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COUR D'APPEL D'ANGERS.

La reconnaissance d'un enfant adulterin par ses père et mère, fuite long-temps avant la publication du Code civil, et sa legitimation par le mariage subséquent de ceuxci, quoique accompagnée d'une longue possession d'état de l'enfant ainsi reconnu et légitimé, sont-elles radicalement nulles et incapables de produire aucun effet? (Rés. aff.) C. civ., art. 331 et 535.

Dans cette hypothèse, doit-on considérer comme une libe. ralité exercée en faveur de cet enfant par personne interposée le legs de l'universalité de ses biens fait par le mari à sa femme ? (Rés. nég.) C. civ., art. 911.

LES HÉRITIERS CORDELET, C. SA VEUVE

La solution qu'a reçue la seconde question n'est que la juste conséquence de celle qui a été donnée à la première. Il est bien certain que, la nullité des actes qui constituaient l'état de l'enfant adultérin étant une fois admise, cet enfant, aux yeux de la loi, est étranger à ceux que ces actes lui donnaient pour parens; et dès lors est conséquent d'admettre, puisque la recherche de la paternité, ui celle de la maternité dans ce cas, ne sont point permises, que la femme légataire universelle des biens de son mari ne peut être réputée personne interposée à l'égard d'un enfant dont elle n'a pu s'a vouer légalement la mère, dont son mari n'a pu se reconnaître le père.

Mais la première question offre plus de difficulté; et il est des auteurs, dont le sentiment est d'un grand poids,qui pen sent qu'une reconnaissance volontaire faite par acte authentique suffit, quoique illégale, pour assurer l'état de l'enfant adulterin. Voyez ce qui est dit à cet égard par Loiseau, dans son Traite des Enfans naturels, pag. 737.

Anne Vigneau entra au service des époux Cordelet en 1797. Le 18 mars 1798, la dame Cordelet mourut sans enfaus. Le 19 juin suivant, Anne-Vigneau déclara au juge

-de paix des Ponts qu'elle était enceinte des oeuvres du sieur Cordelet. Celui-ci intervint pour reconnaître la vérité de cette déclaration, Elle accoucha, le 16 août, d'un enfant mâle, dont l'acte de naissance fut dressé à la réquisition du sieur Cordelet lui-même, qui le reconnut, le fit inscrire sous son nom dans les registres de l'état civil, et lui donna le prénom de René.

Le 29 juin 1800, le sieur Cordelet épousa Anne-Vigneau; les deux époux réitérèrent, dans l'acte de célébration de leur mariage, la reconnaissance par eux déjà faite de René pour leur enfant, et déclarèrent le légitimer.

Le 11 août 1811, le sieur Cordelet fit son testament, par lequel il institua Anne Vigneau son épouse sa légataire universelle.

En avril 1818, René Cordelet se maria, du consentement de ses père et mère, qui figurèrent en cette qualité dans l'acte de célébration et dans le contrat de son mariage. Ils lui firent donation de divers immeubles, à titre d'alimens y est-il dit.

Dans cet état de choses, et le 27 juillet 1823, le sieur Cordelet mourut. Ses héritiers collatéraux demandèrent la nullité de la donation contenue au contrat de mariage de René, comme étant faite à un enfant adultérin, et celle du testament du 11 août 1811, comme contenant une libéralité à son profit', par personne interposée.

Un premier jugement du tribunal de première instance d'Angers, en date du 4 octobre 1823, ordonna, par mesure conservatoire, le séquestre des biens de la succession de feu Cordelet, sans rien préjuger toutefois sur les droit et qualités des parties.

Par un second jugement, en date du 13 avril 1824, le tris banal, satuant sur le fond, accueillit la demande des héritiers, prononça la nullité de la donation et du testament, convertit les libéralités qui y étaient renfermées en une pen sion viagère et alimentaire de 350 fr. en faveur de Anne Vigneau et une semblable pension en faveur de Reue; et

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fit défense à celui-ci de prendre à l'avenir le nom de Cordelet, auquel il substituerait celui de Vigneau, qui serait substitué aussi à celui de Cordelet dans tous les actes où il pouvait lui avoir été donné, etc. Les motifs de cette décision furent que le sieur Cordelet s'était avoué le père de René et l'avait légitimé, au mépris des art. 351 et 335 du Code civil, qui prohibent la reconnaissance et la légitimation par mariage subséquent des enfans adultérins ; qu'il était prouvé par la naissance de René, arrivée cent cinquante-deux jours seulement après la dissolution du premier mariage de son père, qu'il était le fruit de l'adultère commis par ce dernier avec Anne Vigneau, pendant qu'ellé était à son service et pendant que la dame Cordelet vivait encore; et que tous les doutes à cet égard, s'il pouvait en exister, seraient levés par Ja déclaration de grossesse faite par ladite Anne Vigneau, qui la fait remonter, ainsi que ces liaisons avec le sieur Cor-delet, à une époque où celui-ci se trouvait encore engagé dans les liens du mariage; que le vice de la naissance de René était donc non moins certain que l'aveu de la paternité. fait par Cordelet, et celui de la maternité émané de Anme Vigneau; et que, si l'on est forcé de réconnaître qu'il est leur fils, l'on doit reconnaître aussi qu'il est enfant adultérin, et, comme tel, incapable d'être reconnn, incapable d'être légitimé; -- Que, son état étant ainsi fixé d'une manière non équivoque, il n'a droit sur les biens de son père qu'à des alimens, dans une juste proportion avec les forces de sa, succession, aux termes des art. 762 et 763 du Code civil, en prenant d'ailleurs en considératiou la qualité des hériters, qui ne sont que des collatéraux ; —— Que, si René ne put rien recevoir directement de son père, il ne put non plus recevoir de lui des libéralités indirectes, et par personne interposée ; qu'on devait regarder comme tel le legs universel fait par Cordelet à Anne Vigneau, aux termes de l'art. gr du Code civil, qui prononce la' nullité de pareilles dispositions; Qu'il y avait done lieu d'annuler non seulement la donation faite directement à René, mais encore le legs uni

