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suivit l'opinion publique, réunit la commission spéciale des travaux constitutionnels et demanda l'avis des vice-rois et gouverneurs, puis des fonctionnaires provinciaux au-dessus du rang d'intendant : beaucoup de mandarins se prononcèrent pour ne pas retarder l'octroi d'une constitution, d'autres conseillèrent de fixer un délai de cinq, sept, voire vingt ans. Toutefois l'ingérence des délégués semblant excessive, un décret du 10 août ordonna la dissolution des tchengwen seu, l'arrestation et la punition des membres 2.

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Cependant l'organisation des assemblées provinciales avait été sanctionnée par l'Empereur le nombre des membres sera en raison de l'impôt foncier en grain et du nombre des licenciés fixé pour chaque session (Girin 30, Sin-kiang 30, Kwei-tcheou 39, Chantong 100, Kiang-sou 121, Tchi-li 140, etc., plus 20 ou 25 membres mantchous répartis dans les diverses assemblées d'après leur domicile); sont éligibles les gradués des écoles moyennes, les licenciés, les mandarins non en charge, les hommes qui pendant cinq ans se sont occupés d'instruction publique, les notables de toute qualification ayant un capital de 5000 piastres; toutes les mesures concernant l'intérêt général de l'Empire pourront être suspendues par le veto du vice-roi ou du gouverneur; en pareil cas et chaque fois qu'il y aura désaccord entre l'autorité exécutive et l'assemblée, un conseil métropolitain tranchera le différend. L'assemblée d'empire émanera des assemblées provinciales, soit par une élection soumise à l'approbation des vice-rois et gouverneurs, soit par un choix fait par ceux-ci. Un décret du 22 juillet a fixé un délai d'un an, pour la préparation de tout ce qui concerne les assemblées provinciales. Il a de plus été décidé sur la proposition de Yuen Chi-khai qu'une école spéciale serait ouverte à Péking, où les jeunes gens des grandes familles mantchoues et chinoises étudieraient les principes du gouvernement parlementaire. Un décret du 27 août a sanctionné les principes constitutionnels qui ont été proposés par la commission : le souverain est inviolable, il détient le pouvoir total et l'exerce conformément à la constitution, les sujets ont des droits et des devoirs fixés par les lois; de là se déduisent pour l'assemblée le droit

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1. North China Herald, 20 juin, 4 juillet, 25 juillet, 1er août 1908, pp. 748, 749, 26, 27, 231, 292, 293.

2. Ibid., 15 août, 29 août 1908, pp. 441, 509, 535.

3. Ibid., 25 juillet, 1 août, 8 août 1908, pp. 230, 259, 292, 352.

4. Ibid., 8 août 1908, p. 353.

5. Ibid., 5 septembre 1908, pp. 599, 600; supplément spécial du Pei-king ta thong ji pao.

d'adresser des représentations aux ministres et aux agents exécutifs, le droit de coopérer à la confection des lois et de surveiller les mesures financières, aussi bien que la distinction des agents exécutifs et judiciaires; le rapport de la commission insiste sur l'idée que la Constitution est octroyée, que c'est la Constitution qui établit l'assemblée, bien loin que celle-ci fasse la Constitution: la Constitution doit donc être sagement, mûrie et rester quasi immuable. Le même rapport a fixé année par année, exactement en 92 points, le détail des mesures qui seront prises dans l'Empire depuis 1908 jusqu'à 1916 date de la promulgation de la Constitution, et qui touchent à l'organisation des assemblées locales, provinciales, d'empire, à la rédaction et à la promulgation des codes, à la refonte du système des impôts, des traitements, des grades et dignités, à la publication des livres d'instruction, etc. Un programme si détaillé est puéril; les ennemis du gouvernement de Péking le déclarent destiné à jeter de la poudre aux yeux. Le reproche tombe partiellement à faux; il est probable que des hommes comme Yuen et Tchang sont convaincus, mais ils trouvent des résistances et de là naissent les décisions successives et contradictoires de la Cour; il est évident toutefois que de tant d'études et de discussions il ne peut pas ne pas sortir des transformations importantes.

