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échanges commerciaux et les moyens de communication? Quelle est sa situation financière? En quoi consistent l'actif et le passif de l'Etat? Quelles sont les indications qui résultent de l'examen de ses budgets depuis 1890 et sur quelles bases est-il possible de concevoir l'assiette de son budget futur? »>

Comment, sous le rapport international, la situation de l'Etat du Congo est-elle réglée? Tel était donc, et tel est encore le premier point à considérer.

Comme nous l'établirons plus loin, cette situation est aujourd'hui acquise dans des conditions qui ne sont pas contestables.

Ce qui était déjà internationalement admis en 1895 reste inébranlable, et rien de ce côté ne pourrait entamer notre liberté d'action. Les traités sont respectés; les frontières sont fixées; les limites sont établies; il ne reste que quelques points à marquer sur le terrain.

Notre situation n'est pas moins nettement établie vis-à-vis du RoiSouverain de l'Etat Indépendant. Sa volonté, ses recommandations, ses pensées directrices, fruits d'une longue et savante conduite des choses_publiques, se sont, à diverses reprises, clairement révélées au pays. Elles sont fidèlement consacrées par l'article premier du traité. Le Roi déclare céder à la Belgique la souveraineté des territoires composant l'Etat Indépendant, avec tous les droits et obligations qui y sont attachés. Il lui demande en retour de reprendre les engagements qu'il a contractés pour assurer le succès de son œuvre et de respecter les droits acquis aux tiers indigènes et non indigènes, ainsi que les fondations créées en vue de servir des intérêts essentiels.

Ce n'est donc plus qu'avec nous-mêmes que nous avons à compter. Nous avons décider :

d'une part, si, forts de notre passé, de l'énergie de notre race, de notre bon sens national, nous pouvons assumer la tâche de poursuivre nous-mêmes une grande œuvre civilisatrice, si nous voulons devenir la mère-patrie d'une des plus vastes contrées du monde, et d'autre part, si nous nous sentons en mesure de concilier cette audacieuse et fière ambition avec la sauvegarde de nos propres intérêts en même temps. qu'avec la légitime prétention d'y trouver, par surcroît, de nouvelles et fécondes sources de prospérité industrielle et commerciale pour la Belgique même.

Le premier objectif se confond avec le but civilisateur, qui est la raison d'être de la souveraineté.

L'article premier du traité stipule que la souveraineté du Congo est transférée du Roi-Souverain à la Belgique avec tous les droits et obligations qui y sont attachés.

L'article 6 de l'Acte de Berlin contient des déclarations que le Roi avait déjà formulées, en termes à jamais mémorables, dès 1876. Le peuple belge a toujours applaudi aux nobles pensées du Roi, et ce n'est certes pas lorsque la colonie devient pour lui la source d'entreprises de plus en rémunératrices qu'il pourrait cesser de s'en inspirer. Le traité consacre le respect des fondations existantes; il énonce, dans son annexe A, les droits de propriété et de jouissance reconnus aux missions religieuses, qui sont les instruments par excellence de

l'action civilisatrice. Il y reproduit la convention du 26 mai 1906, par laquelle l'Etat s'engage envers le Saint-Siège à concéder aux établissements religieux des missionnaires au Congo les terres nécessaires à leurs œuvres. C'est, dans ce domaine, tout ce qu'une convention de reprise pouvait prévoir. Le champ reste d'ailleurs ouvert à toutes les mesures dont l'utilité serait reconnue pour donner satisfaction aux revendications justifiées des missions des diverses confessions chrétiennes.

Le second objectif est d'ordre économique et matériel; il forme la matière proprement dite du traité. Pour trancher la question de savoir si l'intérêt de la Belgique exige actuellement l'annexion du Congo, il est indispensable de connaître, d'une façon complète, la situation sous ses divers aspects.

C'est, en dehors des préoccupations inhérentes au but humanitaire de la colonisation, la première recherche qui doive inquiéter l'esprit. Quel est l'état matériel et financier de la colonie? Quelles sont ses richesses, quels sont ses revenus, quel est son actif, quel est son passif?

Les articles 2 et 3 du traité, avec les annexes A, B et C qui l'accom-pagnent répondent à ces questions.

I. Il y a d'abord les territoires composant l'ensemble du pays; ils sont immenses; on estime leur superficie à 235 millions d'hectares. Le domaine public, comprenant les voies de communication, les fleuves, les lacs, les rivières et leurs dépendances, les voies ferrées, etc., en forme une partie dont l'étendue n'a pas été renseignée jusqu'à présent.

Les populations indigènes en occupent une autre partie dont l'étendue est également ignorée, mais un décret du 3 juin 1906, en déclarant terres occupées par les indigènes toutes les terres qu'ils habitent, cultivent où exploitent à un titre quelconque conformément aux coutumes et usages locaux, pose la règle que leurs droits seront déterminés et constatés officiellement sur place. Interprétant largement. les décrets antérieurs organiques du régime foncier, le décret de 1906 prévoit, d'ailleurs, des attributions ou extensions collectives de terres à leur profit; il reconnaît leurs droits de chasse, de pêche et les usages en bois; enfin, les dispositions nécessaires sont prises pour qu'aucune aliénation ou concession consentie par l'Etat ne puisse porter atteinte à tous ces droits acquis et reconnus.

