Sivut kuvina
PDF
ePub

N° 153.

LORD LOFTUS AU COMTE DE GRANVILLE.

Berlin, le 16 juillet 1870.

Mylord, au commencement de la crise actuelle, le Gouvernement italien a donné ordre à son représentant ici de presser le Gouvernement prussien de renoncer à la candidature du prince Léopold de Hohenzollern, et d'aider de concert par tous les moyens avec ses collègues à ce qui pourrait servir les intérêts de la paix.

Le comte de Launay, conformément à ces instructions, s'est employé sans relâche à arriver à un arrangement amical des difficultés entre la Prusse et la France, et m'a tenu au courant des instructions qu'il avait reçues de son Gouvernement et des efforts qu'il avait tentés:

Durant l'absence de Berlin du Roi et du comte de Bismarck, durant cette crise, l'attitude du Gouvernement a été néanmoins entièrement passive et expectante; et le comte de Launay, aussi bien que moi et ses collègues, nous avons invariablement trouvé que le baron de Thile évitait toute discussion sur le sujet, disant que le Gouvernement prussien répudiait toute responsabilité à l'égard de la candidature du prince Léopold.

[blocks in formation]

Le baron de Thile m'a donné lecture aujourd'hui d'un rapport de l'aide de camp du Roi de Prusse, chargé par Sa Majesté d'entrer en communication avec M. Benedetti. Dans ce mémoire, il est positivement déclaré que le Roi de Prusse a donné au comte Benedetti son consentement à la renonciation du prince de Hohenzollern, mais que Sa Majesté a refusé de consentir au second point qui lui a été soumis par l'ambassadeur français, à savoir de prendre l'engagement

qu'aucun membre de la famille Hohenzollern ne pourrait à l'avenir jamais accepter l'offre de la couronne d'Espagne.

Dans l'état actuel des choses, il paraît presque sans espoir de tenter une réconciliation entre les deux parties, et je crains qu'aucuns conseils de conciliation venant du côté du Gouvernement de Sa Majesté ne réussissent à décider la France à accepter des offres de médiation.

Néanmoins, jusqu'à présent, aucune déclaration de guerre n'est parvenue ici, et les rapports diplomatiques n'ont pas encore été rompus entre les deux pays.

N° 155.

(Extrait).

LORD LOFTUS AU COMTE DE GRANVILLE.

Berlin, le 46 juillet 1870.

Le Roi de Prusse est rentré hier soir dans sa capitale, venanĮ d'Ems.

Le comte de Bismarck, le général de Roon, le ministre de la guerre, le général de Moltke et d'autres membres du ministère sont allés au-devant de Sa Majesté à Brandenberg.

Le Roi a été reçu ici avec grand enthousiasme. Une foule nombreuse a acclamé Sa Majesté à son arrivée à la station du chemin de fer, et les Linden qui conduisent au palais royal étaient couvertes d'une foule vociférante qui a salué Sa Majesté. Des drapeaux flottaient à presque toutes les fenêtres et les maisons étaient illuminées; c'est avec difficulté que le Roi a empêché la populace de traîner sa voiture au palais. A toutes les stations sur la ligne, le Roi a été accueilli avec un enthousiasme marqué, et cela plus spécialement à Cassel et à Hanovre.

Des adresses affluent de tous les coins du pays pour exprimer des sentiments de loyauté au Roi et l'empressement de faire tous les sacrifices pour l'honneur et la protection du pays.

Jamais, depuis 1813, il n'y a eu d'occasion où le sentiment national. ait été aussi excité dans ce pays, et où toutes les classes de la population et tous les partis politiques de toute couleur soient aussi décidés à la guerre.

Un conseil des ministres et des généraux a été tenu la nuit dernière en présence du Roi, dans lequel la mobilisation de toute l'armée fédérale a été décrétée.

N° 156.

LORD A. LOFTUS AU COMTE DE GRANVILLE.

Berlin, le 16 juillet 1870.

Mylord, je suis informé que le comte Bylandt, ministre néerlandais près cette cour, a annoncé verbalement à M. de Thile, que, dans le cas d'une guerre entre la France et l'Allemagne, le Gouvernement de Sa Majesté néerlandaise restera strictement neutre.

Il a ajouté que les mesures nécessaires seront prises pour protéger cette neutralité, et il a dit que le Gouvernement de la Hollande tâcherait probablement d'arriver à un arrangement avec la Belgique pour réaliser une protection commune de la neutralité des deux pays (1).

M. de Thile a répondu que cette information donnerait satisfaction au Gouvernement prussien, qui attendait la neutralité de la Hollande. Quant à ce qui concerne la Belgique et le Luxembourg, il a ajouté que la neutralité de ces deux pays était garantie par traité et qu'elle serait scrupuleusement respectée par la Prusse.

J'ai, etc.

Signé: LOFTUS.

(1) Lorsque cette dépêche, publiée dans les Blue Books, fut connue à La Haye, elle causa une surprise d'autant plus grande, que le Gouvernement néerlandais avait déclaré, dès le début du conflit entre la France et la Prusse, qu'il n'entrerait, avec la Belgique, dans aucune alliance ni garantie réciproque de neutralité. Le ministre des Pays-Bas, à Berlin, fut alors interpellé par son gouvernement sur le propos qui lui était attribué par l'ambassadeur d'Angleterre. Non-seulement il nia formellement l'avoir tenu, mais il s'en expliqua avec lord Loftus, et celui-ci reconnut qu'il avait été induit en erreur et qu'il avait, en ce point, inexactement renseigné son gouvernement.

