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cesse les impressions qu'il reçoit d'un même objet, par les organes de la vue et du toucher, rectifie les impressions de la vue. Il dispose son sensorium à donner aux objets visibles la forme indiquée par le tact, dont les impressions s'associent intimement avec celles de la vue, qui les rappellent toujours. Alors les objets visibles sont aussi fidèlement représentés que les objets tactiles. Un rayon lumineux devient pour la vue, ce qu'est un bâton pour le toucher. Par ce moyen, le premier de ces sens étend, beaucoup plus loin que le second, la sphère des objets de ses impressions. Mais la voûte céleste elle-même, à laquelle nous attachons les astres, est encore très-bornée; et ce n'est que par une longue suite d'observations et de calculs, que nous sommes parvenus à reconnaître les grandes distances de ces corps, et à les éloigner indéfiniment dans l'immensité de l'espace.

Il paraît que dans plusieurs espèces d'animaux, la disposition du sensorium, qui nous fait apprécier les distances, est naturelle. Mais l'homme, pour lequel · la nature a remplacé presque en tout, l'instinct, par l'intelligence, a besoin, pour le suppléer, d'observations et de comparaisons qui servent merveilleusement à développer ses facultés intellectuelles et à lui assurer, par ce développement, l'empire de la terre.

Les images intérieures ne sont donc pas les effets d'une cause unique: elles résultent, soit des impressious reçues simultanément par le même sens ou par des sens différens, soit des impressions intérieures rappelées par la mémoire. L'influence réciproque de ces impressions est un principe psychologique fécond en conséquences. Développons quelques-unes des principales.

Qu'un observateur placé dans une profonde obscurité, voie à des distances différentes, deux globes lumi

neux d'un même diamètre; ils lui paraîtront d'inégale grandeur. Leurs images intérieures seront proportionnelles aux images correspondantes, peintes sur la rétine. Mais si, l'obscurité venant à cesser, il aperçoit en même temps que les globes, tout l'espace intermédiaire, cette vue agrandit l'image intérieure du globe le plus éloigné, et la rend presque égale à celle de l'autre globe. C'est ainsi qu'un homme, vu aux distances de deux et de quatre mètres, nous paraît de la même grandeur : son image intérieure ne varie point, quoique l'une des images peintes sur la rétine, soit double de l'autre. C'est encore par l'impression des objets intermédiaires, que la lune à l'horizon nous semble plus grande qu'au zénith. On aperçoit au-dessus d'une branche voisine de l'œil, un objet que l'on rapporte au loin, et qui paraît fort grand. On vient ensuite à reconnaître le lien qui l'unit à la branche: sur-le-champ, la perception de ce lien change l'image intérieure, et la réduit à une dimension beaucoup moindre. Toutes ces choses ne sont point de simples jugemens, comme quelques métaphysiciens l'ont pensé elles sont des effets physiologiques dépendans des dispositions que le sensorium a contractées par la comparaison habituelle des impressions d'un même objet sur les organes de plusieurs sens, et spécialement sur ceux du toucher et de la vue.

L'influence des traces rappelées par la mémoire, sur les impressions qu'excitent les objets extérieurs, se fait remarquer dans un grand nombre de cas. On voit de loin, des lettres, sans pouvoir distinguer le mot qu'elles expriment. Si quelqu'un prononce ce mot, ou si quelque circonstance en rappelle la mémoire, aussitôt, l'image intérieure de ces lettres ainsi rappelées, se superpose, si je puis ainsi dire, à l'image confuse produite

par l'impression des caractères extérieurs, et la rend distincte. La voix d'un acteur que vous entendez confusément, devient distincte, lorsque vous lisez ce qu'il récite. La vue des caractères rappelle les traces des sons qui leur répondent; et ces traces se mêlant aux sons confus de la voix, les font distinguer, La peur transforme souvent de cette manière, les objets qu'une trop faible lumière ne fait pas reconnaître, en objets effrayans qui ont avec eux de l'analogie. L'image de ces derniers objets, fortement retracée dans le sensorium par la crainte, se rend propre l'impression des objets extérieurs. Il est important de se garantir de cette cause d'illusion, dans les conséquences que l'on tire d'observations de choses qui ne font qu'une impression trèslégère telles sont les observations de la dégradation de la lumière à la surface des planètes et des satellites, d'où l'on a conclu l'existence et l'intensité de leurs atmosphères, et leurs mouvemens de rotation. Il est souvent à craindre que des images intérieures ne s'assimilent ces impressions et le penchant qui nous porte à croire à l'exis, tence des choses que représentent les impressions reçues par les sens.

