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NOTICE

SUR LA

DEUXIÈME CONFÉRENCE
CONFÉRENCE DE LA HAYE

PAR

M. EDWIN MAXEY, D. C. L., L. L. D.,

PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC A L'UNIVERSITÉ D'URBANA

La conférence qui a eu lieu à La Haye se distingue, à juste titre, de toute réunion analogue en ce qu'elle comprenait des représentants d'un plus grand nombre d'Etats, ayant des populations plus nombreuses, des territoires plus étendus et des intérêts plus considérables que n'en a compris toute autre assemblée précédente. En comparaison, les congrès de Westphalie, d'Utrecht, de Vienne, de Troppau, de Laybach, de Vérone, de Paris, de Genève, de Saint-Pétersbourg et de Berlin n'étaient que des affaires d'intérêt local. Même la première conférence de La Haye, si étendue qu'elle fût, n'avait aucun représentant des deux continents américains. L'extension actuelle a eu ses avantages et aussi ses inconvénients. Au point de vue du nombre des mesures sur lesquelles un accord pouvait être obtenu, il était certainement désavantageux d'avoir des représentants de peuples qui différaient si notablement sur les principes politiques, économiques et juridiques. Mais, si nous considérons que les résultats d'une telle conférence ne doivent pas se juger seulement d'après le nombre et le caractère des accords obtenus, mais aussi d'après l'occasion qu'elle a fournie à des nations dont l'histoire et la vie diffèrent si notablement, à échanger leurs vues sur des questions qu'ils envisageaient différemment, le fait que tous les peuples étaient représentés à cette

conférence constitue, pour cette dernière, un caractère distinctif avantageux.

Bien des personnes disent pourtant de cette conférence qu'elle n'a eu aucune portée sérieuse. Cette conviction est même partagée par des personnes d'idées très opposées au sujet des résultats obtenus par cette conférence. Cette opinion peut, dans une grande mesure, s'expliquer par ce fait qu'il est difficile pour beaucoup de personnes de comprendre que succès et insuccès ne sont que des termes relatifs. Les partisans d'un plan donné sont enclins à penser que, s'ils n'ont pas obtenu tout ce qu'ils espéraient, c'est comme s'ils n'avaient rien obtenu du tout. En ayant à l'esprit cette tendance de la nature humaine, on ne s'étonnera pas que beaucoup de personnes aient conclu que la récente conférence de La Haye n'ait pas eu de résultats sérieux. Ces personnes refusent de lui accorder une importance, parce qu'elle a refusé d'admettre certains projets qui, dans leur esprit, semblaient suffisants pour ouvrir une ère de paix universelle. Pour des personnes d'une tournure d'esprit toute différente, la conférence semble n'avoir pas eu d'importance à cause de leur conviction que, quoi qu'elle fit, son action n'avait pas d'effet pratique. Pour de telles personnes, la conférence était, dès son début, destinée à l'insuccès. Avant d'exprimer une opinion sur ces deux points de vue extrêmes et également non justifiés, examinons ce que la conférence a réellement fait.

La conférence a adopté, à l'unanimité, une résolution ayant pour objet de généraliser l'application des règles de la convention de Genève à la guerre sur terre, et d'appliquer les principes de ces règles à. la guerre maritime.

Il y a des gens qui croient que la guerre devrait être rendue aussi terrible que possible, afin de hâter sa disparition. De là, pour ceux qui croient que l'humanisation de la guerre n'est pas chose désirable, l'action de la conférence relativement aux règles de la guerre terrestre et maritime sera considérée comme inutile ou malfaisante. Mais les faits de l'histoire ne permettent plus d'accepter cette théorie, pas plus que celle qui soutient que le lynchage ou des peines légales atroces diminuent la criminalité. Les défenseurs de cette théorie feront bien de considérer si les atrocités de la guerre telles qu'elles furent pratiquées pendant la période qui a précédé la réforme des règles du droit des gens par Grotius, rendaient ou non les guerres moins fréquentes. Toute cruauté envers les hommes est impropre à diminuer le crime ou la guerre. L'éloignement des pratiques barbares autorise plutôt l'espoir que l'humanité approche de la période où la guerre sera rendue impossible qu'un mouvement dans un sens opposé ou la détermination de maintenir le « statu quo ».

