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ministère public, parce qu'ils doivent avoir respectivement une indépendance complète. Cela implique interdiction de donner soit à une partie, soit à un témoin, l'acte demandé relativement aux passages d'un réquisitoire qui le choqueraient; et comme le principe est d'ordre public, il ne dépendrait même pas de l'organe du ministère public de lever l'interdiction par un consentement exprès c'est ce qu'a proclamé un arrêt de cassation du 20 octobre 1835 (J. cr., art. 1744), et ce qui est encore expliqué dans le traité précité (no 57 quater). Il n'y aurait même pas à se préoccuper de la circonstance que, suivant les conclusions demandant acte, les paroles relevées contiendraient imputation de faits étrangers à la poursuite: car, comme l'a dit un arrêt de rejet du 14 janv. 1851, « l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819 n'est pas applicable aux magistrats du ministère public, lorsqu'ils donnent leurs conclusions sur des poursuites criminelles ou correctionnelles. >>

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Après condamnation correctionnelle par un arrêt passé en force de chose jugée, lorsque le coupable a pris dans la procédure le nom ou le prénom d'un tiers sans qu'il y ait accusation de faux, la rectification peut-elle étre demandée par le ministère public, quelle est la juridiction compétente et comment doit-il être procédé ?

Ces questions ont une importance manifeste et certaines difficultés qui, jusqu'ici, n'avaient pas été complétement discutées et résolues. Car trop souvent les prévenus profitent d'erreurs ou de similitudes trompeuses, pour se laisser condamner sous des noms appartenant à d'autres, et la fraude ne comporte une accusation de faux, qui permettrait une intervention pour redressement d'erreur, que dans les conditions ou selon les distinctions qu'a démontrées M. Achille Morin dans deux dissertations spéciales (J. cr., art. 5949 et art. 7953, nos vIII et ix). Car, d'un autre côté, la jurisprudence s'étant fixée dans ce sens après hésitations, les questions de rectification sur simple requête du ministère public ne se sont présentées que deux fois, à part un ancien arrêt de Metz (5 juin 1826) et un arrêt de Gand (11 mars 1862), et que dans des situations qui n'exigeaient pas, avec discussion approfondie, une solution complète faisant jurisprudence elle-même. Aussi n'y a-t-il eu depuis lors qu'un jugement admettant la rectification par les juges de qui émanait la condamnation, et qu'un arrêt de la Cour de cassation décidant qu'alors il n'y a qu'à vérifier l'identité sans jugement nouveau sur le fond, à défaut d'opposition ou d'appel (voy, J. cr., art. 7029 et 8348). Ayant été récemment soulevées par

requête de M. le procureur général à la Cour impériale d'Aix, les questions ci-dessus posées ont été approfondies dans un rapport de M. le conseiller Lepeytre, qui a bien voulu nous le communiquer en nous donnant le texte de l'arrêt intervenu. Nous croyons devoir faire précéder cet arrêt de la partie doctrinale du rapport, ainsi formulée :

La difficulté est de savoir: 1o qui a qualité pour provoquer cette rectification; 2o qui a qualité pour l'ordonner; 3o enfin, quelle est la marchę à suivre.