Les partis avancés. Sitôt sortie des troubles de 1900 et des négociations de 1900-1901, la Cour, ayant orienté sa marche vers les réformes, a suivi cette voie non sans hésitations ni d'un pas égal, du moins constamment et sans retour marqué: on a noté quelques étapes dans la Vie politique publiée annuellement par les Annales des Sciences politiques depuis 1903. Avant 1900 ceux qui pronaient les réformes, les chefs, Khang Yeou-wei et Liang Khi-tchhao, les partisans avoués étaient traqués, exilés, mis à mort, beaucoup de commerçants, de notables, de mandarins taisaient leurs sentiments favorables aux réformateurs; depuis 1901 les amis de ceux-ci ont parlé, ils ont été nommés vice-rois, ministres, conseillers impériaux, ils sont dans la famille impériale même. Si Liang Khi-tchhao, qui, résidant au Japon, est devenu l'inspirateur du parti, si Khang Yeouwei, passant de Hong-kong en Birmanie, puis au Mexique, sont encore à l'étranger, ce n'est plus pour leurs idées, mais en raison du ressentiment personnel de l'Impératrice douairière. Et, d'autre part, le Chi-wou pao de Chang-hai, organe de Liang Khi-tchhao, déclare à propos des premières enquêtes sur les constitutions : « La

question de l'établissement d'une constitution est vraiment pour l'avenir de la Chine une question de vie ou de mort; les mandarins auront la force de réaliser les réformes... et si des hommes se fâchent contre les Mantchous, les mandarins avec leur force tenace détruiront l'opposition ». Les progressistes dans le pays, exilés même, sont donc d'accord avec ceux qui sont aux affaires : corriger les abus, garder en général la forme de l'État tout en changeant et vivifiant quelques-uns de ses principes, maintenir la dynastie, tel est le programme.

Liang Khi-tchhao et ses journaux, à Tôkyô, Yokohama, Changhai, agirent profondément sur les étudiants si nombreux après 1900; ceux-ci se persuadèrent que leur science moderne leur conférait une mission politique, ils voulurent imposer leurs volontés au ministre de Chine à Tôkyô; plus tard ils jurèrent de défendre la Chine contre les Russes et envoyèrent des délégués à Yuen Chi-khai, au retour ils rapportèrent dans leur pays plus d'agitation d'esprit que de connaissances sérieuses 2. Les uns se joignirent naturellement aux progressistes; les autres, plus impatients et moins instruits, trouvaient la réforme légale trop lente et superficielle. Les sociétés secrètes toujours existantes ont redoublé d'activité depuis une dizaine d'années si les unes essaient simplement d'échapper à la tyrannie morale de l'État chinois, beaucoup sont ennemies de la dynastie mantchoue qui incarne présentement les principes de cet État; elles se réclament du sentiment national chinois persistant dans le sud, ressucité aujourd'hui, affirme-t-on, dans le nord: il y a quinze ans on n'en voyait pas trace au Tchi-li. De ces impulsions est né un parti révolutionnaire, qui, non moins qu'aux progressistes du gouvernement, s'oppose à Liang Khi-tchhao et à ses amis; divers faits l'ont montré, ainsi à une conférence en faveur de la Constitution donné à Tôkyô le 17 octobre, Liang Khi-tchhao, qui présidait, ful violemment pris à partie et eût été malmené sans l'intervention de la police. La divergence entre révolutionnaires et progressistes n'était pas si marquée au début; l'insurrection persistante du Kwang-si est l'œuvre des bandes locales et des sociétés secrètes, mais quand (mai 1903) le gouverneur fait mine de s'entendre avec les autorités françaises du Tonkin, ce sont les progressistes qui