N° 157.

LORD BLOOMFIELD AU COMTE DE GRANVILLE.

Vienne, le 16 juillet 1870.

Mylord, dès le commencement de la complication actuelle entre la France et la Prusse, le Gouvernement autrichien a déclaré son intention de suivre une politique de neutralité, et je viens justement d'apprendre qu'une assurance à cet effet a été donnée à M. Curto Passi, le chargé d'affaires d'Italie, par le comte de Beust.

Son Excellence m'a dit que l'Autriche resterait neutre; elle ne se souciait pas de faire une déclaration officielle en ce sens, mais elle suivrait cette politique de neutralité, aussi longtemps que la Russie ne prendrait pas part au conflit.

J'ai, etc.

Signé: BLOOMFIELD.

N° 158.

MESSAGE DU CONSEIL FÉDÉRAL A L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE.

Berne, le 46 juillet 4870.

Monsieur le président et messieurs, l'horizon politique, qui paraissait sans nuages, s'est tout à coup assombri, et la paix de l'Europe s'est trouvée en peu de jours menacée de la façon la plus grave. La perspective du choix du prince de Hohenzollern comme roi d'Espagne, dont on a eu connaissance le 3 juillet, a été la pomme de discorde qui a fait surgir un conflit entre la France et la Confédération de l'Allemagne du Nord. Cette perspective, combinée avec d'autres incidents, dont les détails ne sont pas encore clairement établis, a engagé la France à faire une déclaration de guerre qui a été annoncée le 15 juillet par le ministère des Affaires étrangèreres de France au Corps législatif et au Sénat.

Dès l'abord, le Conseil fédéral a porté la plus grande attention sur ce conflit naissant, et il a pris sans bruit ses dispositions pour n'être pas surpris par les événements. Il a l'honneur de soumettre des propositions y relatives à l'Assemblée fédérale, à laquelle appartient le droit de décider en dernier ressort, et à cette occasion il peut donner l'assurance que la Suisse est prête pour toute éventualité.

On ne peut être dans le doute sur l'attitude qu'il convient à la Suisse de prendre dans ce conflit. Les traités européens, de même que l'intérêt de sa propre conservation, lui font un devoir de rester neutre, c'est-à-dire de ne point intervenir dans ce conflit qui lui est entièrement étranger. Mais, pour pouvoir maintenir efficacement cette position, il faut que la nation suisse soit fermement résolue à repousser, les armes à la main, toute force militaire étrangère qui voudrait emprunter son territoire.

On ne peut guère déterminer d'avance quel développement de forces sera nécessaire pour atteindre ce but; cela dépend du temps

et des circonstances. En tout cas, la guerre entre les deux puissances belligérantes prendra de très-grandes proportions: le théâtre de la guerre peut se rapprocher ou s'éloigner de la Suisse; d'autres États peuvent être entraînés dans la lutte. Les mesures à prendre seront subordonnées à ces événements. Aussi le Conseil fédéral se voit-il dans l'obligation de demander à l'Assemblée fédérale qu'elle mette à sa disposition toute l'armée suisse, de même que toutes les ressources financières de la nation. Il ne se dissimule pas l'importance de la responsabilité que lui imposent ces pouvoirs et ce crédit illimités; il fera de ces attributions momentanées un usage loyal et consciencieux, et il en rendra un compte exact au moment opportun.

La marche rapide de ces événements a obligé le Conseil fédéral de procéder déjà à une levée de troupes considérable. A son avis, la Suisse doit prouver dès l'abord aux Puissances belligérantes qu'elle ne redoute aucun sacrifice pour maintenir énergiquement sa position politique. Le Conseil fédéral vous demande de bien vouloir approuver cette mesure.

Le nombre des troupes mises sur pied nécessitant, d'après la loi, la nomination d'un général et d'un chef d'état-major général, nous désirons que vous procédiez de suite au choix des officiers qui seront chargés de ces hautes fonctions.

Conformément à ce qui s'est pratiqué dans d'autres occasions, il sera convenable que la Confédération fasse connaître d'avance aux, Puissances garantes de sa neutralité, sa résolution de défendre cette neutralité par tous les moyens dont elle dispose. Le Conseil fédéral estime que c'est à l'Assemblée fédérale à prendre elle-même une décision à cet égard et à charger le Conseil fédéral de l'exécution de cette décision. Provisoirement, des déclarations dans ce sens ont été faites aux Puissances belligérantes, par l'organe des ministres suisses, à Paris et à Berlin, qui ont demandé des déclarations conformes. Dès que le Conseil fédéral aura reçu les réponses à sa communication, il présentera à ce sujet un rapport à l'Assemblée fédérale.

Nous avons à parler ici d'une circonstance spéciale. Les traités de 1815 ont garanti la neutralité de la Savoie du Nord à l'égal de la neutralité suisse, et ont donné à la Confédération le droit d'envoyer des troupes dans cette contrée, si elle le juge convenable, au cas où une guerre serait déclarée ou imminente entre les Puissances voisines. Le traité de Turin, du 24 mars 1860, par lequel la Savoie a été cédée à la France, a réservé ce droit à la Confédération suisse. Il est dit, en effet, à l'article 2 de ce traité :

<< Il est également entendu que S. M. le Roi de Sardaigne ne peut transférer les parties neutralisées de la Savoie qu'aux conditions auxquelles il les possède lui-même, et qu'il appartiendra à S. M. I'Em

« EdellinenJatka »