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les lettres de change que d'après ces mêmes ordres; qu'ainsi, il avait droit, comme le sieur Eyssautier, à la protection de l'administration supérieure.

Sur cet exposé, qui lui parut établir une différence entre le sieur Billion-Duplan et le sieur Laporte, le préfet prit, le 18 floréal an 12, un arrêté qui revendiqua la connaissance des demandes formées par les sieurs Durand et fils, des lettres de change dont ils étaient porteurs.

Et par un autre arrêté du 4 prairial suivant, il donna main-levée d'une saisie-arrêt que les sieurs Durand et fils avaient pratiquée entre les mains de débiteurs du sieur BillionDuplan.

Les sieurs Durand et fils se sont pourvus contre ces deux arrêtés au conseil d'état.

Avant de faire son rapport sur cette affaire,

la commission du contentieux a cru devoir consulter le directeur général de la liquidation, sur la question de savoir quelle avait été, à l'armée d'Italie, la qualité du sieur Billion-Duplan.

Le directeur général a répondu que le sieur Billion-Duplan n'avait tenu sa commission que de la compagnie Antonini, et que par conséquent il n'avait pas été l'agent direct du gouvernement; que cependant le ministre de la guerre, dans le rapport sur lequel avait été prise la décision du 15 brumaire an 10, avait pensé qu'il pouvait en être considéré comme l'agent secondaire, en ce qu'il s'était chargé du service des subsistances par les ordres des commissaires ordonnateurs Eyssautier et Bascalis, et qu'il n'avait contracté ses engagemens qu'avec leur autorisation.

Cette circonstance particulière aurait été, en effet, d'un grand poids pour le sieur Billion-Duplan, s'il en eût fait mention dans les lettres de change qu'il avait tirées. Mais elle perdait toute influence, du moment qu'il avait contracté purement et simplement; et cette fois, le principe dont le gouvernement ne s'était écarté que par surprise, le 15 bru. maire an 10, a prévalu.

Le 31 mai 1807,

<< Considérant que notre décret du 25 thermidor an 13 a formellement décidé que l'avis de notre conseil d'état, approuvé le 15 brumaire an 10, n'était relatif qu'au sieur Eyssautier, commissaire ordonnateur, qui ne pouvait être poursuivi personnellement pour des endossemens qu'il n'avait donnés que pour assurer le service, et que cet avis ne pouvait être applicable aux agens de la compagnie Antonini, obligée personnellement à un service qu'elle faisait par entreprise;

» Que, dans l'espèce présente, le sieur Billion-Duplan, connu à l'armée comme directeur de la compagnie Antonini, n'a jamais tenu sa nomination que de la compagnie Antonini, et qu'il n'a jamais eu la qualité d'agent du gouvernement;

» Vu l'avis de notre commission du contentieux, notre conseil d'état entendu, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

» Art. 1er. Les arrêtés du préfet du département de l'Isère, des 18 floréal et 4 prairial an 12, sont annulés.

» 2. Les parties sont renvoyées à se pourvoir pardevant l'autorité judiciaire ».

On conçoit facilement le motif secret du silence que garde ce décret, sur la qualité d'agent secondaire du gouvernement, de laquelle se prévalait le sieur Billion-Duplan : c'est que, pour rejeter expressément l'exception qu'en tirait celui-ci, sur le fondement qu'il ne l'avait pas énoncée dans ses lettres de change, il aurait fallu reconnaitre que la cision du 15 brumaire an 10 avait mal-à-propos soustrait le sieur Eyssautier à la juridiction des tribunaux.

S. VIII. Est-il permis à un tribunal de délibérer, sous le prétexte de l'intérêt général, sur de prétendus abus introduits dans des matières qui ne sont pas de sa compétence; et de prendre, à cet égard, des arrêtés pour provoquer les autres tribunaux à joindre leurs réclamations aux siennes?

« Le commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation expose qu'il est chargé par le gouvernement de lui dénoncer un acte qui contient, de la part du tribunal de commerce de Châlons sur Saône, un excès manifeste de pouvoir.

» Le 2 frimaire dernier, le cit......, président de ce tribunal, en a assemblé les membres et les suppléans dans la chambre du conseil; et là, il leur a fait lecture d'un écrit intitulé: Précis contre les prétentions de la régie (de l'enregistrement).

