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des journées de 3 à 5 sous; de 1580 à 1606, on les trouve payés, sauf exception, 10 à 12 sous. La monnaie ayant été affaiblie, ils touchaient en réalité un poids d'argent égal à 60 centimes dans la première période et à 78 dans la seconde, soit une augmentation en métal fin de 30 p. 0/0. Or, les marchandises avaient augmenté de prix dans une proportion beaucoup plus forte, et avec son salaire journalier le manœuvre, qui achetait (moyenne approximative) 14.6 litres de blé dans la période 1501-1525, n'en achetait plus que 3.90 dans la période 1576-1600; au lieu 4 kil. 3 de viande de bœuf, il n'en achetait plus que 1 kil. 8. Il y avait donc diminution du salaire réel quant aux vivres et probablement quant aux autres marchandises de consommation ordinaire.

« Le bien-être de la classe ouvrière s'amoindrit alors, dans le temps. même où l'activité industrielle et la richesse mobilière se développaient, contraste bizarre au premier abord, mais qu'on a observé plusieurs fois dans des cas semblables et qui peut être considéré presque comme une loi économique : une hausse constante et prolongée du prix des choses due à un avilissement de la monnaie est préjudiciable aux salaires. »

Le salaire réel de l'ouvrier paraît être resté à un niveau inférieur à celui de la fin du xve siècle pendant tout le XVII et au commencement du xvII siècle. Cependant Vauban ne le fixait-il pas un peu trop bas quand il écrivait : « Quoique la plupart des artisans dans les villes, comme Paris, Lyon, Rouen, gagnent d'ordinaire plus de 12 sous, tels que sont les drapiers, tondeurs, etc., qui gagnent depuis 15 jusqu'à 30 sous, cependant il y en a qui ne gagnent pas 12 sous ». On trouve à cette époque, en province, des salaires de maçon et de menuisier équivalant en poids à 1 fr. 80 et 2 francs de notre monnaie actuelle.

Le salaire s'est relevé quelque peu dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et, quoique le prix du blé eût alors augmenté, celui du manœuvre au commencement du règne de Louis XVI équivalait à une plus grande quantité de blé qu'à la fin du règne de Louis XIV 2. « Les salaires des ouvriers sont trop faibles, écrivait Trudaine. Si

1. Histoire des classes ouvrières et de l'industrie en France avant 1789, t. II, p. 971 (résumé).

2. 4.50 litres, moyenne de 1701-1725; 6.10 litres, moyenne de 1751-1775.

c'est un avantage pour les entrepreneurs, c'est un grand désavantage pour l'État.

»

M. le vicomte d'Avenel attribue comme moyenne aux manœuvres et aux ouvriers agricoles un salaire égal à 0 fr. 35 de notre monnaie dans la première moitié du règne de Louis XV et à 0 fr. 45 sous le règne de Louis XVI; il attribue aux peintres et couvreurs, métiers bien rémunérés, un salaire égal à 1 fr. 04 au commencement du règne de Louis XV et à 1 fr. 25 sous Louis XVI. En Picardie, vers le milieu du XVIIIe siècle, un drapier, un bourrelier, un fouleur gagnaient 20 à 30 sous; dans la manufacture des van Robais ouvriers et ouvrières travaillant à la tâche se faisaient en moyenne 14 à 35 sous par jour.

En 1790 Arthur Young estimait que le salaire moyen des hommes était de 19 sous à la campagne et de 26 sous à la ville. Sous le Consulat, le préfet du Pas-de-Calais indiquait 0 fr. 74 comme prix de la journée du manoeuvre à la campagne en 1789 et 0 fr. 90 comme prix à la ville; celui du Nord donnait, 1 fr. 05 comme étant en 1789 le salaire du fileur; un statisticien expérimenté, Peuchet, écrivait qu'« avant la Révolution le prix moyen de la journée de travail d'un ouvrier des arts et métiers pouvait être de 20 sous ». Arthur Young évalue à 20 p. 0/0 au moins pour la France entière et même à 50 p. 0/0 pour l'Ile-de-France la hausse des salaires dans le dernier tiers du XVIII siècle (jusqu'en 1790).