Les terres appartenant à des particuliers non indigènes sont soumises à un régime d'enregistrement confié au conservateur des titres fonciers.

Quant aux terres cédées en propriété, en concesion ou en location a des sociétés d'exploitation industrielle ou commerciale ainsi qu'aux compagnies de chemins de fer et aux missions religieuses, elles représentent une superficie très considérable, dont nous discernerons plus loin les divers modes d'affectation.

Reste le domaine privé de l'Etat, dénommé domaine national par un décret du 3 juin 1906 en tant qu'il comprend les biens administrés en régie par l'Etat.

Et, enfin, le domaine de la Fondation de la Couronne, soumis à un régime spécial d'affectation.

On a cherché à établir la quotité respective de ces diverses catégories de terres, sous réserve de ce qui est occupé par les populations indigènes.

Le domaine national comprendrait un peu plus de 1/4 de tout le territoire; le domaine de la Fondation de la Couronne, environ 1/9. Les parties restantes, déduction faite des terres vacantes inoccupées, des facs, des marécages, etc., seraient réparties entre les propriétaires non indigènes, les missions religieuses, les sociétés exploitantes de chemins de fer et toutes autres sociétés concessionnaires.

Dans le relevé général, tel que nous le dressons, des terres mises en valeur sous des formes diverses, cette répartition se dessine avec une suffisante clarté sans qu'il soit utile de chercher à la représenter par des quotités. Elle est d'ailleurs essentiellement variable, le domaine national, pour ne citer que cet exemple, pouvant chaque jour être modifié suivant ce que l'Etat juge opportun de faire et une partie notable du territoire livré aux sociétés étant l'objet de concessions toutes temporaires.

A ces vastes étendues de terres, dont les produits végétaux d'exportation, tels que le caoutchouc, la gomme copale, etc., représentent une valeur considérable, viennent s'ajouter, pour constituer l'avoir immobilier, les gîtes minéraux et métallifères dont les travaux d'exploration et les prospections accomplis jusqu'à ce jour laissent déjà deviner l'importance. (Voir le rapport au Roi-Souverain du 22 mai 1907, aux pp. 120 à 124.)

II. L'avoir immobilier comprend, en outre, les propriétés immobilières appartenant en Belgique à l'Etat Indépendant, de même que celles dont les titres lui ont été cédés par la Fondation de la Couronne en exécution de la convention du 24 décembre 1906. Il faut y ajouter enfin toutes les constructions, installations, appropriations creees ou acquises en Belgique même pour le compte de l'Etat et qui sont affectées à ses services.

III. — L'avoir mobilier, se composant des marchandises en dépôt ou en cours de route, de l'armement et de la flottille de l'Etat, du matériel de transport par terre, des valeurs de portefeuille, représente, de même que l'avoir immobilier, une grande richesse. L'exposé de la situation financière et budgétaire, qui forme l'un des chapitres de ce rapport, renferme à cet égard des évaluations qui sont très rassurantes, si on les rapproche du passit, qui est constaté.

Nous ne développerons pas davantage cette énumération, n'ayant en vue ici que la constatation de l'ensemble de l'avoir existant avec les charges qui le grèvent et les annexes du traité fournissant au complet toutes les données qui en constituent le détail.

Mais nous n'avons pas à dresser un simple bilan. Pour qu'il réponde à toute la réalité, il faudrait d'ailleurs y faire entrer, ainsi que la remarque en était déjà faite en 1895, l'estimation du résultat de tous les travaux, de tous les efforts, de toutes les dépenses qui ont été consacrés jusqu'à ce jour à l'exploration et à la mise en valeur des territoires congolais.

Afin de prendre un parti en pleine connaissance de cause, nous avons aussi à mesurer l'état de míse en valeur des possessions qui sont transférées à la Belgique.

Comme le disait excellemment l'exposé des motifs du traité de 1895, « une colonie vaut par la nation qui la possède tout ce que peuvent rapporter à ses citoyens les entreprises agricoles, commerciales ou industrielles qu'ils vont y exploiter, tout ce que peuvent donner de bénéfices aux industries de la mère-patrie les débouchés créés dans le domaine colonial ». De là ces deux questions du programme de 1895 dont nous avons reproduit les termes plus haut: «A quel point l'Etat a-t-il conduit son organisation intérieure? A quel degré se sont développés les échanges commerciaux et les moyens de communication? » De là, pour les mieux préciser, cette autre question encore : Cette mise en valeur conservera-t-elle ses avantages actuels; quelles espérances peut-on concevoir au sujet de son développement et ne donnera-t-elle pas lieu un jour pour la mère-patrie à des charges qui pourraient être au-dessus de ses forces?

Lors du traité de 1895, c'était la préoccupation dominante. Dans les conseils du gouvernement, la confiance l'emporta sur les craintes. Et cependant, que d'incertitudes diverses, que d'aléas, que de sujets d'infériorité au regard de la situation d'aujourd'hui.

