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eut pour le jeune Chaptal cet attrait si puissant qui la caractérise, parce qu'au lieu de se perdre dans le vague des conjectures, elle donne non-seulement l'explication des phénomènes naturels, mais qu'elle produit encore des substances et des phénomènes nouveaux, qu'elle en fait d'heureuses applications à la médecine ou aux arts, et que ses créations deviennent souvent, à leur tour, la source de nouvelles découvertes. Nous ajouterons que le chimiste même compose souvent des substances que la nature ne forma jamais, et qu'alors il semble partager avec l'Etre - Suprême les mer

veilles de la création.

Ce fut à l'école des hommes célèbres qui préparaient le grand œuvre de la chimie pneumatique, et la nomenclature chimique, que Chaptal puisa cette variété et cette étendue de connaissances qui devaient féconder le midi de la France. Du titre modeste de leur élève, il passa rapidement à celui de leur émule, de leur ami. De retour à Mont-. pellier, les Etats de Langedoc, toujours guidés par le désir de contribuer à la prospérité de cette belle province, créèrent une chaire de chimie qui, d'abord promise à l'abbé Pourret (1), fut, malgré la protection du cardinal de

Montpellier. Il avait acquis uue telle réputation pour la préparation de la thériaque, que lorsqu'il faisait cette opération, on se rendait à son laboratoire en procession; il en avait un si grand débit, qu'annuellement, à la foire de Beaucaire, il s'en vendait de 25 à 30 quintaux.

(1) M. Pourret devint un habile botaniste. On lui doit plusieurs mémoires intéressans, entre autres, la Monographie des oysteș. Devenu secrétaire intime du cardinal Loménie de Brienne, qui fut ministre sous Louis XVI, Pourret, pour se soustraire à la hache révolutionnaire, passa en Espagne où, à la recommandation d'Ortega, il obtint la direction du jardin des plantes de Madrid. A peine sa

Brienne, donnée à Chaptal.. Ce chimiste ne tarda pas à jus tifier cet honorable choix. Doué d'une éloquence peu commune, d'une voix flexible et sonore, d'une mémoire prodigieuse, d'un langage d'action qui faisait deviner sa pensée, enfin de toutes les qualités physiques qui exercent une si grande influence sur l'auditeur, M. Chaptal riche des faits qu'il avait recueillis dans la capitale, et des communications qui s'étaient établies entre lui et les Lavoisier, les Berthollet, les Monge, les Laplace, les Foureroy, etc. M. Chaptal, disje, fit naître dans l'âme de ses élèves ce goût pour la chimie et cet enthousiasme dont il était pénétré. Il professa à Montpellier une science, pour ainsi dire, toute nouvelle. Il s'attacha surtout à présenter les vérités qui, bien démontrées, composent, par leur ensemble, le tronc de la science, et à les distinguer de ces expériences mal conçues, et de ce luxe d'hypothèses qui, fussent-elles, comme celle de Stahl, sur le phlogistique, une brillante erreur, n'en retombent pas moins comme elle dans l'oubli, et contemplant les découvertes importantes qui venaient de s'opérer dans la chimie,

nomination fut-elle connue, que les rivalités indigènes s'ameutèrent contre lui. Pour faire cesser les ciameurs, on nomma un médecin qui ne connaissait pas une plante, directeur en chef, et Pourret directeur honoraire. Fatigué des persécutions que lui faisait éprouver l'abbé Cavanillas, il quitta Madrid pour se rendre à Orenze où il venait d'obtenir la place de chanoine du chapitre. Il passa de là au canonicat de Saint-Jacques de Compostelle, ce qui est en Espagne une grande et lucrative dignité. Ce botaniste a laissé à sa mort plusieurs manuscrits, dont la plupart ont été recueillis par moi et confiés à notre honorable collègue, M. Ach. Richard, professeur à la Faculté de médecine de Paris. Les principaux de ces manuscrits sont: ́un voyage au Mont Serrat, ou Itinéraire pour le botaniste qui se propose de voyager dans les Pyrénées, et la Chloris Narbonnensis.

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et l'influence que cette science était appelée à exercer sur presque toutes les conceptions humaines. M. Chaptal, dans ses cours, la comparait à une immense colonne, s'élevant au milieu des siècles, sur une base impérissable de faits bien observés, au milieu des ruines éparses des hypothèses. Bien loin cependant de voir dans la chimie moderne tout l'ensemble de cette science, il se plaisait à revendiquer le tribut de gloire qui était dû aux anciens. Jouissons, disaitil, des triomphes de nos devanciers; soyons-leur reconnaissans de nous avoir ouvert la carrière où nous sommes entrés; que leurs erreurs mêmes servent non-seulement à notre instruction, mais à nous tenir en garde contre tout ce qui porte les fausses apparences du vrai. Le temps et le génie peuvent seuls épurer le mélange des vérités et des erreurs; car les progrès des lumières sont toujours le fruit tardif d'une expérience lente et pénible. Les conseils de M. Chaptal devinrent si intéressans, qu'ils furent suivis avec le plus vif empressement par les professeurs mêmes de l'école de médecine, dont il ne tarda pas à devenir le collègue. C'était avec une religieuse attention qu'on vit ce jeune professeur dérouler à leurs yeux les annales de la science, et s'arrêter à ces siècles de barbarie, où le chimiste osait à peine avouer le travail qui, en secret, faisait ses délices. Alors, le titre de chimiste était presque un opprobre (1) et le préjugé qui

