguer pour l'audition de témoins qu'il ne peut entendre lui-même, non pas le juge qu'il lui convient de choisir, mais celui que la loi lui désigne selon la résidence des témoins. D'après les termes des art. 283 et 303, la délégation semble pouvoir être donnée à un procureur impérial, juge d'instruction ou juge de paix, dont le ressort ne serait que voisin de l'arrondissement communal où a eu lieu le délit, ou bien au juge d'instruction d'un arrondissement autre que celui où résident les témoins à entendre; mais cela ne fait pas que le déléguant ait toujours le pouvoir de choisir le délégué hors de l'arrondissement où devra fonctionner celui-ci. Un arrêt, il est vrai, a dans ses motifs déclaré irrégulière la délégation donnée par un président d'assises à un juge. d'instruction d'un tribunal dont l'arrondissement était hors du ressort de cette cour, quoiqu'il n'y eût qu'à entendre préparatoirement des témoins résidant en cet arrondissement; mais des criminalistes enseignent que dans ce cas même il y a délégation légale, parce que, lorsque la loi confère au président le pouvoir d'instruire, elle ne peut avoir mesuré ce pouvoir au point de l'amoindrir dans ses mains, en lui interdisant ce qu'elle a permis à un simple juge d'instruction". Quand la délégation est viciée d'une irrégularité qui pourrait faire annuler l'opération, le délégué doit être autorisé à la refuser en donnant son motif, sauf au déléguant à procéder autrement. Le refus semblerait aussi légitimé par la conviction qu'aurait le délégué qu'il y a de la part du déléguant un emprunt de territoire contraire aux principes. Citons un exemple. Un officier public de la capitale et d'autres individus ayant concouru à une entreprise qui avait recueilli des fonds dans une ville lointaine, le juge d'instruction de cette ville informait pour abus de confiance ou escroquerie et déléguait un juge d'instruction de Paris; mais sa compétence pour connexité ne pouvait attirer l'officier public, parce que si celui-ci avait encouru des poursuites, son fait serait un abus de confiance qualifié, qui ne pouvait avoir été commis qu'à Paris et être jugé que là (Voy. nos art. 8701 et 8748). La compétence visà-vis de l'officier public appartenant aux juges de Paris, il leur était donc permis de refuser la délégation que voulait leur donner un juge d'instruction de province pour interroger en son nom cet agent, comme prévenu et non pas seulement comme témoin.

VI. L'emprunt de territoire, sans délégation, ne serait un droit ni à raison de la gravité du crime dont la poursuite aurait d'ailleurs été compétemment engagée, ni par cela seul qu'il y aurait connexité entre ce crime et un autre commis hors de l'arrondissement, celui-ci fût-il encore plus grave et en outre le premier de tous ceux dont l'informa

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tion recherche la série successive. S'il faut opérer des recherches matérielles ou faire des constatations dans le lieu de ce crime, par exemple pour découvrir le cadavre de la victime et avoir des preuves d'empoisonnement, ce doit être l'objet d'une commission rogatoire adressée à un magistrat du lieu; le juge saisi ne pourrait se dispenser d'y recourir, eût-il à sa disposition des personnes très-exercées pour le double objet, par exemple un agent supérieur de la police de sûreté bien renseigné sur les localités et le médecin expert le plus instruit pour l'autopsie.

Toutefois il est des crimes pour lesquels, par des raisons majeures, le législateur lui-même a donné à certains fonctionnaires un pouvoir extra-territorial. Le Code de brumaire an Iv, art. 544, autorisait le directeur du jury, le juge de paix, le commissaire de police, l'agent municipal ou son adjoint, qui aurait commencé la recherche d'un délit de fabrication ou distribution de fausse monnaie métallique où autre, à la continuer et à «faire les visites nécessaires hors de son ressort. >> Notre Code d'instruction, art. 464, attribue ce pouvoir exceptionnel, mais seulement aux présidents des cours d'assises, procureurs généraux et substituts, juges d'instruction et juges de paix, pour la recherche des crimes énumérés dans la disposition suivante: «......pourront continuer, hors de leur ressort, les visites nécessaires chez les personnes soupçonnées d'avoir fabriqué, introduit, distribué de -faux papiers nationaux, de faux billets de la banque de France ou des banques de départements,.... également pour le crime de fausse monnaie ou de contrefaçon du sceau de l'État.» L'extension de pouvoir fut justifiée en ces termes par l'orateur du gouvernement : « Cet objet est d'une si haute importance, et le crime qu'il est question d'atteindre compromet si essentiellement la fortune publique, qu'on a senti le besoin de donner la plus grande activité aux recherches........... Il serait fâcheux que le juge ou l'officier de police judiciaire qui, muni des premiers documents, a commencé les visites nécessaires en pareil cas, ne pût les continuer hors de son ressort, car il en résulterait des lenteurs qu'il importe essentiellement d'éviter. Mais si cette extension de territoire peut-être utilement attribuée à des magistrats qui s'occupent habituellement de la distribution de la justice, elle a semblé ne pas convenir également une multitude d'autres agents désignés dans la loi du 3 brum. an iv. Cette restriction obtiendra sans doute votre assentiment; car le droit extra-territorial que nous examinons pourrait, comme la plupart des institutions qui sortent du droit commun, dégénérer en abus, s'il n'était pas confié à des mains exercées, et si l'emploi n'en était pas sagement dirigé.» Ici se trouve, pour ceux des magistrats auxquels il a été conféré, un pouvoir extra-territorial des plus caractérisés.

VII. On pourrait encore trouver d'autres exemples d'un emprunt de territoire, plus ou moins réel et toléré ou même autorisé. Mais alors l'exception au principe dérive soit d'une nécessité impérieuse équivalant à la force majeure, soit d'une disposition constitutionnelle ou d'une convention internationale qui font loi pour le cas particulier.

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