Insistons un peu sur le taux à la veille de la Révolution c'est la fin d'une grande période de l'histoire économique de la France. D'après les renseignements fournis par les enquêtes de 1793 et de l'an III, M. Biollay a évalué à 20 sous le salaire moyen des mancuvres en 1790'; nourris, les manoeuvres recevaient 14 à 8 sous, et même moins. Le salaire des ouvriers de métier variait d'ordinaire entre 30 et 40 sous, quelquefois moins, quelquefois plus 2. Les ouvriers du bâtiment étaient parmi les mieux partagés. A Paris le taux ordinaire était de 2 francs à 2 fr. 50 pour les maçons; il s'éle

1. M. Biollay indique 1 livre 3 sous 4 deniers pour les manœuvres dans les villes, 1 livre 6 deniers dans les campagnes; dans 42 départements (sur un total de 48) le taux ordinaire était entre 12 et 20 sous; dans 6 départements il dépassait 30 sous.

2. L'abbé Fauchet estimait alors à 20 sous (dont 12 sous pour la nourriture) la dépense minima d'un homme; le Comité de mendicité (1790) évaluait à 435 francs au moins la dépense annuelle d'une famille de cinq personnes.

vait pour quelques ouvriers d'élite dans les industries artistiques à 6 et même à 10 francs. Les femmes à Paris gagnaient 15 à 24 sous, quelques-unes jusqu'à 2 francs.

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VARIATIONS DU SALAIRE (SALAIRE NOMINAL) EN FRANCE
AUX XIX ET XX SIÈCLES.

Dans ce chapitre il ne sera question que du salaire nominal, c'està-dire de la somme que reçoit en monnaie ou en nature le salarié pour prix de son travail. Nous aborderons la question du salaire. réel dans un autre chapitre.

Pour les siècles passés nous n'avons trouvé en général que des indices clairsemés sur les salaires. Les moyennes qu'on peut essayer d'en tirer ne sont en réalité que des évaluations quelque peu hypothétiques; elles ont néanmoins un intérêt historique et économique. Pour les xix et xx siècles la statistique est mieux armée. Elle ne l'est cependant pas assez pour que la plupart des moyennes de salaires ne soient pas aussi de simples évaluations; mais ce sont des évaluations fondées sur un beaucoup plus grand nombre d'observations que celles des siècles antérieurs. Il y a même eu plusieurs enquêtes qui ont rassemblé un vaste ensemble de faits.

La diversité de taux des salaires suivant le genre d'occupation et suivant la capacité des individus dans l'atelier, suivant les professions, suivant les localités est telle qu'on ne saurait généraliser en cette matière que par approximation.

Relativement à la nature des occupations il y a une distinction à faire tout d'abord, celle du salaire agricole et du salaire industriel.

I

De 1789 à 1814 il y a eu vraisemblablement une certaine augmentation du salaire. Les campagnes, affranchies des redevances féodales, ne payant pas toujours le fermage ni même l'impôt pendant la période révolutionnaire, furent relativement assez prospères; elles

eurent beaucoup moins que les villes à souffrir des disettes, en partie factices, de la période révolutionnaire. La population a augmenté malgré les troubles civils à l'intérieur et la guerre à l'extérieur.

Dans les villes qui se repeuplèrent sous l'Empire, la conscription fit, surtout depuis 1808, une rude concurrence aux ateliers, enlevant la jeunesse pour l'enrégimenter et raréfiant la main-d'œuvre dans les ateliers. D'après les mémoires des préfets on peut conjecturer que les salaires avaient déjà augmenté au début du XIXe siècle; dans le Pas-de-Calais le journalier non nourri, qui avait avant 1789 0 fr. 74 à la campagne et 0 fr. 90 à la ville, gagnait en l'an IX 1 fr. et 1 fr. 20; dans le département du Nord, un fileur au grand rouet avait 1 fr. 05 en 1789 et 1 fr. 75 en 1804, le maçon de Paris 2 fr. 50 vers 1789 et 3 fr. 25 vers la fin de l'Empire. Peuchet, dans sa Statistique élémentaire, évalue vaguement la moyenne générale du . salaire « depuis la couturière jusqu'au bijoutier » à 1 fr. 50 au commencement de l'Empire, tandis qu'elle n'aurait été, avons-nous dit suivant lui, que de 1 franc dans les dernières années du règne de Louis XVI.