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Ce penchant remarquable tient à un caractère particulier qui distingue les impressions venant du dehors, des traces produites par l'imagination, ou rappelées par la mémoire. Mais il arrive quelquefois par un désordre du sensorium ou des organes qui agissent sur lui, que ces traces ont le caractère et la vivacité des impressions extérieures : alors, on juge présens leurs objets; on est visionnaire. Le calme et les ténèbres de la nuit favorisent ces illusions qui dans le sommeil sont complètes et forment les rêves dont on aura une juste idée, si l'on conçoit que les traces des objets qui se présentent à no

tre imagination dans l'obscurité, acquièrent une grande intensité pendant le sommeil.

Tout porte à croire que, dans les somnambules, quelques-uns des sens ne sont pas complètement endormis. Si le sens du toucher, par exemple, reste encore un peu sensible au contact des objets extérieurs, les impressions faibles qu'il en reçoit, transmises au sensorium, peuvent, en se combinant avec les images du rêve d'un somnambule, les modifier, et diriger ses mouvemens. En examinant, d'après cette considération, les récits bien avérés des choses singulières opérées par les somnambules, il m'a paru que l'on pouvait en donner une explication fort simple.

Quelquefois les visionnaires croient entendre parler les personnages qu'ils se figurent, et ils ont avec eux une conversation suivie : les ouvrages des médecins sont remplis de faits de ce genre.

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Charles Bonnet cite, comme l'ayant souvent observé, son aïeul maternel, «< vieillard, dit-il, plein de santé, qui indépendamment de toute impression du dehors, aperçoit de temps en temps devant lui, des figures d'hommes, de femmes, d'oiseaux, de voitures, de bâtimens, etc. Il voit ces figures se donner différens » mouvemens, s'approcher, s'éloigner, fuir, diminuer » et augmenter de grandeur, paraître, disparaître, reparaître. Il voit les bâtimens s'élever sous ses yeux, etc. » Mais il ne prend point ses visions pour des réali» tés : sa raison s'en amuse. Il ignore, d'un moment à l'autre, quelle vision va s'offrir à lui. Son cerveau est » un théâtre qui exécute des scènes d'autant plus sur» prenantes pour le spectateur, qu'il ne les a point pré» vues. En lisant l'histoire de Jeanne d'Arc, on est forcé de reconnaître une visionnaire de bonne foi, dans

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cette fille admirable dont l'exaltation courageuse contribua si puissamment à délivrer la France de ses ennemis. Il est vraisemblable que plusieurs de ceux qui se sont annoncés comme ayant reçu leurs doctrines d'un être surnaturel, étaient visionnaires : ils ont d'autant mieux persuadé les autres, qu'ils étaient eux-mêmes persuadés. Les fraudes pieuses et les moyens violens dont ensuite ils ont fait usage, leur ont paru justifiés par l'intention de propager ce qu'ils jugeaient être des 'vérités nécessaires aux hommes.

Un caractère particulier distingue des produits de l'imagination, les traces rappelées par la mémoire, et qui sont dues aux impressions des objets extérieurs. Il nous porte, comme par instinct, à reconnaître l'existence passée de ces objets, dans l'ordre que la mémoire nous présente. Les expériences que nous faisons à chaque instant, de la vérité des conséquences que nous en tirons pour nous conduire, fortifient ce penchant. Quel est le mécanisme qui, dans cette opération du sensorium, détermine notre jugement? nous l'ignorons, et nous ne pouvons en observer que les effets. En vertu de ce mécanisme, les traces de la mémoire, quoique faibles, nous font apprécier leur intensité primitive que nous pouvons ainsi comparer aux impressions d'objets présens. Nous jugeons, de cette manière, qu'une couleur que nous avons vue, la veille, était plus vive que celle qui frappe maintenant notre vue.

Les impressions qui accompagnent les traces de la mémoire, servent à nous en rappeler les causes. Ainsi, lorsqu'au souvenir d'une chose qui nous a été dite, se joint le souvenir de la confiance que nous avons donnée au narrateur, si son nom nous échappe, nous le retrouvons, en rappelant successivement les noms de ceux qui

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