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« Qui a qualité pour provoquer cette rectification? De toute évidence, ce sera, avant tous, le tiers dont le nom a été usurpé. La jurisprudence et la doctrine s'accordant pour voir un faux criminel dans ces déclarations fausses lorsque le nom usurpé est celui d'un tiers que l'on compromet sciemment (Rej. 28 nov. 1864; Cass. 11 mai 1865), il en résulte que ce tiers pourrait intervenir dans la poursuite criminelle en faux et demander à titre de réparation la rectification des énonciations fausses qui lui préjudicient. - Que si le ministère public n'a pas jugé opportune la poursuite en faux, le tiers aura encore la ressource de réclamer auprès du tribunal qui aura commis l'erreur. Cette réclamation se produira à titre d'opposition, et cette opposition, affranchie ici des formes et des délais ordinaires, spéciaux aux jugements par défaut, sera recevable, même avec ces allures exceptionnelles; car il s'agit en définitive de la réclamation d'une personne qui a été condamnée par son nom sans avoir personnellement comparu. Je me garde d'aller jusqu'à parler de tierce opposition proprement dite. Cette voie de recours, réservée par le Code de procédure civile, est inadmissible contre les décisions de la justice répressive (Berriat Saint-Prix, Trib. de pol. no 530; Trib. corr. no 71; F. Hélie, Inst. crim. vII, p. 361; Cass. 19 fév. 1835). La raison en est simple: Pour qu'un jugement soit susceptible de tierce opposition, il faut, outre le préjudice à un tiers, que le tribunal qui l'a rendu soit compétent pour apprécier ce préjudice. Or, en matière criminelle, le préjudice se rencontrera, mais non la seconde condition, la compétence car les juges répressifs, ne pouvant statuer sur les intérêts civils qu'accessoirement à l'action publique, épuisent leur juridiction en prononçant sur celle-ci. Et la question du préjudice résultant d'une décision de justice répressive ne constitue qu'un intérêt civil qui ne trouve plus, dans le juge dessaisi, pouvoir pour en connaître. Ce serait donc en contravention des principes les plus certains qu'on chercherait à introduire ici cette voie de recours spéciale à notre procédure civile. Elle arriverait d'ailleurs comme hors-d'œuvre, puisque déjà, en dehors du cas de poursuite pour faux criminel et d'intervention possible, le tiers a la ressource d'une opposition d'autant mieux protectrice que, ne s'exerçant pas envers un jugement par défaut proprement dit, elle ne sera pas circonscrite par les délais et gênée par les formes ordinaires. L'initiative privée du tiers trouvera donc une double porte ouverte pour arriver à la réparation du préjudice souffert.

Mais ce n'est point assez. Il peut en effet se faire qu'ignorant le jugement qui lui porte grief, le tiers n'agisse pas, et c'est précisément notre espèce. L'erreur devra-t-elle subsister? Il en sera ainsi si l'on refuse de faire marcher, parallèlement à l'action privée, l'action du ministère public inspirée par le seul trouble apporté à l'ordre public. Cette action

ne serait-elle pas recevable? - Les dispositions de l'art. 2, tit. 8, de la loi du 24 août 1790 n'accordaient sans doute au ministère public, en matière civile, que la voie de réquisition pour l'exercice de ses fonctions. Leur principe restrictif avait pour conséquence de laisser à découvert des intérêts d'autant plus dignes de la sollicitude du législateur qu'ils touchaient à l'ordre public lui-même. Une modification était inévitable, et le législateur l'inscrivit dans l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810. Dérogeant complétement à la législation antérieure, la loi de 1810 accorde aux officiers du parquet l'action d'office en matière civile, non pas seulement dans les cas spécifiés par la loi, mais en général chaque fois qu'est en jeu un de ces intérêts touchant à l'ordre public que le législateur a voulu couvrir d'une protection particulière. C'est ce qui ressort très bien des termes de l'article 46 qui est ainsi conçu : « En matière civile, le minis«tère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi. Il surveille « l'exécution des lois, des arrêts et des jugements. Il poursuit d'office cette « exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public. »-Ces derniers mots de l'article sont ceux qui me semblent ici générateurs du droit du ministère public.-Cette action d'office est d'ailleurs aujourd'hui reconnue par la jurisprudence de la majorité des Cours impériales: Angers, 5 déc. 1860; Paris, 22 fév. 1861; Agen, 23 avril 1861; Rouen, 13 mars 1861; et consacrée par les arrêts de la Cour de cassation des 22 janv. et 24 nov. 1862. - Je sais que ces arrêts sont spécialement relatifs à des rectifications d'actes de l'état civil, et que leurs motifs à tous reflètent cette considération dominante, qu'un intérêt d'ordre public s'attache à la tenue et à la rédaction exacte des actes de l'état civil placés, au surplus, sous la surveillance et le contrôle directs du parquet. Pour que la même action appartienne au ministère public dans l'espèce qui occupe la Cour, il faudra donc rencontrer des considérations du même genre et, avant toutes, cette considération si puissante de l'ordre public intéressé, qui a inspiré le législateur dans l'article 46 précité. Reste à les rechercher.

