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Déjà, hier soir, le bruit commençait d'ailleurs à s'accréditer que le gouvernement avait un candidat, et l'on n'hésitait que sur le nom, quoiqu'on supposât assez généralement qu'il devait être allemand. Un député m'a même fait savoir que les Cortès seraient probablement convoquées en session extraordinaire dans le courant du mois d'août, pour procéder à l'élection du monarque. Hier, dans l'aprèsmidi, les ministres ont tenu un conseil auquel a assisté le président de chambre, M. Ruiz Zorilla; aujourd'hui ils se rendent tous à la Granja pour en tenir un autre sous la présidence du régent. Déjà en éveil, l'opinion publique ne conservera, plus aucun doute après cette dernière circonstance, et le nom du candidat ne saurait lui rester longtemps caché. Les partis vont, dès lors, se mettre activement en campagne, et ce sera une raison pour le gouvernement de précipiter le dénouement. Il faut nous y attendre, et agir en conséquence. J'expédie donc en toute hâte M. Bartholdi à Paris, pour qu'il puisse prendre et me rapporter sans retard les ordres de l'Empereur. Comme je l'ai toujours tenu exactement informé de tout ce qui pouvait intéresser le service de Sa Majesté, il pourra ainsi compléter verbalement les renseignements contenus dans cette dépêche, et fournir à Votre Excellence bien des détails sur les hommes et les choses qui trouveraient difficilement place dans une correspondance, mais auxquels les circonstances donnent un prix.

N° 8.

Signé MERCIER.

M. LE SOURD AU DUC DE GRAMONT.

(Télégramme.)

Berlin, le 4 juillet 1870.

Je viens de voir M. de Thile, et je l'ai entretenu de la nouvelle qui vous était parvenue relativement à l'acceptation de la couronne d'Espagne par le prince de Hohenzollern. Le secrétaire d'État m'a, dès le début de la conversation, demandé si je l'interpellais, et déclaré que, dans ce cas, il devrait, avant de me répondre prendre directetement les ordres du Roi. J'ai répliqué que je venais simplement lui signaler une nouvelle qui avait causé à Paris une impression mauvaise, dont je n'avais pas pour le moment à lui développer les motifs. J'ai ajouté que nous avions, avant tout, intérêt à savoir si le gouver

nement prussien était étranger à cette négociation. Visiblement embarrassé, M. de Thile m'a dit que le gouvernement prussien ignorait absolument cette affaire et qu'elle n'existait pas pour lui; il s'est appliqué par sa déclaration à dégager la responsabilité de son gouvernement; mais Votre Excellence remarquera qu'il s'est abstenu d'affirmer catégoriquement que le cabinet de Berlin ignorât l'existence de la négociation et son résultat. Mon impression première est que le fait signalé à Votre Excellence est réel, et que M. de Thile, avec sa circonspection habituelle, ne veut pas, pour le moment du moins, reconnaître l'exactitude de nos informations; il a paru quelque peu ému du langage ferme que je lui ai tenu en m'inspirant du télégramme de Votre Excellence. Je vous rends en détail par la poste compte de notre conversation.

J'apprends que M. Olozaga a télégraphié hier de Paris au ministre d'Espagne à Berlin que, dans son opinion, la nouvelle de l'offre de la couronne d'Espagne au prince de Hohenzollern est inexacte. M. de Rascon déclare ici qu'il partage ce sentiment, et admet que cette démarche serait de nature à éveiller à juste titre nos susceptibilités.

N° 9.

Signé LE SOURD.

M. LE SOURD AU DUC DE GRAMONT.

(Télégramme.)

Berlin, le 5 juillet 1870.

Le ministre d'Espagne que je viens de voir ne dément pas l'offre faite par le gouvernement espagnol au prince de Hohenzollern et son acceptation de la couronne; mais il affirme qu'il n'a été chargé personnellement d'aucune négociation et d'aucune explication près du gouvernement prussien et du prince lui-même. M. de Rascon m'a laissé entendre toutefois que l'acceptation du prince remontait à quatre mois, et qu'elle aurait été décidée à Berlin, au printemps, avec l'assentiment du prince son père et sans doute celui du Roi et de M. de Bismarck. M. de Rascon reconnaît que notre mécontentement est juste, et rejette sur le maréchal Prim toute la responsabilité de cette intrigue. Il est très-préoccupé de l'impression qu'on ressent à Paris. Signé LE SOURD.

ARCH. DIPL. 1871-1872.

N° 10.

M. MERCIER DE LOSTENDE AU DUC DE GRAMONT.

Madrid, le 5 juillet 4870.

Monsieur le Duc, hier au soir, j'ai vu un ami du maréchal Prim à qui il avait communiqué la lettre par laquelle le prince de Hohenzollern annonce officiellement qu'il consent à régner sur l'Espagne. Cette lettre est très-courte. Le prince y dit simplement qu'il est trèsflatté des ouvertures qui lui ont été faites, et sera heureux d'accepter la couronne d'Espagne, si elle lui est offerte par la majorité des Cortès, et que dès lors il ne sera plus qu'Espagnol. Tel est du moins le résumé que m'a donné celui qui l'avait vu. Il a ajouté que le maréchal Prim croyait être sûr du vote de la majorité, mais qu'il l'avait trouvé très-préoccupé de l'effet que la chose produirait en France. Il lui a même dit qu'il ne savait pas s'il oserait aller à Vichy, quoique cela fut nécessaire à sa santé. Il s'attend d'ailleurs à des coups de fusils, et craint, dans ce cas, de ne pouvoir compter que sur la plus grande partie de l'armée, mais non sur toute. A ce sujet, j'ai pu causer avec le général Cordova, qui, comme Votre Excellence le sait, est directeur général de l'infanterie. Il m'a dit que la veille, le maréchal Prim avait reçu les principales autorités militaires pour leur faire part de l'acceptation du prince de Hohenzollern. Pour sa part, il n'avait fait aucune observation en recevant cette communication, mais sa conviction bien arrêtée est que la couronne ne peut pas être relevée en Espagne sans une guerre civile; qu'il a toujours eu cette éventualité en vue en organisant l'armée, et qu'il ne sait pas trop ce qui se passera quand il s'agira de faire battre le soldat pour un prince étranger, allemand, petit-fils de Murat. Ce langage dans la bouche du général Cordova, rapproché de celui que le maréchal Prim tenait à son ami, me paraît tout à fait digne d'attention.

