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noms de ceux qui ont élevé si haut la pharmacie française.

Enfin, l'agriculteur trouvait dans ses leçons un précis de tous les secours que la chimie peut prêter à la culture. Pour les rendre encore plus profitables, il publia son Cours de chimie en 1 vol. in-8°. Cet ouvrage prit un tel développement, qu'en 1790, il parut en 3 vol. in-8°, sous le titre d'Élémens de chimie, et eut quatre éditions. Il précéda de deux ans le Traité élémentaire de chimie de Lavoisier, et fut ainsi le premier livre qui parla le langage de la nouvelle nomenclature chimique. Aussi fut-il bientôt traduit dans toutes les langues et répandu dans toute l'Europe savante; il devint, pour ainsi dire, le bréviaire du chimiste. Il faut en convenir, cet ouvrage, outre son importance, offrait ce vif intérêt, cette magie de style, cette richesse de faits et d'observations qui préviennent, attachent et subjuguent. Comme dans presque tous ses autres écrits, la profondeur du raisonnement s'allie à ce que l'imagination la plus brillante a d'agrément; le feu sacré du génie semble vivifier toutes ses pages. Joignant l'exemple au précepte, M. Chaptal forma divers établissemens chimiques, entre autres celui de son collègue et ami, M. Bérard, qui est un des plus beaux de l'Europe. Enfin, la célébrité de M. Chaptal devint telle, que Washington le sollicita jusqu'à trois fois de venir éclairer du flambeau de la chimie les arts naissans du Nouveau-Monde, Presque à la même époque, le roi d'Espagne lui fit offrir 36,000 francs de pension et un premier don de 200,000 francs, s'il voulait se fixer dans ses États. Enfin, en 1793, lorsque les talens, les vertus et les richesses étaient un titre de proscription, la reine de Naples lui fit proposer un asile à sa cour. Chaptal fut sourd à tous ces avantages; il ne vit que la prospérité et la

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gloire de sa patrie. Bien loin de céder à la crainte, il se rendit sur le théâtre des dangers même, à Paris, où le gouvernement lui intima bientôt l'ordre de diriger les ateliers qui allaient se former. Ainsi que M. Dupin l'a dit fort éloquemment (1), il mit sa tête et son génie aux ordres des décemvirs; car, à cette térrible époque, le soupçon attendait la réussite et la mort l'insuccès. Tout ce que la France avait de savans illustres, et plus particulièrement, MM. Berthollet et Monge, partagèrent avec lui le travail de ces ateliers. Laissons parler M. Dupin: Par les efforts de Chaptal, en peu de mois, cette France qui ne fabriquait de la poudre qu'avec des matières d'emprunt et par des moyens aussi lents qu'imparfaits, eut fabriqué trente-cinq millions de poudre ou de salpêtre, c'est-à-dire assez pour lancer à l'ennemi, sous forme de projectiles, autant de fer que la France en produisait alors dans une année. Voilà un des miracles de la chimie pour la liberté, le salut et l'immortalité de la patrie. Quand l'aurore du bonheur commença à luire sur la France, Chaptal fut envoyé à Montpellier, pour y réorganiser cette école de médecine qui fut toute sa vie l'objet de ses affections, et qui, à son tour, le regardait comme son ange tutelaire. Bientôt après, à la voix de Monge, l'école polytechnique, cette pépinière de grands hommes, ayant été créée, Chaptal

(1) Trois membres de l'Académie royale des Sciences, MM. Charles Dupin, Thénard et Benjamin Delessert, ont prononcé des discours sur la tombe de M. Chaptal; le portrait qu'en a tracé M. Thénard nous fait regretter la brièveté de son discours. M. Dupin a déroulé la vie entière de cet honorable chimiste, et présenté la longue série des services qu'il a rendus à la science comme professeur, manufacturier, ministre, etc. L'écrit de M. Dupin offre ce charme de style et cette profondeur de connaissances qu'on admirait dans les discours de M. Cuvier.

vint y professer la chimie avec les Berthollet, les Fourcroy, les Guyton de Morveau et les Vauquelin. On vit alors cou rir aux cours des deux plus éloquens chimistes du siècle, Chaptal et Fourcroy, tout ce que Paris comptait de célébri• tés dans les sciences, les arts et les lettres. La chimie devint la science à la mode, et une des bases essentielles de toute éducation libérale. L'activité de Chaptal ne se borna pas à l'enseignement; il peupla les environs de Paris de manufac

tures.