(1) Le Pape Jean XXII, docteur en médecine de l'école de Montpellier, partisan zélé de la doctrine des Arabes, et auteur de plusieurs ouvrages de médecine, entre autres du Trésor des Pauvres, ordonna que les alchimistes seraieut emprisonnés et regardés comme infâmes, et que les prêtres qui s'y livreraient seraient privés de leurs bénéfices. Sans doute que ce Pape confondait les alchimistes avec les souffleurs.

confondait les alchimistes et les souffleurs (1), a retardé de plusieurs siècles la renaissance des arts auxquels la chimie sert de base. C'est ce qu'a fort bien senti Bacon, quand il à 'dit qu'il était sorti des fourneaux des chimistes une nouvelle philosophie qui a confondu tous les raisonnemens de l'ancienne.

M. Chaptal avait compris de bonne heure que la chimie ne serait qu'un vain objet de curiosité, si elle n'offrait des applications utiles aux besoins ou à la conservation de la vie: aussi, ses cours offraient sans cesse des applications aux arts, à l'agriculture, à la médecine, etc. S'adressait-il au manufacturier, il lui montrait les rapports qu'ont tous les arts avec la chimie, qui en éclaire les principes, réforme les abus, simplifie les moyens, et hâte leurs progrès. C'est en vain que l'on parle dans les fabriques du caprice des opérations: c'est à l'ignorance des ouvriers des vrais principes de leur art, qu'on doit les attribuer. Connaissez mieux, leur disaitil, vos matières premières; étudiez les principes de votre art, et vous pourrez tout prédire, tout calculer. C'est votre seule ignorance qui fait de vos opérations un tâtonnement continuel et une décourageanté alternative de succès et de revers. En vain la routine et les préjugés lui criaient : expérience passe science. M. Chaptal avait coutumé de réfuter cet antique

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(1) C'est à tort que l'on a confondu les souffleurs avec les alchimistes toute la science des premiers consistait à faire des dupes par le faux appât de la transmutation des métaux, etc. Les autres, guidés par l'amour de la science, lui ont rendu de véritables servicës. Les vues profondes se trouvent dans leurs écrits à côté des idées les plus extravagantes, les vérités les plus sublines y sont dégradées par les applications les plus ridicules. Ce contraste de superstition et de philosophie, de lumières et d'obscurités, nous force de les admirer et de les plaindre en même temps.

adagé en comparant l'ouvrier ignorant à l'aveuglé qui, connaissant bien un chemin, le parcourt avec l'assurance d'un homine clairvoyant, sans être cependant en état d'éviter les obstacles fortuits, d'abréger ni de simplifier sa route. Il est en effet bien démontré que le manufacturier et l'artiste në retireront de la chimie tout le secours qu'on est en droit d'en attendre, que lorsque les progrès de la civilisation et des lumières auront fini de rompre cette antiqué barrière que la méfiance, l'amour-propre et les préjugés ont élevée entre eux et la chimie.

Parlait-il au médecin, il lui démontrait que l'abus qu'on a fait dans le dix-huitième siècle, des applications pen ra- " tionnelles de la chimie à la médecine, à fait méconnaître les rapports naturels et intimes de cette science avec l'art de guérir. Pour en bien diriger les applications au corps humain, il faut réunir à des connaissances étendues et positives sur l'économie animale, des connaissances profondes en chimie; il faut subordonner les résultats des laboratoires aux observations physiologiques; il faut éclairer les uns par les autres, et ne reconnaître d'autre vérité que celle qui n'est contredite par aucun de ce double moyen de conviction.

Tournait-il ses regards vers la pharmacie, il faisait connaître cette sorte d'analogie qui l'unit si intimement à la chimie, qu'on les a long-temps regardées comme une même science. Il est vrai de dire que cette dernière n'a été longtemps cultivée que par les pharmaciens, et que c'est de leur laboratoire que sont sorties le plus grand nombre de découvertes du `dix-neuvième siècle. Aussi, de nos jours, la classe des pharmaciens est, en général, si instruite, qu'on doit être peu surpris de la célébrité qui est attachée aux

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