Sous la Restauration et durant le règne de Louis-Philippe le salaire parait s'être élevé quelque peu dans certaines industries, entre autres celles du bâtiment à Paris, augmentation très faible. d'ailleurs, mais suffisante pour démentir les prédictions sinistres de ceux qui voyaient dans les machines la ruine de l'ouvrier. Même le maigre salaire des ouvriers et ouvrières des filatures et des tissages dont Villermé, en France, a fait un lamentable tableau, était sans doute supérieur au gain que le travail au village leur procurait, puisqu'ils quittaient le village pour la manufacture. Si l'augmentation a été peu sensible alors, c'est vraisemblablement en grande partie parce que l'industrie française avait tout d'abord à combler les pertes qu'elle avait subies pendant la période révolutionnaire et à reconstituer son capital.

Dans l'agriculture quelques témoignages isolés indiquent un accroissement du salaire. Dans telle ferme de l'Orléanais le premier charretier payé à l'année 270 francs en 1810-1820, 300 en 1821-1840, l'était à raison de 320 francs vers 1850; dans telle autre ferme des Ardennes son salaire passait de 235 francs en 1826 à 285 francs en

1845 et les autres salaires augmentaient à peu près dans la même proportion.

Dans une enquête sur les prohibitions faite en 1834, les manufacturiers, naturellement portés à présenter les choses sous un aspect favorable, indiquaient pour l'industrie textile des salaires de 1 fr. 50 à 3 francs pour les hommes avec une moyenne de 2 francs à 2 fr. 25 et pour les femmes une moyenne de 1 franc. Villermé, chargé d'une mission par l'Académie des sciences morales et politiques, était plus désintéressé qu'eux; il a signalé dans la filature du coton à Mulhouse, Lille, Rouen, des salaires de 2 à 3 francs pour les hommes et de 0 fr. 75 à 1 fr. 30 pour les femmes; dans le tissage du coton, 1 fr. 50 à 2 francs pour les hommes; dans la filature de la laine à Reims, 4 fr. 50; à Lodève 2 à 3 francs pour les tisseurs, 1 franc à 2 francs pour les manœuvres.

L'enquête industrielle dirigée par le gouvernement en 1840-1845 a donné comme moyenne probable du salaire dans les départements (Paris non compris) 2 fr. 09 pour les hommes, 1 fr. 03 pour les femmes, 0 fr. 73 pour les enfants, avec des différences suivant les professions de 1 à 4 francs pour les hommes et de 0 fr. 74 à 2 fr. 50 pour les femmes. A Paris la moyenne était plus élevée; 3 fr. 50 pour les hommes et 1 fr. 55 pour les femmes. A l'autre extrémité de l'échelle la moyenne de la Mayenne n'était que de 1 fr. 49 pour les hommes et de 0 fr. 68 pour les femmes.

Dans les industries que la mécanique transformait, le salaire des ouvriers et artisans qui persistaient dans les anciens errements s'amoindrissait. Villermé, entre autres, l'a fait remarquer. Il a fait remarquer aussi que, dans certaines fabrications nouvelles où le personnel capable était très rare, il avait y eu d'abord de très forts salaires, lesquels avaient baissé à mesure que la concurrence de la main-d'œuvre augmentait.

Après la chute de Louis-Philippe il a été fait, en vertu d'un décret de l'Assemblée Constituante, une enquête générale par cantons dont les résultats n'ont pas été publiés. Les salaires se trouvaient alors très affectés par la crise de 1848 et le taux général avait baissé. On peut dire que dans l'industrie ce taux semble n'avoir été en moyenne approximative (moyenne sur laquelle influent les bas salaires de l'industrie rurale) que de 1 fr. 78 pour les hommes,

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