Lorsque Bonaparte cut renversé le Directoire, et que, sur ses débris, il eut fondé sa puissance, il ne crut pouvoir mieux la consolider et la faire aimer qu'en entourant la France d'une auréole de gloire et de science. Il s'empressa donc de faire un appel aux plus grandes illustrations scientifiques, dont il enrichit le sénat et le conseil-d'état : témoin du mérite de Chaptal, il lui confia l'instruction nationale. Ce fut une heureuse idée;nul homme n'était en effet plus propre que lui à régéné rer l'instruction: aussi, dit son éloquent panégyriste, M. le haron Dupin, il proposa l'un des plans les plus sages pour améliorer et compléter le système des écoles, depuis l'enseignement primaire, jusqu'à l'enseignement spécial aux professions les plus élevées. Plusieurs de ces établissemens furent fondés; quelques-uns le furent par lui même; pour les autres, il eut au moins l'honneur de la conception première. C'est à lui que là classe ouvrière doit sa législation paternelle, législation dont les bienfaits sont démontrés par trente ans d'existence cette loi, qui leur donne des droits et des ga ranties, a fait d'eux des citoyens. C'est en vain qu'au sein de l'Académie royale des sciences, un de ses subordonnés a revendiqué après sa mort cette faible portion de son héritage scientifique. L'Académie accueillit avec une sorte d'enthousiasme la juste réfutation de M. Dupin.

Nous passerons sous silence les nombreux travaux de M. Chaptal au conseil-d'état, qui ne l'empêchèrent point de publier son curieux ouvrage sur le Perfectionnement des arts ehimiques en France. L'homme qui se connaissait si bien en taJent, le récompensa de tant de zèle et de tant de scientifique activité, en l'appelant au ministère de l'intérieur. Ici une nouvelle carrière s'ouvre devant nous: son élévation fut en même temps un triomphe et un bienfait pour la science. Aussi, au milieu du torrent d'affaires qui semblait devoir l'entraîner, il n'oublia jamais ce qu'il lui devait; il fit mieux, il se servit de sa brillante position pour protéger, éclairer et propager les arts mécaniques, chimiques, agricoles et industriels. Au lieu de s'attacher à torturer la conscience politique des préfets, c'étaient des documens scientifiques sur les arts agricoles et industriels, sur les productions territoriales et pratiques de leur département qu'il en exigeait, afin de le faire servir à la composition de son ouvrage sur l'Industrie française, et de sa Chimie appliquée aux arts, dont il jetait alors les premiers fondemens. Dans ce poste éminent, les services qu'il rendit à la France sont immenses; ils suffiraient seuls à l'illustration de plusieurs ministères. C'est à lui que doivent être attribués ces perfectionnemens des arts mécaniques, qui ont rendu l'industrie française rivale de celle de l'Angleterre, sous plus d'un point et même supérieure sous beaucoup d'autres. Dépouillant tout orgueil national, il fit venir à grands frais les plus habiles artistes anglais, pour propager en France leurs procédés, leur perfectionnement, et ces mécaniques nouvelles anxquelles sont dus, en si grande pârtie, ees mêmes perfectionnemens. I proposa aussi, au nom du Gouvernement, des prix sur ces sujets, et établit au Conservatoire des arts et métiers, un enseignement spécial, pour faire connaître et propager ces heureuses innovations. Son

œil vigilant se portait sans cesse sur les fabriques des environs de Paris qu'il encourageait par sa présence, sa protection et ses conseils. Voulant étendre les bienfaits de l'industrie dans toute la France, il créa à Compiègne cette école spéciale d'arts et métiers qui, depuis, a été fixée à Châlons. C'est aussi pendant son ministère que furent classées les belles collections des arts et métiers du Conservatoire, pour être livrées à l'étude des industriels. Enfin, il fut l'un des principaux fondateurs de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale qui l'a élu, trente ans de suite, son président. Nous ne suivrons point M. Chaptal dans tout ce qu'il a fait pour les voies publiques de la France et les canaux, pour l'achèvement du Louvre, les embellissemens de Paris, et nous nous arrêterons avec plaisir sur cette belle pensée, qu'il fit adopter à Napoléon, la commission d'Égypte qui compta dans son sein tant de célébrités et dont les travaux sont un des plus beaux monumens élevés au génie français. Comme médecin, Chaptal s'occupait en même temps de l'amélioration de ces asiles de la douleur, où l'humanité souffrante court implorer des secours. Sous son ministère, l'Hôtel-Dieu a reçu de grandes améliorations dans le logement, le coucher et la diététique des malades; on lui doit aussi la réorganisation des facultés de médecine et l'organi. sation des écoles de pharmacie, ainsi que l'institution des élèves sages-femmes à l'hospice de la Maternité, les concours et les prix qu'on y décerne, enfin l'institution du conseilgénéral gratuit des hospices de Paris.

Après avoir si puissamment secondé, pendant quatre ans, le grand homme qui l'avait deviné, le comte Chaptal donna sa démission. Napoléon récompensa son ministre en le nommant sénateur et grand-croix de la Légion-d'Honneur. Dans

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