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Roi, et avoir compté pour rien de n'être pas fait chef d'escadre à son rang; après avoir résisté à l'éloquence de M. de Meaux, qu'il aimoit naturellement, s'embarqua de nouveau sur la mer, et fit pendant cette campagne des réflexions qu'il n'avoit pas encore faites. L'évangile de l'ivraie et du bon grain lui parut alors clair contre le schisme ; il vit que ce n'étoit pas aux hommes à les séparer; ainsi convaincu, mais ne voulant tirer de sa conversion aucun mérite pour sa fortune, il fit à son retour son abjuration entre les mains de son curé, et perdit par là les récompenses temporelles qu'il en auroit pu attendre; si bien même qu'en venant après à la cour, le Roi lui ayant fait l'honneur de lui parler avec sa bonté ordinaire sur sa conversion, mon père répondit avec trop de sécheresse : « Que c'étoit la seule occasion de sa vie où il n'avoit point eu pour objet de plaire à Sa Majesté.

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J'arrivai à Saint-Germain au mois de janvier 1681. La Reine vivoit; monseigneur le

Dauphin étoit marié depuis un an, et madame de Maintenon, dans une faveur déclarée, paroissoit aussi bien avec la Reine qu'avec le Roi. Cette princesse attribuoit à la nouvelle favorite les bons procédés que le Roi avoit pour elle depuis quelque temps, et elle la regardoit avec raison sur un pied bien différent des autres.

Mais, avant de parler des choses que j'ai vues, il est bon de raconter celles que j'ai entendu dire.

J'ai pu voir madame de Fontanges; mais, ou je ne l'ai pas vue, ou il ne m'en souvient pas. Je me souviens seulement d'avoir vu pendant quelque temps, à Saint-Germain, le Roi passer du château vieux au neuf pour l'aller voir tous les soirs on disoit qu'elle étoit malade; et en effet elle partit quelques mois après pour aller mourir à Port-Royal de Paris. Il courut beaucoup de bruits sur cette mort, au désavantage de madame

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de Montespan; mais je suis convaincue qu'ils étoient sans fondement, et je crois, selon que je l'ai entendu dire à madame de Maintenon, que cette fille s'est tuée pour avoir voulu partir de Fontainebleau le même jour que le Roi, quoiqu'elle fût en travail et prête à accoucher. Elle fut toujours languissante depuis, et mourut enfin peu regrettée.

Madame de Montespan n'auroit pas appréhendé la durée du crédit de madame de Fontanges; elle auroit été bien sûre que le Roi seroit toujours revenu à elle, si elle n'avoit eu que cet obstacle. Son caractère, plus ambitieux que tendre, lui avoit fait souvent regarder avec indifférence les infidélités du Roi; et, comme elle agissoit quelquefois par dépit, elle avoit elle-même contribué à fortifier les commencemens du goût que le Roi avoit pris pour la beauté de madame de Fontanges. J'ai ouï dire qu'elle l'avoit fait venir chez elle, et qu'elle n'avoit rien oublié pour la faire paroître plus belle

. aux yeux du Roi elle y réussit et en fut fàchée; mais la mort la délivra bientôt d'une rivale, aussi dangereuse par la beauté que peu redoutable par l'esprit.

Madame de Fontanges joignoit à ce peu d'esprit des idées romanesques que l'éducation de la province et les louanges dues à sa beauté lui avoient inspirées; et, dans la vérité, le Roi n'a jamais été attaché qu'à sa figure; il étoit même honteux lorsqu'elle parloit et qu'ils n'étoient pas tête à tête. On s'accoutume à la beauté; mais on ne s'accoutume point à la sottise tournée du côté du faux, surtout lorsqu'on vit en même temps avec des gens de l'esprit et du caractère de madame de Montespan, à qui les moindres ridicules n'échappoient pas, et qui savoit si bien les faire sentir aux autres, par ce tour unique à la maison de Mortemart. Cependant madame de Fontanges aima véritablement le Roi, et elle répondit un jour à madame de Maintenon, qui l'exhortoit à se guérir d'une passion qui ne

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pouvoit plus faire que son malheur : Vous me parlez de quitter une passion, comme on parle de quitter un habit.

Je me souviens aussi d'avoir souvent entendu parler de madame de La Vallière. On sait qu'elle a précédé madame de Montespan; et ce n'est pas l'histoire de chaque maîtresse que je prétends faire. Je veux seulement écrire les faits qui me sont demeurés plus particulièrement dans l'esprit, soit que j'en aie été témoin, ou que je les aie entendu raconter par madame de Main

tenon.

Le Roi prit donc de l'amour pour madame de Montespan dans le temps qu'il vivoit avec madame de La Vallière, en maîtresse déclarée; et madame de Montespan, en maîtresse peu délicate, vivoit avec elle : même table, et presque même maison. Elle aima mieux d'abord qu'il en usât ainsi, soit qu'elle espérât par là abuser le public et son mari, soit qu'elle ne s'en souciât pas, ou que son orgueil lui fit plus goûter le

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