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Etats-Unis à Paris, a été prié par le ministre des Affaires étrangères de la République française de demander à son Gouvernement s'il serait disposé à se joindre dans une médiation avec les puissances européennes en vue du rétablissement de la paix entre l'Allemagne du Nord et la France. La demande avait été transmise par le télégraphe et M. Fish m'informa que, conformément aux ordres du président, il avait chargé, par télégramme, M. Washburne de répondre qu'il était contraire à la politique des Etats-Unis d'intervenir dans les affaires de l'Europe et que le Gouvernement des Etats-Unis se trouvait en conséquence empêché d'offrir sa médiation conjointement avec les puissances européennes. M. Fish ajouta, pour ma gouverne, que dans le présent cas, il était d'autant plus impossible pour les Etats-Unis d'intervenir, qu'il s'agissait d'une affaire de dynastie qui avait été l'origine de la guerre et dans laquelle les Etats-Unis ne pouvaient prendre aucune part. M. Washburne a été chargé, en outre, de dire que si la France et l'Allemagne du Nord venaient à réclamer toutes deux les bons offices des Etats-Unis ou même leur simple médiation pour rétablir la paix, son Gouvernement croirait de son devoir, pour l'amour de l'humanité, d'accepter cette tâche.

Sur mon observation qu'aucun arrangement durable ne pouvait être difficilement faisable sans consulter les intérêts des autres puissances européennes, M. Fish m'a assuré que son Gouvernement n'aurait pas la moindre objection à en conférer avec les autres gouvernements de l'Europe; en vérité, il serait absurde de tenter d'établir une paix durable sans écouter l'expression de leurs vues, mais que ce que les Etats-Unis seraient obligés de décliner serait une médiation officielle commune avec les puissances de l'Europe.

M. Fish m'exprima son grand regret de ce que M. Jules Favre avait engagé son Gouvernement, dans sa première déclaration, à un point de rendre la paix presque impossible; il était d'avis que l'Allemagne du Nord a le droit de demander des garanties pour le maintien futur de la paix, qui avait été troublée dans la circonstance actuelle sous un prétexte sans fondement, et que, malgré que le Gouvernement des Etats-Unis soit tout prêt à s'efforcer de modérer les demandes de l'Allemagne, on pouvait difficilement s'attendre à ce que cette dernière ne se contente que d'une forte indemnité pécuniaire et de la démolition de certaines forteresses, dans le cas où elle pourrait être amenée par les représentations amicales des autres puissances à s'abstenir de demander une acquisition de territoire ; si néanmoins l'influence des Etats-Unis pouvait être de quelque poids, elle serait exercée dans le sens de conseiller à l'Allemagne la modération dans ses demandes. J'ai etc. Signé THORNTON.

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No 472.

L'IMPERATRICE EUGÉNIE A L'EMPEREUR ALEXANDRE DE RUSSIE.

Hastings, le 13 septembre 1870.

Sire, éloignée de ma patrie, j'écris aujourd'hui à Votre Majesté. Il y a quelques jours à peine, quand les destinées de la France étaient encore entre les mains du pouvoir constitué par l'Empereur, si j'avais fait la même démarche, j'aurais paru peut-être, aux yeux de Votre Majesté et à ceux de la France, douter des forces vives de mon pays. Les derniers événements me rendent ma liberté et je puis m'adresser au cœur de Votre Majesté.

Si j'ai bien compris les rapports adressés par notre ambassadeur, le général Fleury, Votre Majesté écartait à priori l'idée du démembrement de la France. Le sort nous a été contraire. L'Empereur est prisonnier et calomnié. Un autre gouvernement a entrepris la tâche que nous regardions comme notre devoir de remplir. Je viens supplier Votre Majesté d'user de son influence afin qu'une paix honorable et durable puisse se conclure, quand le moment sera venu. Que la France, quelque soit son gouvernement, trouve chez Votre Majesté les mêmes sentiments qu'elle nous avait témoignés dans ces dures épreuves.

Dans la situation où je me trouve, tout peut-être mal interprété. Je prie donc Votre Majesté de tenir secrète cette démarche, que son généreux esprit comprendra et que m'inspire le souvenir de son séjour à Paris.