Nier l'intérêt d'ordre public qui s'attache à la tenue régulière des minutes des greffes serait nier l'importance du contenu de ces minutes. N'est-ce pas là que reposent les décisions de justice consacrant définitivement les titres, les droits d'un grand nombre de citoyens, réglant les intérêts les plus chers des familles? L'importance même de ces droits ne dit-elle pas le trouble qui résulterait de leur mention irrégulière dans les minutes des greffes, de leur mention sous le nom de parties autres que celles qui en ont provoqué la reconnaissance et entre lesquelles il a été statué? Et ce trouble, qui demeurerait privé s'il devait s'attaquer à une personne isolément, ne se transformera-t-il pas en trouble général et d'ordre public quand il sera susceptible de léser un nombre considérable de citoyens, en jetant le désordre dans les familles par l'oubli, la transformation d'un droit tenu pour acquis, par la substitution d'une qualité à une autre dans les décisions judiciaires?

courue. -

«A un autre point de vue, il importe, au prix d'un trouble évident pour la société, qu'une condamnation qui peut aller jusqu'à être infamante ne soit point enregistrée sous le nom de celui qui ne l'a pas enN'est-ce pas imbu de ces légitimes préoccupations que le législateur a étendu le droit de surveillance et de contrôle du ministère public sur les actes de l'état civil aux minutes des greffes? Et si l'art. 53 C. Nap. et l'ordonnance du 26 nov. 1823 lui prescrivent une vérification et un compte-rendu annuels des registres de l'état civil, les art. 140 10

J. cr. MAI 1870

-

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C. proc. civ. et 196 C. inst. crim., les art. 1 et 2 de l'ordonn. du 5 nov. 1823, enfin les circulaires des 23 déc. 1822 et 11 mars 1824 ne lui imposent-ils pas une vérification et un compte-rendu mensuel des minutes des greffes? L'ordre public n'apparaît-il pas comme intéressé sous toutes ces exigences? Si donc le ministère public se trouve ici en présence des mêmes considérations qui lui ont fait imposer des obligations de même nature qu'en matière d'état civil, ne faut-il pas conclure d'une situation identique à un résultat identique aussi, et lui accorder la même action d'office qu'il exercerait en matière d'état civil? Et en cela, le ministère public ne se renferme-t-il pas dans les termes précis du § 2 de l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810, et fait-il, en définitive, autre chose que surveiller l'exécution des arrêts et des jugements dans les dispositions qui intéressent l'ordre public?

« C'est la première question que la Cour aura à résoudre, et une solution affirmative seule pourra l'amener à se demander qui aura qualité pour ordonner la rectification, et quelle procédure il faudra suivre.

« Ici, absence complète de toute disposition législative pour résoudre directement la difficulté. Si bien, que refuser de procéder par analogie serait vouloir la laisser sans solution. Où puiser cette analogie? Je n'hésite pas à proposer à la Cour de la prendre dans les art. 518 et suiv. C. inst. crim. Un individu condamné s'évade; il est repris, et il y a lieu de procéder à la reconnaissance de son identité. Par qui sera faite cette reconnaissance? Par la Cour qui a prononcé sa condamnation, répond l'art. 518. C'est en suivant le même ordre d'idées que la Cour me paraît devoir déclarer sa compétence, dans l'espèce actuelle, pour ordonner la rectification demandée. Ce qui me rassure en proposant cette solution à la Cour, c'est qu'elle a pour elle le seul monument de jurisprudence intervenu sur cette question. Il n'émane pas d'une Cour, mais d'un tribunal de première instance (jugem. du trib. de Montélimar du 24 janv. 1860, Journ. crim., art. 7029). Il est fortifié cependant par un arrêt de la Cour de cassation (20 juillet 1866, Journ. crim., art. 8348) qui, statuant seulement sur les conséquences du principe, n'y arrive qu'en préjugeant le principe lui-même. Sans doute, l'art. 518 n'embrasse dans ses termes que les matières du grand criminel. Mais son application a été bientôt étendue aux matières correctionnelles et à tous les cas analogues à celui qu'il prévoit spécialement (Berriat Saint-Prix, Trib. corr., t. 1, no 214; Hélie, Instr. cr., t. 9, p. 566;' Cass. 11 juill. 1834; 20 juill. 1866 (Journ. cr., art. 8348). Et si ce texte de loi peut être appliqué en matière correctionnelle, je n'en sais pas d'autre qui permette à la Cour d'arriver à un résultat que sollicitent à la fois l'équité et la vérité. Sans doute encore, la voie de l'analogie admise, il conviendra de la suivre jusqu'au bout. D'où il faut conclure qu'empruntant à l'art. 518 pour déterminer sa compétence, la Cour devra emprunter aussi à l'art. 519 pour régler la procédure. C'est dire que l'arrêt rectificatif interviendra en présence du condamné Brulé (François-Anatole), le véritable délinquant.