versel contenu au testament du sieur Cordelet; Que néanmoins la qualité de Anne Vigneau, lá volonté qu'ondevait supporter au défunt de ne pas laisser sa veuve exposée aux atteintes du besoin, ne permettaient pas de priver entiè rement celle-ci des effets des libéralités de son mari; mais qu'il convenait de les réduire à ce qui lui était rigoureuseneut nécessaire pour fournir à sa subsistance pendant la durée de sa vie; Que, les noms étant la propriété des familles, et un enfant adultérin ne pouvant être considéré comme appartenant à la famille de son père, il y avait lieu d'interdire à René de porter celui de Cordelét, et qu'il devait à l'avenir, pour se conformer à l'usage généralemeut reçu, preudre, celui de sa mère.

Aucune des parties n'a été satisfaite de cette décision; chacune d'elles en a appelé dans tou intérêt particulier; et, sur leurs appels respectifs, il est intervenu, le 8 décembre 1824', on ARRÊT de la Cour d'appel d'Augers, MM. Plancheneau, Lepage, Meuriceau et Deleurie avocats, par lequel;

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LA COUR, Considérant que, conformément à l'art. de la loi du 12 brumaire an 2, à l'art. 1 de la loi transitoire du 14 floréal an 11, et attendu que les époux Cordelet out survécu à la publication du Code civil, c'est d'après ses dispositions que doivent se régler l'état, et les droits 'dont il s'agit; que, les reconnaissances du père et de la mère étant ce qui constitue cet état, et celles relatives à René se trouvant fixées par les actes et les faits d'une manière constante eutre les parties, la question de droit se réduit à savoir quel doit être l'effet desdites reconnaissances

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« Considérant que c'est par opposition à son art. 334, lequel permet de faire, par acte authentique, la recounaissance d'un enfant naturel, quand elle n'aura pas été faite en son acte de naissance, que le Code civil dispose, art. 335, que cette reconnaissance ne pourra avoir lieu pour les enfans adultérius; que vainement, contre des termes aussi prohibi 'tifs, on oppose que, daus l'espèce présente, il y'a eu côn cours de volontés des père et mère, vérité et sincérité dans

lès faits que les actes avaient lors pouvoir d'attester; que, depuis, il y a eu possession d'état constante, notoire, et que des tiers se sont mariés sous la foi de ces titres; qu'il est constant, d'après le texte de la loi comme d'après son esprit, développé dans les discours des orateurs du Gouvernement et les procès-verbaux du conseil d'Etat, qu'en proscrivant toutes les reconnaissances volontaires de filiation adultérine, qui ne sont en réalité que des recherches de paternité, également interdites par l'art. 340, on a voulu empêcher, par respect pour la morale publique, la révélation du crime et de la débauche et les débats scandaleux qu'elle traîné à sa suite; Que, d'après le dernier état de la jurisprudence, la loi ne doit se relâcher de son inflexibilité que dans ces cas extraordinaires où la preuve de l'adultérinité est acquise à la justice par la force des choses et des jugemens; - Que c'est à ces exceptions d'évidence irrésistible que s'applique exclusivement l'art. 762: - D'où suit que les reconnaissances des époux Cordelet, étant volontaires, sont nulles; qu'elles communiquent nécessairement aux actes qui les ont suivies et accompagnées le principe de leur nullité, et que les uns et les autres sont sans effet pour constater légalement l'adultérinité dont il s'agit; qu'il en résulte dès lors cette conséquence, que, le nom étant une propriété que nul ne doit usurper, René ne peut exister civilement ni paraître dans aucuns actes avec celui de Cordelet ;

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« Considérant que les sieur et dame Lemerle, autorisés par l'art. 359, et par les droits successifs, qui, pour être éven tuels, n'en sont pas moins légitimes, à débattre la question. relative à l'état de René, ont également qualité pour débáttre tous les actes qui s'y rapportent; Qu'à tort la veuve Cordelet prétend exciper de son titre de légataire universelle contre l'action dirigée par lesdits, Lemerle contre la donation faite à René, par l'acte du 28 avril 1818, puisque ce titre, de légataire n'a pas été sanctionné par la justice, et. qu'au contraire il est attaqué;

« Considérant, relativement à ladite donation, que, par

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