N° 473.

Signé : EUGENIE.

PROCLAMATION DE M. CRÉMIEUX A LA FRANCE.

Tours, le 13 septembre 1870.

Français,

L'ennemi marche sur Paris. Le Gouvernement de la Défense nationale, livré dans ce moment suprême aux travaux et aux préoccupations que lui impose la capitale à sauver, n'a pas voulu, dans l'isolement où il va se trouver momentanément, que sa légitime influence

manquât à nos patriotiques populations des départements. Pendant qu'il dirige sa grande œuvre, il a remis tous ses pouvoirs au garde des sceaux, ministre de la Justice, le chargeant de veiller au gouvernement du pays que l'ennemi n'a pas foulé. Entouré des délégations de tous les ministères, c'est aux sentiments de notre peuple de France que j'adresse ces premières paroles.

Chacun de vous tient dans ses mains les destinées de la patrie. L'union, la concorde entre tous les citoyens, voilà le premier point d'appui contre l'ennemi commun, contre l'étranger. Que la Prusse comprenne que si, devant les remparts de notre grande capitale, elle trouve la plus énergique, la plus unanime résistance, sur tous les points de notre territoire elle trouvera ce rempart inexpugnable qu'élève contre l'invasion étrangère l'amour sacré de la patrie.

Placé dans un département qui m'a témoigné, dans les plus graves circonstances, les plus vives sympathies, je sais que la Touraine est pleine de courage et de dévouement à la République. J'appelle tous les départements libres à nous soutenir de leur patriotique appui. Souvenons-nous que nous étions, il y a deux mois à peine, le premier peuple du monde : si le plus odieux et le plus inepte des gouvernements a fourni à l'ennemi les moyens d'envahir notre territoire, malgré les prodiges d'héroïsme de nos armées qu'il était impuissant à conduire, souvenons-nous de 92, et, dignes fils des soldats de la Révolution, renouvelons, avec leur courage qu'ils nous ont transmis, leurs magnifiques victoires; comme eux, refoulons l'ennemi et chassons-le du sol de notre République.

Le garde des sceaux, ministre de la Justice et représentant du Gouvernement de la Défense nationale.

Signe: AD. CREMIEUX.

No 474.

M. THIERS A M. JULES FAVRE.

Londres, le 13 septembre 1870.

Mon cher ancien collègue, je suis parti hier au soir, comme je vous l'avais promis, et j'ai été le dernier, je crois, à me servir du chemin de fer du Nord, car l'officier du génie chargé d'intercepter les com

munications m'a déclaré qu'il avait attendu mon passage pour faire sauter le pont de Creil.

Je suis arrivé à sept heures du matin à Londres, et n'ayant trouvé de place nulle part, tant les étrangers, surtout Français, abondent ici, j'ai été obligé de me loger à l'hôtel de l'ambassade où, par les soins de M. Tissot, on m'a disposé une sorte de campement. J'ai eu l'occasion de reconnaître, en recevant diverses personnes ce matin, que l'opinion publique s'améliorait, et même, ce qui m'a un peu rassuré sur l'utilité de ma mission, très-douteuse à mes yeux, que l'annonce de ma venue avait donné aux esprits un certain coup de fouet. Tant mieux, a-t-on dit, les ministres seront obligés de s'expliquer. Le Times lui-même a tenu un meilleur langage. M. Tissot s'étant mis à ma disposition avec beaucoup d'empressement, je me suis servi de lui pour faire part au Cabinet anglais de mon arrivée à Londres. A midi précis, lord Granville était chez moi, voulant m'épargner la peine de me rendre au Foreign-Office. La conversation a été longue et pressante de ma part, mais toujours très-amicale. Il me serait impossible de la suivre dans ses redites inévitables. En voici le résumé aussi exact que possible :

J'ai d'abord mis du soin à prouver, par un récit véridique des événements qui avaient amené la guerre, que cette guerre la France ne l'avait pas voulue, que la Chambre elle-même ne l'avait pas voulue davantage et n'avait cédé qu'à la pression du pouvoir, toujours irrésistible auprès d'elle, et que le dernier jour notamment, c'est-àdire le 15 juillet, elle ne s'était laissé entraîner que par le mensonge fort coupable d'un prétendu outrage fait à la France.