» Le but de cet écrit est de prouver que de l'art: 69 de la loi du 22 frimaire an 7, il ne résulte pas que, lorsqu'une condamnation est rendue sur une demande dérivant de conventions verbales, le droit d'enregistrement auquel l'objet de la demande aurait donné lieu, s'il avait été convenu par acte public, doive être perçu, indépendamment du droit dû pour le jugement qui a prononcé la condamnation; que la régie ne fait, en soutenant le contraire, qu'étendre arbitrairement la loi,

pour vexer les citoyens ; que le tribunal civil de Châlons sur Saône a bien jugé en proscrivant, le 25 frimaire an 10, cette prétendue extension; que le tribunal civil de Beaune a mal jugé, le 24 prairial an 11, en la consacrant; que le commerce doit se lever et présenter en masse ses réclamations au gouvernement; et que tous les TRIBUNAUX, conseils et chambres de commerce doivent s'opposer à la propagation de cette doctrine fiscale.

» Après avoir délibéré sur le contenu de cet écrit, le tribunal de commerce de Chálons, considérant qu'il est urgent de s'opposer au principe d'un mal qui se répandrait bientôt sur tout le sol de la république ; que le moyen d'y parvenir, peut se trouver dans les réclamations des tribunaux, conseils et chambres de commerce; que tous y ont un intérêt égal; a arrété la transcription dudit ouvrage sur ses registres, son impression au nombre de quatre cents exemplaires, et l'envoi à tous les tribunaux, chambres et conseils de commerce, ainsi qu'au tribunal de cassation.

» C'est en exécution de cet arrêté, que l'exposant a reçu du cit....... président du tribunal de commerce de Châlons, un exemplaire de son Précis contre les prétentions de La régie, et, à la suite, une copie imprimée de l'arrêté même.

» L'exposant a cru devoir transmettre l'un et l'autre au grand-juge ministre de la justice, et demander les ordres du gouvernement sur la conduite qu'il avait à tenir relativement à l'abus de pouvoir que lui paraissait avoir commis le tribunal de commerce de Châlons sur Saône.

» La réponse du grand-juge a été que l'exposant devait requérir l'annullation de l'arrêté du 2 frimaire.

» En effet, d'une part, les tribunaux de commerce n'ont aucune espèce de juridiction ni de surveillance sur la matière des droits d'enregistrement. Ce n'est pas à eux, ce n'est qu'aux tribunaux ordinaires de première instance qu'est délégué le pouvoir de détermid'après la loi, les cas où ces droits sont

ner,

et ne sont point dus.

»De l'autre, ce n'est point par des arrêtés généraux, ce n'est que par des jugemens individuels sur chaque affaire particulière, que même les tribunaux ordinaires de première instance peuvent déterminer ces cas. Prendre en cette matière des arrêtés généraux, c'est faire des réglemens, et par conséquent enfreindre la défense portée, à cet égard, contre

tous les juges, par l'art. 13 du tit. 2 de la loi du 24 août 1790.

» Ainsi, double excès de pouvoir dans l'arrêté du 2 frimaire : d'abord, en ce qu'il porte sur un objet que la loi a placé hors de la sphère des juridictions commerciales; ensuite, en ce qu'il statue sur cet objet dans une forme et avec une généralité qui sont expressément interdites à tous les tribunaux.

» Et à quoi tendent ces deux excès de pouvoir? A soulever les esprits contre un impôt dont le salut public a commandé l'établissement; à renouveler, dans l'ordre actuel des choses, les anciennes luttes des tribunaux contre l'administration; à pervertir le pouvoir judiciaire, et, de simple applicateur qu'il est des lois, l'en constituer le juge et le cen

seur.

>> La sagesse du tribunal suprême préviendra les suites funestes que pourrait avoir une pareille entreprise, si elle n'était promptement réprimée.

» Ce considéré, il plaise au tribunal de cassation, vu l'art. 80 de la loi du 27 ventóse an 8, casser et annuler l'arrêté pris le 2 frimaire dernier par le tribunal de commerce de Châlons sur Saône, sur l'écrit intitulé Précis contre les prétentions de la régie ; et ordonner qu'à la diligence de l'exposant, le jugement de cassation à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres dudit tribunal et en marge dudit arrêté.... Signé Merlin.

>> Ouï le rapport de Pierre-Paul-Marie Liger de Verdigny..... ;

» Vu l'art. 80 de la loi du 27 ventôse an 8, et l'art. 35 de la loi du 6-27 mars 1791;

» Considérant 1° que les tribunaux de commerce n'ont aucune espèce de juridiction ni de surveillance sur la matière des droits d'enregistrement; que ce n'est qu'aux tribunaux ordinaires qu'est délégué le pouvoir de déterminer, d'après la loi, les cas où ces droits sont et ne sont pas dus; 2o que la faculté accordée aux tribunaux par l'art. 35 de la loi du 6-27 mars 1791, de faire des arrêtés, est restreinte aux seuls arrêtés qui concernent la police et l'ordre des audiences;

>> Par ces motifs, le tribunal casse et annulle, tant pour excès de pouvoir que pour contravention à l'art. 35 de la loi de 1791, l'arrêté pris le 2 frimaire dernier par le tribunal de commerce de Châlons sur Saône, sur l'écrit intitulé Précis contre les prétentions de la régie; ordonne etc. ».

