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une apparition à Berlin, venant directement de Vienne; il y aurait été déterminé, après avoir obtenu l'assentiment du cabinet de Madrid, par le désir, a-t-il dit, d'offrir ses hommages à Sa Majesté, et témoigner ainsi de sa gratitude pour la bienveillance dont il avait été l'objet durant la mission qu'il avait remplie en Prusse. Pendant les cinq jours qu'il a passés à Berlin, il a vu cependant deux fois M. de Bismarck, et on en a conclu que son voyage avait peut-être un but politique. Je n'ai recueilli aucune information m'autorisant à croire que cette conjecture puisse avoir quelque fondement, et je ne suppose pas que M. Rancès ait été chargé de négocier un accord quelconque avec le cabinet de Berlin. Votre Excellence sait toutefois qu'on a cité le prince héréditaire de Hohenzollern parmi les membres des familles souveraines qui pourraient être élevés sur le trône d'Espagne. Ce prince est catholique, et il a épousé une princesse de la maison de Bragance, sœur du roi de Portugal. En présence des difficultés que soulève à Madrid le choix du nouveau souverain, aurait-on de nouveau songé au prince de Hohenzollern, et M. Rancès a-t-il reçu l'ordre de venir en conférer avec M. de Bismarck, ou bien cette pensée aurait-elle été conçue à Berlin même ou à Dusseldorf, et en auraiton instruit M. Kancès, qui se serait décidé à entreprendre son voyage après avoir pris les ordres de son gouvernement? Je l'ignore entièrement; mais il m'a paru convenable cependant de ne pas vous laisser ignorer ces suppositions, qui vous aideront à contrôler tout autre renseignement à ce sujet.

M. Rancès est parti hier retournant directement à son poste. J'ajouterai que, depuis le départ de M. Tenorio, qui a été révoqué, l'Espagne n'a plus été représentée à Berlin. Il a été nommé successivement plusieurs ministres, qui ont reçu depuis d'autres destinations, et celui qui a été désigné en dernier lieu n'est pas encore arrivé. Veuillez, etc.

N° 2.

Signé: BENEDEtti.

LE COMTE BENEDETTI AU MARQUIS DE LA VALETTE.

Berlin, le 31 mars 1869.

Monsieur le Ministre, votre Excellence m'a invité hier par le télégraphe à m'assurer si la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne avait un caractère sérieux.

J'ai eu ce matin l'occasion de rencontrer M. de Thile, et j'ai cru pouvoir lui demander si je devais attacher quelque importance aux bruits qui avaient circulé à ce sujet. J'ai pensé qu'il était utile de ne pas lui cacher que je mettais du prix à être exactement informé, en lui faisant remarquer qu'une pareille éventualité intéressait trop directement, à mon sens, le gouvernement de l'Empereur pour qu'il ne fût pas de mon devoir de la lui signaler, dans le cas où il existerait des raisons de croire qu'elle peut se réaliser. J'ai dit encore à mon interlocuteur que mon intention était s'il n'y voyait pas d'inconvénient, de vous faire part de notre entretien.

M. de Thile m'a donné l'assurance la plus formelle qu'il n'a, à aucun moment, eu connaissance d'une indication quelconque, pouvant autoriser une semblable conjecture, et que le ministre d'Espagne à Vienne, pendant le séjour qu'il a fait à Berlin, n'y aurait pas même fait allusion. Le sous-secrétaire d'Etat, en s'exprimant ainsi, et sans que rien dans ce que je disais fût de nature à provoquer une pareille manifestation, a cru devoir engager sa parole d'honneur. Suivant lui, M. Rancès se serait borné à entretenir M. de Bismarck, qui tenait peut-être à profiter du passage de ce diplomate pour se renseigner sur l'état des choses en Espagne en ce qui concerne le choix du futur souverain. Les Cortès aurait-il dit, éliront le roi Ferdinand, qui déclinera la couronne; la majorité se partagera ensuite entre le duc de Montpensier et le duc d'Aoste, mais elle se prononcera vraisemblablement pour le premier de ces deux princes, qui acceptera la résolution de l'Assemblée.

