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éloquemment que ses collègues pour amener l'Allemagne à changer d'attitude. Le délégué autrichien émit, à son tour, l'avis qu'on pouvait, tout au moins, prendre le projet de Sir J. Pauncefote comme base de discussion pour ne pas entraver les travaux si importants de la Conférence.

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Seul le délégué des États-Unis n'avait pas encore parlé : il réservait par modestie, dit-il, son intervention : « En ma qualité de représentant d'un monde nouveau, la déférence m'ordonnait de laisser parler avant moi les délégués des nations anciennes. Cela dit, il n'en porta qu'avec plus de force un dernier coup aux résistances du Docteur Zorn. Lui aussi fit allusion aux déceptions de l'opinion non seulement impatiente, mais inquiète, et inquiète non sans motifs, car une Conférence analogue à celle-ci et qui intéressait, elle aussi, l'humanité tout entière, la Conférence du Travail, s'était réunie il y avait quelques années, sur l'invitation de l'Empereur d'Allemagne, et elle n'avait abouti à rien.

Ce discours mit fin à la discussion. On passa à l'examen des articles du projet de Sir J. Pauncefote, le docteur Zorn consentant non seulement à y assister, mais, comme il ressort de la lecture du procès-verbal no 7, à y prendre part. (I notifia officiellement l'autorisation et l'adhésion de son Gouvernement au cours de la douzième séance).

C'est après cette discussion décisive que le Docteur Zorn partit pour Berlin avec le procès-verbal de la sixième séance, afin d'exposer lui-même au Ministre des Affaires étrangères, la responsabilité qu'allait prendre le Gouvernement allemand s'il persistait à imposer à son représentant dans le Comité une résistance que tous ses collègues avaient déplorée et qui ferait tout échouer.

Le sentiment presque unanime dans la Conférence, qu'il fallait à tout prix éviter un désastreux avortement, eut sans doute raison des répugnances du Gouvernement allemand; le Docteur Zorn revint avec des instructions nouvelles et déclara que l'Allemagne acceptait définitivement l'institution d'une Cour internationale.

Il est inutile d'exposer dans ce rapport le détail de l'organisation de la Cour d'arbitrage. La lecture des articles qui la constituent est suffisante (1) et celle des procèsverbaux du Comité en fait ressortir fidèlement l'exacte portée. Mais il nous parait nécessaire de résumer en quelques mots les caractères généraux de l'institution.

Dans la Déclaration qu'il avait lue au nom de la Délégation française en ouvrant la séance du 9 juin, M. Léon Bourgeois avait fait remarquer « la difficulté d'instituer, «< dans la situation politique actuelle du monde, un Tribunal composé à l'avance d'un certain nombre de juges représentant les divers pays et siégeant d'une manière per"manente dans des affaires successives.

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« Ce Tribunal donnerait, en effet, aux parties, non des arbitres choisis respective«ment par elles en connaissance de cause et investis d'une sorte de mandat personnel de la confiance nationale, mais des juges au sens du droit privé, préalablement

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« nommés en dehors du libre choix des parties. Une Cour permanente, quelle que

« soit la haute impartialité de ses membres, risquerait de prendre aux yeux de l'opi«nion universelle le caractère d'une représentation des États; les Gouvernements, pou« vant la croire soumise à des influences politiques ou à des courants d'opinion, ne

(1) Voir in fine, articles 20 à 30, pages 67, 68 et 69.

⚫ s'accoutumeraient pas à venir à elle comme à une juridiction entièrement désin

a téressée. »

Le projet adopté par le Comité d'examen et qui fut plus tard ratifié par la Conférence fait disparaître entièrement cette inquiétude. Les arbitres qui constituent dans chaque affaire le Tribunal chargé de la juger seront spécialement et librement choisis les Puissances en litige. pour cette affaire par

Une liste des personnes pouvant être ainsi choisies pour arbitres est dressée par chaque Puissance et c'est sur l'ensemble des personnes ainsi désignées que le choix

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des Parties s'exerce librement.

n'est pas la personne du juge.

un juge librement choisi.