» Fait et prononcé à l'audience du tribunal de cassation, section des requêtes, le 4 pluviôse an 12........... ».

S. IX. 10 Est-ce au Pouvoir judiciaire ou à l'autorité administrative, qu'appar tient la connaissance des contestations qui s'élèvent entre un particulier réclamant la possession dans laquelle il est de faire dériver sur son fonds, des eaux dont la source est dans un terrain com. munal, et un autre particulier à qui la commune, par une délibération approuvée du préfet, a cédé l'usage exclusif de ces eaux?

2o Est-ce au Pouvoir judiciaire ou à l'autorité administrative qu'appartient l'interprétation du bail d'un revenu communal passé par le maire de la commune à un particulier, et revêtu de l'approbation du préfet?

3o Le bail par lequel une commune afferme à son profit une propriété, et qui est approuvé par le préfet, fait-il obstacle, tant qu'il n'est pas annulé par l'autorité administrative, à ce que des ticuliers revendiquent cette propriété devant les tribunaux?

par.

I. Joseph Valdezey possède, dans la commune d'Anoud, département des Vosges, un pré divisé en deux parties, qui sont séparées l'une de l'autre par un pâtis communal, situé au pied d'une montagne.

Dans ce pâtis communal, jaillissent quatre sources, dont les eaux réunies par un canal, vont arroser d'abord le pré de Joseph Valdezey, ensuite les prés inférieurs.

En l'an 7, Georges Vincent, ayant bâti une maison dans le voisinage, entreprend de détourner une partie de ces eaux pour son usage exclusif.

Valdezey se pourvoit en complainte; et le 8 fructidor de la même année, jugement intervient, par lequel, attendu qu'il est troublé dans une possession de temps plus que suffisant pour prescrire un cours d'eau, suivant la coutume de Lorraine, le juge de paix du canton de Fraize le maintient dans cette possession, et condamne Vincent à réparer le trouble.

Vincent appelle de ce jugement au tribunal civil du département des Vosges; mais ayant échoué le 12 ventôse an 8, il croit devoir prendre une autre voie.

Le 21 frimaire an 10, il obtient, du conseil municipal de la commune d'Anoud, une délibération qui lui cède gratuitement le droit de s'approprier les eaux de l'une des quatre sources; et il en demande l'approbation au préfet.

Valdezey s'y oppose par une requête adres

sée au conseil de préfecture, et tendant à faire ordonner le rapport de tous les arrêtés qui auraient pu avoir été rendus en faveur de Vincent, pour autoriser la prise d'eau dont il s'agit, sauf à celui-ci ou aux habitans en corps, s'ils s'y croient fondés, à se pourvoir devant les tribunaux.

Le 12 nivôse an 10, le sous-préfet de SaintDié, consulté par le préfet sur cette contestation, donne son avis en ces termes :

« Considérant que, quoique le conseil municipal ait prétendu que la commune d'Anoud n'a pu être privée des sources qui jaillissent sur le communal, parceque le titre d'acensement fait aux auteurs de Valdezey, opposant, n'a pu comprendre une propriété communale, il n'en est pas moins constant que, dans la ci-devant province de Lorraine, on pouvait prescrire contre une commune, par une jouissance non-interrompue de quarante ans; que Joseph Valdezey invoquant cette prescription, il était de la prudence du conseil municipal.... de surseoir à délibérer sur la demande de Vincent, jusqu'à ce que la commune, si l'objet était d'un assez grand intérêt pour elle, eût fait juger, devant les tribunaux, son droit de propriété contre Valdezey, plutôt que d'exposer la commune à soutenir une demande en garantie qui sera indubitablement formée contre elle par Georges Vincent, si Valdezey fait usage des deux jugemens qu'il a obtenus, et qui décident en sa faveur, contre Vincent, la possession annale;

» Considérant que le conseil municipal n'a cédé à Georges Vincent qu'un droit litigieux; que c'est, sans doute, ce motif qui l'a déterminé à lui faire l'abandon à titre gratuit d'une portion d'une des sources dont il s'agit, et qu'il n'a pas entendu que la commune serait inquiétée sous aucun prétexte, à raison de cet abandon, dans le cas où Valdezey renouvellerait ses pretentions; que cette restriction que le conseil n'a pas suffisamment manifestée, paraît cependant devoir être faite dans l'intérêt de la commune, parceque, si elle ne retire rien de l'abandon qui est dans l'intérêt seul de Georges Vincent, celui-ci doit prendre à son compte tous les événe

mens;