Faut-il en conclure, cependant, que l'emprunt devra être sans réserve aucune? Que, parce que l'art. 519 parle en même temps de l'appel des témoins, il faudra les convoquer aussi et, par cela même, reprendre le jugement de la poursuite? Une Cour, celle de Riom, a pensé, dans une situation semblable, que, le tiers ayant fait rétracter dans son intérêt la décision qui lui préjudiciait, cette décision n'existait plus et ne pouvait plus être opposée au délinquant véritable, qui n'y avait figuré que sous

des noms d'emprunt; qu'il y avait donc lieu de reprendre vis-à-vis lui, sous ses qualités vraies, le jugement des faits ayant servi de base à la poursuite. Cette opinion avait alors pour conséquence, comme elle l'aurait aujourd'hui, de violer l'autorité de la chose jugée. En effet, l'arrêt du 27 mai 1857 est définitif. D'autre part, il résulte de l'enquête faite en 1868, des renseignements en date du 8 décembre 1869 annexés à la requête et de l'exécution même de l'arrêt que l'individu condamné en 1857 sous le nom de Brulé (Anatole) n'est autre que Brulé (FrançoisAnatole), qui avait usurpé l'état civil de son cousin. L'arrêt, sans aucun doute, s'applique à lui. Et, loin d'avoir à ébranler l'autorité de la chose jugée, la Cour n'a qu'à constater, sans reprendre les faits, que Brulé (François-Anatole) avait emprunté des qualités qui ne lui appartenaient pas, et à lui restituer les siennes. Car, si l'arrêt du 25 mai est rectifié sur la requête du procureur général, il le sera uniquement dans l'intérêt de Brulé (Anatole) personnellement, et il continuera à subsister tout entier contre le véritable délinquant. Tels sont les vrais principes qu'avait perdus de vue la Cour de Riom et qui ont été rétablis par la Cour suprême en cassant son arrêt le 20 juillet 1866. (Journ. cr., art. 8348.)

La Cour n'aura donc pas à observer l'art. 519 dans sa disposition relative à l'appel des témoins. Mais je considère une mesure d'instruction comme nécessaire, c'est la confrontation de Brulé (Anatole) avec Brulé (François-Anatole). Leurs explications, jointes aux document que possède déjà la Cour, lui permettront d'ordonner en toute sûreté de conscience la rectification requise. - Quant aux condamnations postérieures à l'arrêt du 27 mai 1859, n'émanant pas de la Cour d'Aix, elles échappent à sa compétence et devront donner lieu à une procédure semblable devant chacune des juridictions qui les a prononcées.

J'ai donc l'honneur de proposer à la Cour - 1o de déclarer recevable l'action du ministère public; 2o de se déclarer compétente pour ordonner la rectification demandée; 3o d'ordonner, au préalable, la comparution devant elle de Brulé (Anatole) et de Brulé (François-Anatole).

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que, le 4 mai 1857, un individu fut condamné contradictoirement par le tribunal correctionnel de Marseille à un an d'emprisonnement pour vol, sous les nom et prénom de Brulé (Anatole), âgé de 20 ans, né le 29 mars 1837 à Dijon, fils de François et d'Agathe Dalet; que, sur l'appel du condamné, ce jugement fut confirmé par arrêt de la Cour impériale d'Aix, en date du 27 mai 1857; que cet arrêt est devenu définitif par son exécution même, le prévenu ayant été écroué et ayant subi sa peine dans les prisons d'Aix, sous les même nom et prénom et sous le même état civil; — attendu que, des renseignements parvenus le 8 décembre dernier au Procureur général près la Cour, il résulte que les déclarations du condamné sont pour la plupart inexactes; que, devant le tribunal correctionnel comme devant la Cour, il a emprunté l'état civil de son cousin, et qu'il s'appelle en réalité Brulé (François-Anatole), alors âgé de 18 ans, né le 18 juin 1839 à Bruant (Côte-d'Or), fils d'Anatole et de Jeanne Bertrand; que, par suite, la condamnation a été prononcée et la peine subie sous des qualités qui ne sont point celles du véritable délinquant; que la réparation de cette erreur est essentielle tant au point

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