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Ce qui est permanent c'est donc l'institution, ce A chaque cause, un juge nouveau, à chaque cause

Le caractère international et permanent est d'ailleurs assuré par l'existence d'un Conseil administratif permanent composé des représentants diplomatiques des Puis

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sances signataires accrédités à la Haye et du Ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas qui remplira les fonctions de Président. Conseil chargé d'établir et d'organiser le Bureau international, lequel demeurera sous sa direction et sous son « contrôle.» (Art. 28.)

Ainsi se trouvent réunies par la conciliation la plus heureuse les deux conditions essentielles pour qu'une juridiction internationale soit non seulement acceptée à son origine, mais consacrée pour ainsi dire par la confiance constante des États.

Un Tribunal existe désormais, voulu et soutenu par l'opinion du monde civilisé. Ce n'est pas un organe politique, c'est bien une institution judiciaire; l'idée du droit seule peut inspirer ses décisions et chacune de ces décisions par là mème accroîtra la force de l'Idée du Droit dans le monde.

L'ARTICLE 27.-LE DEVOIR INTERNATIONAL.- La Cour permanente était instituée, organisée, tout avait été prévu; rien n'y manquait que l'existence. Le Premier Délégué de France ne craignit pas d'en faire la remarque. Reprenant sa déclaration de la sixième séance, il fit observer que, dans la plupart des cas, neuf fois sur dix, les Puissances n'oseraient pas recourir à l'arbitrage de la Cour permanente, qu'elles seraient arrêtées par le point d'honneur, la crainte de mécontenter l'opinion; pourquoi ne pas prévoir une clause tendant à lever ces scrupules?

M. d'Estournelles ne manqua pas d'appuyer cette opinion du Président. Il faut aider les Gouvernements à recourir à l'arbitrage, provoquer et non pas attendre leur initiative : « Trouvons quelque chose, un mécanisme automatique qui mette les Gou« vernements en demeure de se prononcer pour ou contre l'arbitrage devant «l'opinion et les Parlements. Si nous trouvons ce mécanisme, la situation sera « changée du tout au tout, il deviendra aussi difficile à un Gouvernement de décliner le recours à l'arbitrage qu'il lui était difficile jusqu'à ce jour de l'accepter dans les

«< cas graves. »

Le Comité se sépara sans rien conclure, mais en reconnaissant pourtant que les observations de la Délégation française étaient fondées et qu'il y avait quelque chose à trouver pour que le tribunal permanent existât autrement que sur le papier. Cette séance avait eu lieu le samedi 1er juillet. Le lundi 3, la Délégation française apportait une solution.

D'accord avec M. Léon Bourgeois, M. d'Estournelles reprit les arguments déjà formulés dans la précédente séance et les développa en insistant sur le désappointement général de l'opinion si la Conférence n'aboutissait qu'à une apparence de résultat. Il existe une solidarité entre les États civilisés; c'est au nom de cette solidarité que nous devons non pas obliger les États en conflit à recourir à l'arbitrage, mais, ce qui revient au même, tout en sauvegardant leur indépendance et leur dignité, les mettre en demeure de choisir entre l'arbitrage et la guerre. Pour obtenir ce résultat, il suffit de décider que le rappel à l'arbitrage sera non pas un droit, mais un devoir.

M. d'Estournelles proposait, à titre personnel, le texte suivant :

Art. 27. Les puissances signataires considérant comme un devoir, dans le cas où un conflit aigu menacerait d'éclater entre deux ou plusieurs d'entre elles, de rappeler à celles-ci que la Cour permanente leur est ouverte, donnent mandat au Secrétaire général du bureau de se mettre, le cas échéant, à la disposition de chacune des parties intéressées en s'adressant par écrit à leur représentant dans les PaysBas.

A l'appui de cet article était formulé un projet de lettre que le Secrétaire général adresserait aux représentants en question, en cas de conflit.