Voilà en substance ce que M. de Thile m'a appris en revenant à plusieurs reprises sur sa première déclaration, qu'il n'avait été et qu'il ne saurait être question du prince de Hohenzollern pour la couronne d'Espagne. Sans révoquer en doute la loyauté du soussecrétaire d'Etat, je me permettrai d'ajouter qu'il n'est pas toujours initié aux vues personnelles de M. de Bismarck. En vous faisant part des bruits qu'avait provoqués à Berlin la présence de M. Rancès, j'avais soin d'ailleurs de vous faire remarquer que je n'avais aucune raison sérieuse pour croire à leur exactitude, et je ne vous en rendais compte que pour le cas où ces indications pourraient vous servir à corroborer d'autres renseignements.

Veuillez, etc.

Signé: BENEDETTI.

N° 3.

LE COMTE BENEDETTI AU MARQUIS DE LA VALETTE.

Berlin, le 11 mai 1869.

Monsieur le Ministre, en revoyant M. de Bismarck après mon retour de Paris, j'ai pu, sans difficulté, amener l'entretien sur l'état actuel des choses en Espagne, et j'en ai pris prétexte pour l'interroger sur les bruits qui désignent le prince Léopold de Hohenzollern comme l'un des candidats à la couronne.

Le président du conseil n'a pas cherché à décliner la conversation sur ce sujet; il m'a représenté que la souveraineté qui pourrait être offerte au prince Léopold ne saurait avoir qu'une durée éphémère, et qu'elle l'exposerait à plus de dangers encore que de mécomptes. Dans cette conviction, le Roi s'abstiendrait certainement, m'a-t-il dit, de lui donner, le cas échéant, le conseil d'acquiescer au vote des Cortès. Le père du prince partage cet avis, a ajouté M. de Bismarck, et il a pu se persuader, par la nécessité où il s'est trouvé d'aller au secours du prince Charles depuis qu'il gouverne la Roumanie, combien la puissance souveraine est onéreuse pour sa fortune personnelle, et il n'est nullement disposé à la compromettre pour aider son fils aîné à monter sur le trône d'Espagne. Sans me dissimuler qu'il avait eu l'occasion de conférer à ce sujet avec le Roi et avec le prince Antoine, M. de Bismarck s'est renfermé dans les observations que je viens de vous indiquer en substance. En prêtant foi à la sincérité de ses paroles, il faudrait absolument en conclure qu'il n'a été fait aucune proposition au prince Léopold, ou que du moins il ne l'a pas favorablement accueillie. Si je m'en rapportais au contraire à l'expérience que j'ai acquise du sens qu'il convient d'attacher à son langage, j'inclinerais à croire qu'il ne m'a pas exprimé sa pensée tout entière. Je lui ai fait remarquer que le prince Léopold ne pouvait déférer au vœu des Cortès, dans le cas où elles l'acclameraient, sans l'assentiment du Roi, et que S. M. aurait donc à dicter au prince la résolution qu'il devait prendre en pareille circonstance. M. deBismarck l'a reconnu ; mais au lieu de m'assurer que le Roi était irrévocablement décidé à lui recommander l'abstention, il est revenu sur les périls dont serait entouré, dès son avénement, le nouveau souverain de l'Espagne. Il a continué en émettant l'avis qu'il ne sera, au surplus, procédé à l'élection d'aucun prince, que les vues ambitieuses et personnelles des hommes qui se sont emparés du

pouvoir y mettraient un obstacle plus sérieux qu'on ne le suppose généralement et a cité le nom du maréchal Prim. Voulant le déterminer à en préciser exactement la portée, j'ai répliqué que j'aurais soin de vous faire part de ses appréciations, et j'ai représenté que si le gouvernement de l'Empereur observant avec une entière circonspection les événements dont l'Espagne était le théâtre, il avait cependant un intérêt de premier ordre à en suivre le développement. M. de Bismarck a repris, en y revenant, les explications qu'il m'avait déjà données, sans rien y ajouter. Il m'a appris toutefois que le prince Frédéric-Charles aurait été disposé à courir une aventure en Espagne, c'est en ces termes qu'il s'est exprimé, mais qu'il s'élevait devant lui une difficulté insurmontable, celle de la religion, qui ne pourrait être vaincue aux yeux du peuple espagnol, même au moyen d'une conversion. «S'il s'est toujours montré officier vaillant et distingué, a-t-il ajouté, ce prince, d'ailleurs, n'avait jamais fait preuve d'aptitude politique, et ne serait pas en état de se conduire au milieu des complications qui surviendront en Espagne. » Ne voulant pas sortir de la réserve qu'il s'était évidemment imposée, le président du conseil n'a pas consenti à me dire si la candidature du prince Frédéric-Charles a été sérieusement posée et dans quelles circonstances elle aurait été débattue et abandonnée.