Mon récit a paru dissiper plus d'une erreur dans l'esprit de lord Granville, qui semblait croire, d'après ce que lui avaient dit les agents de l'empire, qu'au fond la France avait voulu la guerre, et que la dynastie n'avait fait qu'en prendre l'initiative. Je crois l'avoir convaincu sur ce point. A cette occasion, nous avons touché à un sujet qui nous préoccupait quelque peu en quittant Paris c'est à une intrigue des Bonapartes, tendant à rétablir l'empire sur la tête du prince impérial avec la régence de l'Impératrice. Lord Granville a traité cette vision de chimère impossible à réaliser et ne méritant l'attention de personne. Des renseignements que j'ai pris ailleurs me prouvent qu'il n'y a là rien de sérieux, que les personnages de l'empire réfugiés ici n'y croient pas eux-mêmes et n'en font pas l'objet de leurs démarches. Ils sont, pour le moment, terrifiés et inactifs. L'intrigue bonapartiste, si elle existe, aurait plus de réalité au camp prussien. Lord Granville m'a dit que la cour de Prusse, ne voulant pas ou ne paraissant pas vouloir traiter, se servirait peut-être de ce prétexte,

alléguant que le Gouvernement impérial avait seul à ses yeux un caractère régulier, que le Gouvernement nouveau était né d'un mouvement populaire, qu'il n'avait aucune existence légale, et qu'on était exposé, en traitant avec lui, à ne traiter avec personne.

Cette objection, que lord Granville ne présentait pas pour son compte, m'a fourni l'occasion de dire que la Chambre aurait pu se saisir du pouvoir si elle avait eu de la décision; mais qu'à force d'hésiter elle avait laissé la place à un mouvement populaire, que de ce mouvement était né le Gouvernement actuel; qu'il était oiseux et dangereux de disputer sur son origine, et qu'il fallait regarder à ses actes, qui étaient excellents. (Lord Granville a plusieurs fois confirmé mon assertion par un mouvement de tête.) J'ai ajouté que la République était en ce moment le Gouvernement de tout le monde; que, ne désespérant aucun parti, parce qu'elle ne réalisait définitivement le vœu d'aucun, elle convenait maintenant à tous; que les gens raisonnables étaient unanimes pour la soutenir parce que, au mérite de ne pas froisser les partis, elle ajoutait celui d'être en ce moment le vrai Gouvernement de la Défense nationale, car tous les partis pouvaient concourir à la défense commune, sans avoir le chagrin de se dire qu'ils travaillaient pour un adversaire; qu'enfin elle était aux mains d'honnêtes gens, très-bien intentionnés, ayant jusqu'ici fait tous leurs efforts pour maintenir l'ordre; que quant à moi, du reste, je le pensais ainsi, puisque j'étais en ce moment à Londres, et prêt à me rendre ailleurs pour persuader à toutes les cours qu'aider le Gouvernement actuel de la France était pour la France et pour l'Europe ce qu'il y avait de plus sage à faire.

Lord Granville a parfaitement accueilli tout ce que je lui ait dit à ce sujet, et s'il s'y est arrêté lui-même, c'est comme à une objection, non pas de l'Angleterre, mais de la Prusse cherchant des prétextes pour ne pas traiter. Il m'a même demandé pourquoi on n'avait pas convoqué à plus bref délai la prochaine Constituante. J'ai répondu par l'impossibilité naissant des circonstances présentes, et, du reste, il a paru encore ici s'attacher à me prouver qu'il ne parlait pas pour lui-même, mais pour la Prusse, dont nous avons à conjurer la mauvaise volonté.

Enfin nous sommes arrivés aux circonstances actuelles, et j'ai demandé ce que voulait faire l'Angleterre; je l'ai demandé d'une manière pressante, en rappelant notre alliance de quarante ans, notre confraternité d'armes en Crimée et la loyauté de notre conduite pendant la guerre de l'Inde. J'ai demandé si elle nous refusait tout appui dans un moment où la folie du Gouvernement nous avait

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