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Avec l'amour a pris naiffance,
Déefle, répands, dans mes vers
Ce tour, cette noble cadence,
Et cette molle négligence
(Dont tu fçais embellir tes airs.
Amant de la fimple nature,
Je fuis les traces de fes pas;
Sa main, auffi libre que fûre,
Néglige les loix du compas,
Et la plus légere parure
Eft un voile pour fes appas.
Quand la verrai-je fans emblême,
Sans fard, fans éclat emprunté
Conferver dans la pudeur même
Une piquante nudité,

Et joindre à la langueur que j'aime
Les fouris de la volupté!

Infpirez-moi, divins Pénates:

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Vous même guidez mes travaux,
Verfez fur ces rimes ingrates
Un feu vainqueur de mes rivaux;
Et que mes chants toujours nouveaux,
Mêlent la raifon des Socrates

Au badinage des Saphos;
Mais qu'une fageffe ftérile
N'occupe jamais mes, loifirs:
Que toujours, ma Mufe fertile
Imite, en variant fon style,
Le vol inconftant des Zéphirs;
Et qu'elle abandonne l'utile,
S'il eft féparé des plaifirs.
Favorable à ce beau délire,

Grand Rouffeau, vole à mon fecours:
Pour remplir ce qu'un Dieu m'infpire,
Réunis en ce jour la lyre

Et le luth badin des Amours.
Soutiens-moi, prête-moi tes aîles;
Guide mon vol audacieux

Jufqu'à ces voûtes éternelles,

Greffer.

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Greffet. Où l'aftre qui parcourt le Cieux,
Darde fes flammes immortelles

Sur les tenebres de ces lieux.
Je lis, j'admire tes ouvrages.
L'efprit de l'Etre créateur
Semble verfer fur tes images
Toute fa force et fa grandeur.
Mais ne crois pas que, vil flatteur,
Je deshonore mes fuffrages

En mendiant ceux de l'Auteur.
Vous les fçavez, Dieux domestiques,
Mon ftyle n'eft point infecté
Par le fiel amer des Critiques,
Ni par le nectar apprêté

De longs et froids Panégyriques.
Sous les yeux de la vérité
J'adreffe au Prince des Lyriques
Cet éloge que m'ont dicté

Le goût, Feftime et l'equité.

Rouffeau, conduit par Polymnie,
Fit paffer dans nos vers françois
Ces fons nombreux, cette harmonie
Qui donne la vie et la voix
Aux airs qu'enfante le génie:
Lui feul, avec févérité,

Sous les contraintes de la rime,
Fit naître l'ordre et la clarté;
Et par le concours unanime
D'une heureuse fecondité,
Unie aux travaux de la lime,
Sa Mufe, avec rapidité,
S'elevant jusques au fublime,
Vola vers l'immortalité.

Que la renommée et l'hiftoire

Gravent à jamais fur l'airain

Cet hymne digne de mémoire,

Ou Rouffeau, la flamme à la main,

Chaffe

Chaffe du temple de la gloire

Les deftructeurs du genre humain,
Et fous les yeux de la victoire
Ebranle leur trône incertain.

Tels font les accens de fa lyre.
Mais quel feu, quels nouveaux attraits,
Lorsque Bacchus et la Satyre
Dans un vin pétillant et frais
Trempent la pointe de fes traits!
En vain, de fa gloire ennemie,
La haine répand en tout lieu
Que fa Muse enfin avilie,
N'eft plus cette Muse chérie
De Duffé, la Fare et Chaulieu,
Malgré les arrêts de l'envie,
S'il revenoit dans fa patrie,
Il en feroit encor le Dieu.
Les travaux de notre jeune âge
Sont toujours les plus éclatans:
Les Graces qui font leur partage
Les fauvent des rides du tems.
Moins la rofe comte d'inftans.
Plus elle faffure l'hommage.
Des autres filles du printems.
Réponds-moi, célebre Voltaire
Qu'eft devenu ce coloris,
Ce nombre, ce beau caractere
Qui marquoient tes premiers écrits;
Quand ta plume vive et légere
Peignoit la joie, enfans de ris,
Le vin faillant dans la fougere
Les regards malins de Cypris,
Et tous les fecrets de Cythere?
Alors de l'heroïque épris,
Tu célébrois la violence
Des feize tyrans de Paris,

Et la généreuse clémence

Du plus vaillant de nos Henris
Alors la fublime éloquence

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Greffet.

Te

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t

Greffet. Te pénétroit de fes chaleurs;
Les graces et la véhémence
Se marioient dans tes couleurs;
Et par une heureuse inconftance
De ton efprit en abondance"
Sortoient des foudres et des fleurs.
Mais cette chaleur eclairée
Qui fe répandoit fur tes vers,
Par tes grands travaux moderée
Semble enfin f'être evaporée
Comme un nuage dans les airs.

Tandis que ma Mufe volage,
Par un aimable egarement,
S'arrête où le plaifir l'engage,
Et donne tout au sentiment.
L'ombre defcend, le jour l'efface:
Le char du foleil qui f'enfuit,
Se joue en vain fur la furface
De l'onde qui le reproduit.
L'heure impatiente le fuit,
Vole, le preffe, et dans fa place
Fait fuccéder l'obfcure nuit.
Que dans ma retraite éclairée
Par la préfence et le concours
De Dieux enfans de Cythérée
Les plaifirs exilés de cours,
Du vin de cette urne facrée
S'enivrent avec les Amours.
Que mon toit foit impénétrable
Aux craintes, aux remords vengeurs;
Et qu'un repos inalterable

Endorme les foucis rongeurs.

Sur ces demeures folitaires

Veillez, ô mes Dieux tutelaires,
Déja Morphée au teint vermeil,
Abbaifle fes aîles legeres,

D'où la molleffe et le fommeil
Vont defcendre fur mes paupieres,

Puiffé

Greffet.

Puiffé je, après deux nuits entieres,
Nêtre encor qu'au premier réveil,
Et voir dans tout fon appareil
L'Aurore entr'ouvrant les barrières
Du temple brillant du Soleil!

Vous, dont la main m'eft toujours chere
Vous, mes amis dès le berceau,
Si l'enfant qui porte un flambeau
Venoit m'annoncer que Glycere
Favorife un Amant nouveau,
Mes Dieux, déchirez fon bandeau,
Et répoulez le téméraire.

Mais, fi plus fenfible à mes voeux,
Il vous apprend que cette Belle,
Moins aimable encor que fidelle,
Brûle pour moi des mêmes feux;
Alors d'une offrande éternelle
Flattez cet enfant dangereux;
Et qu'une fleur toujours nouvelle
Orne à l'inftant fes beaux cheveux.

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