Le Secrétaire général était considéré ainsi comme l'agent des Puissances; il obéissait à leurs instructions; le mécanisme de son intervention était réglé d'avance d'une façon complète, automatique, au point que les termes mèmes de sa lettre lui étaient dictés. S'il s'abstenait d'envoyer cette lettre, il prenait une responsabilité personnelle des plus graves et cette abstention ne pouvait manquer de provoquer des protestations; si, au contraire, il l'envoyait, il se conformait purement et simplement à sa mission, à son rôle; il remplissait sa fonction. Toutes les Puissances intervenaient en sa personne; aucune puissance n'avait à prendre l'initiative d'intervenir la première.

Les délégués de France, d'Angleterre, de Suisse, des Pays-Bas et tous les autres mème, à des degrés divers, étaient favorables au principe de cette proposition; personne, en tous cas, n'en contesta la portée morale, mais de très vives objections pratiques furent élevées contre la procédure qu'elle suggérait et notamment contre le rôle réservé au Secrétaire général. Ces objections menaçaient mème d'entrainer le rejet de la proposition tout entière; c'est ce qui résulte du vote que réclama M. d'Estournelles :

Trois voix se prononcèrent pour l'ensemble de sa proposition, celles de MM. Bourgeois, Odier, Pauncefote;

Deux délégués s'abstinrent : MM. Asser et Holls;

Cinq votèrent contre : MM. Descamps, Zorn, Lammasch, Nigra, de Martens;

C'est alors que le Président crut devoir intervenir.

« Vous vous êtes prononcés à l'unanimité, Messieurs, dit-il en substance, pour le principe de la proposition qui vous est faite et vous ne différez que sur le mode d'application. Ne pensez-vous pas qu'il convienne tout au moins de prendre acte de votre accord sur ce principe si important qu'il existe un devoir commun, un devoir international obligeant les Puissances à suggérer le recours à l'arbitrage? Sur cet accord, aucun doute n'est possible. Reprenons donc, en la divisant, la rédaction dont vous

venez de repousser l'ensemble et manifestez votre unanimité sur la première partie, savoir : Les Puissances considèrent comme un devoir, dans le cas où un conflit aigu menacerait d'éclater entre deux ou plusieurs d'entre elles de rappeler à celles-ci que la Cour permanente leur est ouverte. Ainsi nous aurons sauvé le meilleur de la pensée de M. d'Estournelles, tout en donnant satisfaction à vos scrupules.

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A l'unanimité, le Comité accepta cette suggestion et vota le texte ainsi rédigé. Le Président prit acte de la portée de ce vote :

« Désormais, dit-il, gràce à l'inscription de ce mot devoir dans l'acte de la Haye, les États ne se considéreront pas comme indifférents les uns aux autres. Dès qu'un conflit menacera de mettre aux prises deux d'entre eux, ils ne seront pas des neutres impasssibles, mais des voisins solidaires, ayant le devoir de sauvegarder la paix générale.

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Quant à la seconde partie de la proposition d'Estournelles, elle fut remplacée par la disposition suivante, votée également à l'unanimité :

En conséquence elles déclarent que le fait par une ou plusieurs d'entre elles de rappeler aux Parties litigentes les dispositions de la présente convention et le conseil donné dans l'intérêt supérieur de la paix, de s'adresser à la Cour permanente, ne peuvent être considérés que comme un acte de bons offices.

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LA PROCÉDURE ARBITRALE. COMPATIBILITÉS. L'ACCESSION.

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LA SENTENCE motivée. LA REVISION. LES INAprès la treizième et la quatorzième séances, la tâche du Comité d'examen était virtuellement terminée; les séances suivantes furent en réalité des réunions transactionnelles où tous les membres de la Conférence qui en exprimèrent le désir furent admis à présenter et à soutenir leurs objections, afin de simplifier et d'accélérer ainsi les délibérations de la Conférence plénière et de la troisième Commission. Celle-ci se réunit le 7 juillet pour entendre un premier rapport verbal de M. Descamps, au nom du Comité; elle fut impressionnée favorablement par l'ensemble des dispositions qui étaient soumises, en première lecture, à son approbation, mais elle n'en commença la discussion, à proprement parler, que afin de laisser au Comité le temps nécessaire à ses transactions.