Que faut-il penser de l'attitude gardée par M. de Bismarck durant notre entretien, et du langage si mesuré et si peu conforme à ses habitudes qu'il n'a cessé de tenir? Considère-t-il que le prince Léopold peut être élu par les Cortès, et a-t-il pris soin de s'exprimer de manière à ne pas engager absolument la liberté de résolution du Roi dans une semblable éventualité? ou bien s'est-il proposé uniquement de nous laisser soupçonner qu'il lui serait aisé, au besoin, de faire acclamer en Espagne un membre de la maison de Hohenzollern? Si j'en juge par mes impressions personnelles, ces deux conjectures sont également vraisemblables. Il m'a paru tenir, en effet, à me persuader que les bruits dont nous nous entretenions n'avaient aucun fondement; mais il s'est abstenu soigneusement de me donner l'assurance formelle que le Roi ne permettra, dans aucun cas, au prince Léopold d'accepter la couronne qui lui était offerte. Si Votre Excellence veut bien se faire représenter la dépêche que je vous ai adressée sous le n° 71, elle y verra que le sous-secrétaire d'Etat n'avait pas hésité au contraire à me faire une déclaration absolue dans ce sens, et que je pressentais dès ce moment que M. de Thile, qui croyait pouvoir engager sa parole d'honneur, n'était peut-être pas exactement renseigné sur les véritables vues du Roi et du comte de Bismarck. Quoi qu'il en soit, je ne saurais, comme vous le voyez, accorder aux explications que m'a données le président du conseil une entière confiance, et si je

n'avais craint d'excéder la mesure qu'il peut convenir au gouvernement de l'Empereur de garder dans une affaire si délicate, j'aurais mis, sans manquer à aucun de mes devoirs, M. de Bismarck en demeure de s'énoncer plus clairement; mais j'ai pensé que je devais attendre vos ordres avant de me montrer plus pressant et d'insister davantage pour être fixé sur les résolutions éventuelles qui pourraient être prises à Berlin.

Votre Excellence m'a fait hier l'honneur de me demander par le télégraphe si le prince Léopold s'est rendu dans ces derniers temps auprès du roi Ferdinand de Portugal. Comme je vous l'ai appris par la même voie, ce prince a résidé à Berlin jusqu'à la fin de mars, et le séjour prolongé qu'il a fait ici cet hiver autorisait assurément les conjectures que j'ai formées dans la première dépêche, que j'ai adressée au département à son sujet.

En quitant la cour de Prusse, il est retourné à Dusseldorff, où il réside habituellement, et avant la fin d'avril il est parti pour Bucharest, où il est allé rendre visite à son frère, et où il se trouvait encore il y a peu de jours. Ce ne serait donc que vers le milieu du mois dernier qu'il aurait pu entrepreprendre une rapide excursion jusqu'à Lisbonne; mais je n'ai pu recueillir aucun indice me permettant de vous éclairer à cet égard.

Veuillez, etc.

Signé BENEDEetti.

N° 4.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Berlin, le 30 juin 1870.

Monsieur le Ministre, M. Le Sourd vous a rendu compte, durant mon absence, de tout ce qui se dit à Berlin sur la récente entrevue du roi de Prusse et de l'empereur de Russie, et je n'ai rien à y ajouter. Si je devais vous faire part de mes impressions personnelles, je dirais cependant qu'il suffit de se rappeler dans quelles vues le cabinet de Berlin s'est constamment employé à resserrer les relations intimes qu'il entretient avec celui de Saint-Péterbourg pour se former une idée du but que le Roi s'est proposé en se rendant à Ems accompagné du chancelier, et des entretiens qu'ils ont eus avec l'empereur Alexandre. En parfait accord, à cet égard, avec son souverain, M. de

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