» J'estime qu'il y a lieu d'approuver la délibération du conseil municipal du 21 frimaire dernier, pour être suivie et exécutée, à charge cependant que Georges Vincent ne pourra inquiéter la commune sous aucun prétexte, dans le cas où il serait lui-même inquiété par Valdezey, ou tous autres, à raison de l'exercice du droit qui lui est abandonné,

et sans que cette restriction puisse nuire aux droits de la commune, dans le cas où celle-ci croirait qu'il est de son intérêt de se pourvoir pour se faire réintégrer dans la jouissance des fontaines dont Valdezey se prétend proprie taire, et sans préjudicier aux droits d'autrui ».

Le 28 du même mois, arrêté du préfet du département des Vosges qui « déclare ap. prouver l'avis du sous-prefet....., pour être exécuté selon sa forme et teneur, et sous la réserve que cet avis renferme ».

Armé de ces pièces, Georges Vincent s'empare de la source que la commune vient de lui céder, et creuse un canal pour en faire dériver les eaux dans son habitation.

Nouvelle demande en complainte de la part de Joseph Valdezey. Vincent emploie pour defense la délibération du conseil municipal et l'arrêté du préfet.

་་

Le 3 thermidor an 10, jugement du tribunal de paix qui déclare Valdezey non-recevable, « attendu que Vincent s'est pourvu >> administrativement, à l'effet d'obtenir l'cau » nécessaire à l'usage de sa maison; que le » conseil municipal de la commune la lui a ac» cordée ; que le préfet du département a con>>firmé cette concession, malgré l'opposition » du demandeur; qu'ainsi, il existe, sur l'objet » litigieux, une decision de l'autorité admi»nistrative, qui ne peut ni ne doit être ré» voquée par l'autorité judiciaire ».

Appel de la part de Valdezey au tribunal civil de l'arrondissement de Saint-Dié; et le 29 prairial an 11, jugement par lequel,

« Considérant que les motifs contenus au jugement dont est appel, sont d'autant plus fondés, qu'en y ajoutant, on remarque que, si l'appelant a cru devoir se pourvoir administrativement contre la concession projetée par le conseil de la commune, et par opposition à des arrêtés non encore rendus, à plus forte raison devait-il suivre la même marche, quand, sur sa pétition même, est intervenue la délibération du conseil municipal qui accorde l'une des sources dont il s'agit;

>> Que cette dernière circonstance constitue véritablement un acte administratif, dont la réformation ne peut évidemment appartenir à l'autorité judiciaire, quand même la concession qui en fait l'objet, aurait eu lieu sans fondement; que tel est le vœu des lois relativement à la division des pouvoirs attribués aux corps administratifs et aux tribunaux, et notamment de celle du 16 fructidor an 3;

» Que la difficulté qui a eu lieu en l'an 7 devant la justice de paix, et sur laquelle est intervenu le jugement du tribunal civil des

Vosges, n'était ni de la même nature ni de la même espèce ; qu'il s'agissait d'un fossé qui absorbait les trois sources alors existantes, et que cette œuvre, dont l'effet était la privation totale des eaux, et dont la réparation a été ordonnée, avait été faite sans l'intervention de l'autorité locale; au lieu qu'au cas présent, il ne s'agit que d'une des quatre sources, laquelle a éte accordée par le conseil municipal; que cette concession, bien ou mal faite, étant un acte administratif, ne pouvait être réformée par le jugement dont est appel, mais peut donner lieu à une question de propriété, et, dans ce cas, ouverture à une action au petitoire, soit contre la commune, soit contre l'intimé, laquelle devient alors du ressort des tribunaux;

» Le tribunal dit qu'il a été bien jugé..............».

Valdezey se pourvoit à la cour de cassation, et il y conclud à ce que, soit par réglement de juges, soit par cassation, le jugement du tribunal de Sait-Dié soit annulé.

Le 29 messidor an 11, arrêt de la section des requêtes qui admet la demande en cassation. « La section des requêtes (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 15 prairial an 12) ayant, par cet arrêt, mis à l'écart la demande en reglement de juges, vous n'avez plus à vous en occuper. Peut être cependant ne sera-t-il pas inutile de vous retracer les considérations que nous avons proposées sur ce point à la section des requêtes.

