Sivut kuvina
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livres de la bibliothèque à la haine implacable dont il étoit animé contre les chrétiens. Quelque positif que fût ce témoignage, M. l'abbé Sevin le pria de faire de nouvelles perquisitions dans une affaire à laquelle tous les savans prennent tant de part: Il n'est permis ni à vous ni à moi, lui dit-il, de ne l'avoir pas suivie avec toute la vivacité imaginable; peut-être même, lui ajouta-t-il, que tous les livres qui composoient cet immense recueil n'auront pas été consumés par les flammes. Là-dessus il promit de continuer ses recherches. M. l'abbé Sevin avoit engagé, à-peu-près dans le même temps, Mustapha Effendi à le servir de tout son crédit : il étoit trèsbien auprès du grand-chancelier, dont la familiarité lui attiroit beaucoup de considération. Moins ignorant que le commun des Turcs charmé de faire plaisir, et plus encore de s'instruire lui-même, il mit en mouvement plusieurs de ses amis; le tout inutilement; et il fit la même réponse que le docteur Fonseca, qui de son côté ne fut guère plus heureux. Le précepteur des enfans du grand - seigneur, auquel il s'étoit adressé, l'assura que dans le sérail il ne restoit plus que les tablettes, et qu'aucun des manuscrits n'avoit échappé aux flammes. Malgré ces témoignages, dont la vérité paroît incontestable, les Juifs, les Chrétiens et les Turcs sont

tous également persuadés de l'existence de cette bibliothèque. Il n'en faut pas être surpris; ce qui se passe dans l'intérieur du sérail ne vient presque jamais à la connoissance du public : d'ailleurs on trouveroit à peine dix hommes en ce pays-là qui donnassent la moindre attention. à la perte des manuscrits les plus rares.

>>> La tradition la plus universellement reçue, est que la bibliothèque des empereurs grecs se gardoit dans les appartemens du grand-seigneur. Il y a néanmoins des gens qui prétendent que Mahomet II avoit déposé et les livres et les ornemens de l'église patriarcale dans un endroit souterrein du palais ils ajoutent que quelques ouvriers, chargés d'en réparer les murs, ayant enfoncé une armoire, il en étoit sorti un serpent, dont la piqûre avoit fait expirer dans le moment même deux de ces ouvriers. Comme ce récit a tout l'air d'une fable, M. l'abbé Sevin employa différentes personnes, dont les recherches aboutirent à lui apprendre que ces bruits étoient sans fondement. Mustapha Effendi, qui s'étoit mêlé de cette affaire, voulut bien encore, à sa sollicitation, examiner la bibliothèque que le sultan Selima établie. Elle consiste en trois ou quatre mille volumes. Il s'étoit imaginé que dans ce nombre il pourroit s'être glissé par hasard quelques manuscrits grecs et latins; mais

il fut trompé dans ses conjectures: on déterra, à la vérité, quatre volumes qui n'étoient ni turcs, ni arabes, ni persans; mais il parut, à l'inspection, que ces quatre volumes n'étoient que des registres enlevés autrefois de la chancellerie de Venise. Ainsi s'évanouirent toutes

les espérances fondées sur les lettres de ZaïdAga; et M. l'abbé Sevin se trouva dans la triste nécessité de se borner aux recherches et aux acquisitions particulières.

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Quoique la plupart des manuscrits aient péri par les incendies et par la négligence des Orientaux, il ne désespéra pas cependant de recouvrer quelques morceaux dignes de tenir leur place dans la bibliothèque du roi : ce n'est pas qu'il comptât beaucoup sur les manuscrits grecs; le prince de Valachie, fils du fameux Mauro Cordato, les rassembloit de toutes parts depuis vingt ans ou environ; il n'est pas de coin dans la Grèce qu'on n'eût fouillé par ses ordres; et ses compatriotes, parmi lesquels il passoit pour un prodige de savoir, travailloient à l'envi à satisfaire sa curiosité: elle lui coûtoit des sommes immenses; il prodiguoit l'argent, et ses libéralités lui avoient assuré la possession d'une quantité très-considérable de manuscrits grecs et orientaux. Le catalogue en seroit fort curieux, et M. l'abbé Sevin voulut l'engager, par les

motifs les plus pressans, à le lui communiquer: malheureusement, occupé du soin d'acquérir, il avoit négligé de faire un état de ses livres; il lui répondit qu'ils étoient entassés pêle-mêle dans un magasin; et en même temps il lui envoya un manuscrit en lettres onciales, et chargé de figures sur toutes les pages. Ce manuscrit contenoit des parallèles tirés de divers traités des Pères, ouvrage qui avoit servi de modèle à celui que Saint Jean Damascène nous a donné dans le même goût. En revanche, M. l'abbé Sevin lui fit présent, quelques mois après, d'un exemplaire des Conciles, imprimé au Louvre.

par

» Ce commerce se soutint depuis avec beaucoup de régularité; et dans les dernières lettres qu'il reçut de ce prince, il l'exhortoit à le continuer, lorsqu'il seroit de retour en France, et finissoit par lui promettre des manuscrits encore plus rares que celui dont on vient de ler (1). Pendant cet intervalle, M. l'abbé Sevin avoit travaillé à s'insinuer dans les bonnes graces des patriarches de Constantinople et de Jérusalem: de-là dépendoit en partie la réussite de certains projets qu'il avoit formés. Ces deux prélats étoient, en quelque manière, les sou

(1) Nota. Il mourut incontinent après le retour de M. l'abbé Sevin.

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verains de la nation grecque. Malgré tous les égards que le patriarche de Constantinople lui marqua dans une première visite, il ne laissa pas d'entrevoir cet esprit de défiance et de jalousie qui fait le caractère distinctif des Grecs : il falloit au moins l'empêcher d'être contraire ; dans ce dessein, M. l'abbé Sevin l'entretint de ses liaisons avec le drogman de la Porte, dont il appréhendoit extrêmement le crédit ; et dès le lendemain, ce drogman eut la bonté de lui témoigner combien il prenoit de part à ce qui regardoit M. l'abbé Sevin.

» L'accueil que lui fit le patriarche de Jérusalem fut également poli, mais beaucoup plus sincère il aimoit la France, et faisoit un cas particulier des gens de lettres; lui-même les avoit cultivées avec succès; et, après le prince de Valachie, il n'y avoit personne dans le Levant qui fût plus habile que ce prélat. Le sujet du voyage ne lui étoit point inconnu; et bien loin d'en être alarmé, il avoua ingénument que si la Grèce devoit sa réputation aux excellentes productions des Grecs anciens, elle étoit redevable de la conservation de ces mêmes productions à la générosité des rois de France qui, non contens de les rassembler, les avoient rendu immortelles par de superbes impressions. M. l'abbé Sevin lui dit alors que le roi, à

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