17,

le

Dans cette laborieuse séance du 17, le Président, M. Léon Bourgeois, mit aux voix en première lecture le chapitre des Commissions d'enquète. Les délégués de Roumanie, de Serbie, de Turquie seuls déclarèrent ne pouvoir prendre part à la discussion is attendaient les instructions de leurs Gouvernements. Le Président, afin de laisser à ces délégués le temps de les recevoir proposa, alors à la Commission d'ajourner la discussion sur les Commissions d'enquête, et de passer au chapitre de l'arbitrage.

:

Les mêmes Délégués renouvelèrent, mais plus timidement, les mèmes réserves; la majorité décida de passer outre.

Le Président, le rapporteur, ou les auteurs des projets expliquèrent à la Commission, au fur et à mesure de la lecture, le sens et la portée de chaque article et les modifications, en général peu essentielles, apportées par le Comité en réponse aux objections formulées.

L'article 27 mème, sur le devoir international, fut adopté sans discussion : toute

fois, le Délégué de Roumanie renouvela expressément sur cet article ses réserves antérieures et le Comte Welsersheimb, premier délégué d'Autriche, rompit le silence qu'il avait jusqu'alors observé, pour réserver également son opinion.

De même furent adoptés, sauf quelques réserves, les articles suivants, mais c'est ici qu'il convient de signaler diverses questions spéciales discutées par le Comité et dont nous n'avons pas encore fait mention :

L'article 23 accorde aux Arbitres, dans le Pays où ils siègent effectivement, des immunités analogues à celles dont jouissent les Représentants diplomatiques. Dans le mème article, le nombre des noms à inscrire par pays sur la liste des arbitres a été vivement discuté : le docteur Zorn a tenu à élever ce nombre de 2 à 4, afin de ne pas trop limiter les choix et de laisser à chaque pays la faculté de nommer non seulement des jurisconsultes de profession, mais au besoin des diplomates, des militaires, etc. Le chiffre 4 a été accepté par le Comité et la Commission.

Le choix de la Haye comme siège du tribunal permanent a rencontré une faveur unanime (art. 25).

On décida que le Conseil permanent chargé d'organiser à la Haye le Bureau international et d'y exercer son contrôle serait composé, non pas comme l'avait décidé sagement le Comité, des représentants diplomatiques résidant à la Haye, mais des représentants diplomatiques accrédités à la Haye, ce qui a pour conséquence d'admettre dans ce Conseil des diplomates de tous pays, y compris ceux d'Extrême-Orient, lesquels, ne résidant pas à la Haye, se trouvaient en fait exclus du Conseil par la rédaction primitive (art. 28).

Au cours de l'examen de la procédure de l'arbitrage, le Délégué de Suède souleva relativement au Surarbitre une intéressante discussion sur l'article 31; mais les deux discussions importantes sur le chapitre de la procédure portèrent:

1° Sur les motifs de la sentence arbitrale (art. 51);

2° Sur la revision (art. 54).

1o En ce qui concerne la question de savoir si la sentence doit être ou non motivée, des arguments dignes de remarque furent mis en avant dans les deux sens : mais la discussion de la Commission ne fit que reproduire ce qui avait été dit au sein du Comité. (Voir les Procès-verbaux des dixième et onzième séances du Comité (1).) M. de Martens a combattu jusqu'au dernier moment l'obligation de motiver la sentence: « Vous embarrasserez les arbitres, dit-il, vous les compromettrez, et finalement, au lieu de servir la cause de l'arbitrage, vous lui ferez tort. » On ne

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saurait sacrifier la justice à ces considérations d'ordre politique, répondirent le doc

« teur Zorn, M. Descamps, etc. On ne peut concevoir une sentence de droit qui ne " soit pas motivée. >>

C'est cette dernière opinion, après de vives discussions réitérées, qui a fini l'emporter.

par

(1) Nous ne saurions trop insister sur l'intérêt que présente, pour quiconque veut apprécier exactement l'importance des travaux de la Conférence, la lecture des Procès-Verbaux de la Commission et du Comité qui résument ces discussions.

« EdellinenJatka »