» L'art. 12 du tit. 2 de l'ordonnance du mois d'août 1737, avons-nous dit, porte que, si, sur le déclinatoire proposé par l'une des parties, les premiers juges se sont dépouillés de la connaissance de la contestation, le défendeur au déclinatoire ne pourra être reçu à se pourvoir en notre conseil, pour étre réglé de juges; sauf à lui à interjeter appel de la sentence qui aura eu égard au déclinatoire, ou à se pourvoir en notre conseil contre l'arrêt qui l'aura confirmée.

» Dans l'espèce, le juge de paix du canton de Fraize s'est dépouillé de la connaissance du différend dont il était saisi; et il s'en est dépouillé sur les conclusions prises à cette fin par Georges Vincent. Valdezey n'aurait donc pas pu se pourvoir en réglement de juges contre le jugement du tribunal de paix ; il n'a eu, contre ce jugement, d'autre voie ouverte que celle de l'appel. Il ne peut donc, par une conséquence nécessaire, avoir d'autre voie que la cassation pour faire annuler le jugement du tribunal de l'arrondissement de Saint-Dié, confirmatif de celui du juge de paix.

» Mais ce jugement doit-il, en effet, être annulé? A-t-il violé quelque loi, en déclarant le pouvoir judiciaire incompétent pour statuer sur la réclamation du demandeur? Voilà, Messieurs, ce qu'il vous appartient d'examiner.

» Or, sur cette question, il ne peut pas y avoir deux avis. L'art. 10 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790 attribue aux juges de paix la connaissance des actions possessoires qui ont pour objet des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés. Le tribunal de Saint-Dié a donc jugé contre le texte formel de cet article, en confirmant la décision par laquelle le juge de paix du canton de Fraize s'était dépouillé de la connaissance de la demande en complainte formée par Joseph Valdezey contre Georges Vincent.

» Mais, dit-on, il existe en faveur de Georges Vincent une concession émanée du conseil municipal de la commune d'Anoud, et cette concession est un acte administratif que les tribunaux ne peuvent pas réformer. » Cette concession est un acte administratif! Ce sont donc aussi des actes administratifs que les baux par lesquels les conseils municipaux afferment les biens de leurs communes? Ce sont donc aussi des actes administratifs que les transactions par lesquelles les conseils municipaux, après s'y être fait autoriser par l'administration supérieure, terminent les procés qui intéressent leurs communes ? Ce sont donc aussi des actes administratifs que les contrats quelconques dans lesquels les conseils municipaux traitent et stipulent au nom de leurs communes? Et si ces baux, ces transactions, ces contrats, donnent lieu à des contestations, le pouvoir judiciaire ne pourra donc pas en connaître? Ce sont là, il faut en convenir, des idées nouvelles, parlons plus juste, des idées bizarres, qui répugnent à toutes les notions reçues, qui révoltent le bon sens (1).

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priver Valdezey du droit de prendre, contre le concessionnaire de la commune, une voie qu'il serait autorisé, dans cette hypothèse, à prendre contre la commune elle-même? Par quelle singularité, un ouvrage que la commune fait faire par Georges Vincent, seraitil à l'abri de la complainte judiciaire, tandis qu'il en serait passible, si la commune le faisait pour son propre compte?

» Ce qu'il y a de plus étrange dans le prononcé du tribunal de l'arrondissement de Saint-Dié, c'est qu'il reconnaît formellement que, malgré la prétendue décision administrative du conseil municipal, l'affaire serait de la compétence des tribunaux, si elle s'engageait au pétitoire. Oh! Bien sûrement il est impossible que les tribunaux soient com. pétens au pétitoire, s'ils ne l'étaient pas au possessoire; l'évidence elle-même n'est pas plus claire que cette vérité.

» Il est, au reste, fort indifférent que le préfet du département des Vosges ait approuvé la concession faite à Georges Vincent par le conseil municipal d'Anoud.

» En l'approuvant, il n'a pas décidé que la commune d'Anoud eût le droit de disposer des eaux qui en sont l'objet. En l'approuvant, il n'a pas dissimulé que la disposition ainsi faite de ces eaux par la commune, pouvait donner lieu à des procès. En l'approuvant, il a reconnu que la connaissance de ces procès appartiendrait aux tribunaux. Enfin, en l'approuvant, il n'a ni ôté ni voulu óter à Valdezey le droit de recourir au pouvoir judiciaire, pour faire cesser les voies de fait auxquelles cette concession pourrait servir de prétexte.

» Il est donc évident que le tribunal de Saint-Dié s'est mépris sur l'application des lois relatives à la compétence de l'autorité administrative, et qu'il a sans raison, ou plutôt contre toute raison, refusé d'appliquer les lois relatives à la compétence des tribu

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