La résolution prise en faveur de l'observation d'une plus stricte neutralité, quoiqu'elle n'ait pas rencontré l'approbation unanime des délégués, constitue un progrès réel. Le principe de l'inviolabilité d'un territoire neutre, quoi qu'il ne soit pas nouveau, est un principe qui avait besoin d'être souligné et la consécration qu'il y a reçu tendra à le fortifier. La reconnaissance de ce principe par la grande majorité des nations empêchera que les violations de territoire par le Japon en Corée et par la Russie en Chine ne soient considérées comme un fait légal et une preuve que le principe en question aurait été abandonné par un grand nombre d'Etats. Conformément à ce principe, il est interdit aux belligérants d'installer des sections radio-télégraphiques sur un territoire neutre. Cela avait pour but de montrer clairement que la pratique de la Russie à cet égard, pendant sa guerre avec le Japon, serait dorénavant considérée comme illégale. La conférence a réédité la règle que le devoir des neutres est d'empêcher aux soldats de l'un ou de l'autre des belligérants de traverser leur territoire. Ceci ne s'applique pas aux personnes qui ne font pas partie d'une force organisée. Quand des soldats de l'un ou de l'autre des belligérants seront trouvés par un neutre sur son territoire, il a le devoir de les interner aussi loin que possible du théâtre des hostilités, de les nourrir, de les vêtir et de leur fournir un abri convenable, les frais devant en être payés par le belligérant à la fin de la guerre. Quoique ce ne soit pas une doctrine nouvelle, il n'était nullement inutile de l'affirmer à

nouveau.

D'un intérêt plus pratique encore a été l'action de la conférence relative aux devoirs des neutres en ce qui concerne les franchises que les ports neutres peuvent accorder aux vaisseaux belligérants. La GrandeBretagne était disposée à réduire les franchises de ces vaisseaux à un minimum. La vue opposée, c'est-à-dire une vue libérale en opposition à une interprétation stricte des devoirs des neutres, fut adoptée par la Russie et l'Allemagne. On arriva à un compromis en reconnaissant la règle des vingt-quatre heures, avec de légères modifications. Cette règle et celles relatives au ravitaillement en charbon et en vivres s'appliqueront seulement « à défaut d'autres dispositions spéciales dans la législation de l'Etat neutre ». Si nous rappelons l'approvisionnement des stations de charbon possédées par la Grande-Bretagne et l'absence de ces stations du côté de l'Allemagne et de la Russie, la répartition des votes en ce qui concerne cette proposition se comprendra facilement.

La conférence ne réussit pas à s'entendre sur la proposition américaine d'abolir la prise de toute propriété privée sur mer, la contrebande exceptée. La controverse sur cette proposition dure maintenant depuis plus d'un demi-siècle. Depuis l'époque où elle fut soulevée par

le secrétaire Marey, sous forme de contre-proposition, à la demande tendant à ce que les Etats-Unis participassent à la signature de la Déclaration de Paris, son adversaire le plus vigoureux et le plus déterminé a été la Grande-Bretagne. A la conférence, l'opposition de celleci a pris une tournure assez curieuse. En réponse à la proposition américaine, la Grande-Bretagne soumit la sensationnelle contre-proposition que le principe de la contrebande de guerre fût entièrement aboli, libérant ainsi le commerce neutre, d'une façon complète, de l'intervention des belligérants, excepté dans le cas de blocus effectif. Peu de personnes croiront que cette contre-proposition fut faite avec quelque espoir dans son adoption par la conférence. C'était un artifice adroitement conçu pour faire échouer la proposition américaine, ce qui arriva, en effet. Le vote sur la proposition américaine, dans la 4° Commission, donna 21 voix pour et II contre, mais ce n'était pas une majorité suffisante pour qu'on put dire que le principe avait été adopté comme partie intégrante du droit international. C'est pourtant le plus fort appui qu'il ait jamais encore reçu. Parmi les Etats qui y étaient favorables, on comptait l'Allemagne, la Russie et la France. Plusieurs des petits Etats représentés dans la 4° Commission votèrent avec la Grande-Bretagne en faveur de la proposition plus radicale qu'on voulait lui substituer. Aucune des deux propositions ne vint devant la conférence siégeant en assemblée générale, parce que l'opposition à chacune d'elles était conduite par des puissances trop fortes pour qu'il fût probable, à première vue, que l'une ou l'autre de ces propositions pút être adoptée.

Il est intéressant de noter les arguments des délégués qui combattirent la règle portant exemption de la propriété privée de toute prise sur mer. Ils insistèrent sur ce que l'abandon de l'ancienne règle aurait pour résultat d'affranchir les belligérants des conséquences économiques de la guerre et d'écarter ainsi l'un des arguments salutaires contre les appels à la force. A leurs yeux, la confiscation de la propriété privée de non-combattants, pourvu que cette propriété fût trouvée en haute mer sur les vaisseaux de l'ennemi, est la méthode la plus efficace pour vaincre la résistance de l'ennemi et que, constituant une simple variété, sans effusion de sang, de la guerre, elle est humanitaire dans ses opérations et ses conséquences. On trouve une réponse suffisante à ces arguments dans ce fait que l'adoption du même principe (celui du respect de la propriété privée) en ce qui concerne la guerre sur terre n'a pas abouti à encourager les nations à se précipiter inconsidérément dans la guerre, pas plus que ne l'ont fait les règles de la conférence de Paris de 1856, lesquelles ont déjà été très loin dans le sens de la protection contre les prises de la propriété privée

sur mer.

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