A cette époque, on était en face d'un budget annuel de dépenses de 7,750,000 francs. Pour le couvrir, on se trouvait obligé de recourir à des recettes extraordinaires et l'on escomptait des réductions de dépenses pour se promettre d'assurer l'équilibre budgétaire de l'avenir. On basait surtout ses espérances sur le succès du chemin de fer de Stanley-Pool à la mer, qui n'était pourtant que partiellement construit.

«Nous avons la certitude, disait l'exposé des motifs de 1895, que le chemin de fer, à mesure de la mise en exploitation de ses sections successives et longtemps avant son complet achèvement, favorisera les entreprises commerciales et agricoles; or, tout progrès réalisé par elles se traduira tout naturellement en une augmentation de recettes données par les impôts... Le commerce, au lieu de se borner, comme maintenant, aux seuls produits qui peuvent supporter les frais énormes d'un portage à dos d'hommes, trouvera un champ d'activité immense ouvert devant lui, et le moment alors ne sera certes pas éloigné où la colonie poura subvenir elle-même à son budget. »>

Telle était d'ailleurs, en 1890, l'importance attachée à l'influence des chemins de fer sur la vie économique du pays, que l'ajournement de la reprise du Congo à des temps meilleurs avait été justifié en partie par l'absence de toute voie de communication ferrée et que cinq ans plus tard on se fondait surtout sur les résultats obtenus par un commencement d'exploitation d'une ligne de chemin de fer pour prendre la décision contraire et s'engager résolument dans cette reprise.

Que de progrès et de transformations accomplis en ces douze dernières années. Un vaste réseau de voies ferrées projeté suivant des vues d'ensemble et en partie réalisé. Utilisation généralisée des voies d'eau au point qu'il n'est plus guère de cours d'eau navigable sur le

quel ne circulent des embarcations à vapeur. Budget général annuel en recettes et en dépenses de plus de 37 millions au lieu du budget de 6 à 7 millions en 1895. Et tandis que l'on s'attachait alors à prévoir des réductions de dépenses et des économies et même que l'on s'attendait à devoir majorer les impositions, voici qu'il est pourvu maintenant au budget de 37 millions à l'aide de ressources obtenues dans des conditions normales et importations régulières, en dehors de l'impôt demandé au commerce.

Des capitaux privés engagés dans les diverses branches de l'activité économique à concurrence d'au moins 170 millions et un mouvement commercial tel que le commerce général a atteint, au cours de l'année 1906, 106,483,059 fr. 33 c., soit : exportations 76,789,358 fr. 86 c.; importations, 29,701,700 fr. 47 c.; et le commerce spécial, c'est-à-dire celui comprenant exclusivement, à la sortie, les produits originaires de l'Etat Indépendant et, à l'entrée, les marchandises déclarées pour la consommation de son territoire : 79,755,419 fr. 78 c., soit exportations, 58,277,830 fr. 70 c.; importations, 21,477,589 fr. 8 centimes.

Que l'on compare ces chiffres avec ceux de l'année 1894, qui étaient respectivement de 1,031,804 francs et de 8,761,622 francs.

Enfin, au lieu des sociétés concessionnaires dont la situation est renseignée à l'annexe A du traité de 1895, au nombre de dix, et qui avaient procuré à l'Etat, à raison des arrangements conclus avec lui, compte aujourd'hui vingt grandes societes titulaires de concessions, dont l'importance se révèle, pour l'Etat, qui y est intéressé, par des valeurs de portefeuille estimées à 60 millions et donnant un revenu annuel de 5 millions pour 1907.

Il y a aujourd'hui quarante-huit sociétés belges, onze sociétés congolaises et vingt-neuf autres belges et congolaises, soit un total de quatre-vingt-huit sociétés. On ne comptait que six compagnies belges en 1891.

Nous pouvons nous dispenser de nous occuper ici du système de l'Etat mettant lui-même en valeur son domaine. Il n'est et ne pouvait être l'objet d'aucune disposition conventionnelle dans le traité de reprise, puisqu'il appartient à la catégorie des procédés de gouvernement de nature contingente et variable dans leur application.

C'est le rôle des sociétés concessionnaires qu'il nous importe de considérer, concessionnaires de pleine propriété ou seulement de location et d'exploitation; la nature de leurs droits, de leurs obligations, les proportions dans lesquelles l'avenir de la colonie se trouve engagé par leur existence, au point de vue territorial et financier, les services qu'elles ont rendus et qu'elles sont encore appelées à rendre. Toutefois, l'action de l'Etat se trouve intimement liée au fonctionnement de la plupart d'entre elles que nous serons naturellement amenés à en caractériser incidemment la portée.

Les sociétés, dont les statuts ou les actes de concession sont reproduits à l'annexe A du traité, se divisent en plusieurs catégories suivant leur objet.

Les unes sont concessionnaires de chemins de fer; les autres sont des sociétés d'exploitation forestière ou agricole; les troisièmes sont concessionnaires de mines.

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