Les carlistes viennent, du reste, de prendre une attitude qui n'annonce pas des instentions pacifiques. Ils avaient, comme tous les autres partis, établi un casino à Madrid, pour s'y réunir et tenir des conférences. Lorsqu'il y a trois jours ce casino a été inauguré, des groupes hostiles se sont formés devant la maison qu'il occupe; des désordres ont éclaté, un jeune homme de bonne famille a été assassiné dans un fiacre, plusieurs autres blessés assez grièvement. Les mêmes manifestations se sont renouvelées le lendemain, quoique d'une manière moins grave, et sans que l'autorité soit intervenue pour les empêcher.

A la demande du député Ochoa, le comité permanent des Cortès s'est réuni hier pour s'occuper de cette affaire; mais le député Ochoa ne s'y est pas présenté, sans doute en conséquence d'une décision prise par la Junte centrale catholica — monarchique, d'après laquelle le casino a dû être fermé et les journaux du parti (une dizaine) cesser de paraître. Cette décision implique nécessairement un appel à la force. Or, si le parti carliste, isolé, n'était pas bien dangereux, il n'en sera plus de même du moment où il se serait produit un fait qui aurait jeté la division dans l'armée. Je remarque d'ailleurs que la préoccupation de la guerre civile commence à s'emparer des esprits. L'affaire échouera, soyez-en sûr, me disait à ce sujet un personnage qui connaît son pays; puisqu'on n'a pas tenu compte de vos intérêts, on ne peut pas vous demander de tenir compte de ceux des autres, et tout en montrant le plus grand respect pour la volonté nationale et pour que son expression soit plus complète, vous n'avez qu'à ouvrir la frontière à tous les électeurs.

No 11.

Signé: MERCIER.

M. LAYARD AU COMTE DE GRANVILLE.

(Télégramme.)

Saint-Ildefonse, le 5 juillet 1870, midi dix.

Le conseil des ministres, réuni ici la nuit dernière, sous la présidence du Régent, a décidé de proposer le prince héréditaire de Hohenzollern-Sigmaringen, comme candidat au trône.

Les Cortès sont convoquées pour le 20 de ce mois et on s'attend que le prince sera accepté par la majorité.

(Extrait.)

N° 12.

LORD LYONS AU COMTE DE GRANVILLE.

Paris, le 5 juillet 1870.

Le duc de Gramont m'a dit cette après-midi que le Gouvernement français avait reçu la nouvelle positive que la couronne d'Espagne

avait été offerte par le général Prim au prince Léopold de Hohenzollern et avait été acceptée par le prince.

La France, ajouta M. de Gramont ne se résignera pas à ce fait et quand je dis que nous ne nous résignerons pas, je veux dire que nous ne le permettrons pas et que nous userons de toutes nos forces pour l'empêcher.

M. de Gramont m'informa alors qu'il avait déclaré catégoriquement au baron de Werther, l'ambassadeur de Prusse, que la France ne tolérerait pas l'établissement du prince de Hohenzollern ni d'aucun autre prince prussien sur le trône d'Espagne.

Le baron de Werther, a dit M. de Gramont, a répondu qu'il était sur le point de se rendre à Ems, pour présenter ses hommages à son souverain et qu'il ne manquerait pas d'informer Sa Majesté des sentiments du Gouvernement français.

M. de Gramont ajouta que rien n'était plus éloigné du désir du Gouvernement français que d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Espagne, mais que l'intérêt ainsi que la dignité de la France lui défenfendait de permettre l'établissement d'une dynastie prussienne dans la Péninsule. Il ne saurait consentir à l'existence d'un état de choses qui l'obligerait, en cas de guerre avec la Prusse, à surveiller l'Espagne ce qui paralyserait une division de l'armée française. La proposition n'était rien moins qu'une insulte faite à la France. Après avoir examiné tout ce qu'une semblable déclaration signifiait, le Gouvernement de l'Empereur déclarait que la France ne le souffrirait pas.

En finissant, M. de Gramont me pria de faire connaître sans retard à Votre Excellence les sentiments du gouvernement de l'Empereur et exprima son vif espoir que le gouvernement de Sa Majesté concourrait avec lui en essayant d'empêcher un événement qui serait gros de dangers pour la paix de l'Europe.

A

No 13.

'DECLARATION DU DUC DE GRAMONT AU CORPS LEGISLATIF.

Le 6 juillet 1870.

Messieurs, je viens répondre à l'interpellation qui a été déposée hier par l'honorable M. Cochery.

Il est vrai que le maréchal Prim a offert au prince Léopold de Hohenzollern la couronne d'Espagne et que ce dernier l'a acceptée.

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