1. A. Maybon, La Politique chinoise, p. 233 (1 vol. in 18, Paris, 1908).

2. Chronique, Annales des Sciences politiques, novembre 1905, novembre 1906, novembre 1907.

3. Japan Mail, 26 octobre 1907, p. 452.

protestent à Chang-hai1; lors du procès intenté aux journalistes du Sou pao, l'attitude des progressistes et révolutionnaires a été semblable. Depuis 1905, la scission des deux partis est complète; le 15 octobre, à la gare de Péking, quand allait partir la commission chargée d'étudier les constitutions étrangères, une bombe fut lancée par un révolutionnaire, Wou Yué, tua quatre hommes, en blessa davantage. Le testament politique de Wou Yué a paru dans le Min pao, le journal révolutionnaire; il peut se résumer en quelques points jamais les Mantchous n'organiseront une monarchie constitutionnelle qui ne soit une duperie pour les Chinois; les réformateurs gouvernementaux, les progressistes sont donc des ambitieux et des traîtres, il faut renverser les Mantchous et établir une république 3.

Le parti révolutionnaire ke ming tang a trouvé un organisateur et un théoricien dans Swen Yi-sien (Yat-sen) ou Swen Wen, né près de Canton en 1866, élevé à Honolulu et à Hong-kong, médecin affilié à la société que l'on appelle la Triade, arrêté à Londres en 1896, par les gens de la légation de Chine, puis relâché sur l'intervention du gouvernement anglais, ayant depuis beaucoup voyagé et ayant exposé à Paris le plan d'une Chine du sud indépendante. Dans une brochure de 1904, Swen déclare que les Mantchous n'ont ni pu ni voulu développer les forces et la prospérité de la race chinoise, ils dominent par la tyrannie, il faut donc les chasser, faire ainsi le bonheur de la Chine et du monde, une Chine régénérée devant infiniment mieux qu'une Chine troublée enrichir les nations commerçantes et assurer la paix de l'Asie; dans uu discours prononcé à Tôkyô le 16 janvier 1907, Swen expose sa politique en trois points expulsion des Mantchous, établissement de la république, fixation de la valeur du sol, la plus-value future appartenant à l'État de manière à éviter l'enrichissement des particuliers; dans un programme Ke ming fang lio paru depuis lors, il résume son plan d'action: 1° déclaration du gouvernement militaire, 2° rapports du gouvernement militaire et des corps d'armée, 3o organisation de l'armée républicaine, 4° règlement pour le pays conquis, 5o déclaration pour rassurer le peuple, 6o déclaration aux étrangers, 7° abolition des contributions et des douanes inté

1. Chronique, Annales des Sciences politiques, novembre 1903. 2. Ibid., novembre 1903, novembre 1904.

3. Ibid., novembre 1906. A. Maybon, La Politique chinoise, p. 223.

4. Chronique, Annales des Sciences politiques, novembre 1905.

rieures. Quelques détails feront mieux saisir la précision du plan; chaque armée établit un bureau des vivres et ouvre trois registres pour les confiscations, pour les billets émis, pour les souscriptions; règlement de ces matières; déclaration aux étrangers (ayant circulé aussi en français au Tonkin, et en anglais): 1° les traités resteront en vigueur; 2o les indemnités et dettes seront reconnues et demeureront à la charge des douanes maritimes; 3° les concessions accordées aux puissances étrangères seront respectées; 4° les étrangers et leurs biens seront protégés; 5o les traités signés, les engagements pris par les Tshing après la présente déclaration ne seront pas reconnus; 6° les étrangers qui aideront le gouvernement mantchou contre l'armée républicaine seront traités en ennemis; 7° les marchandises de guerre que les étrangers fourniraient au gouvernement mantchou seront confisquées.

Au printemps de 1907, Swen Wen lança une véritable proclamation de guerre où était condensé l'essentiel du programme qui vient d'être rappelé; l'insurrection éclata dans plusieurs provinces, au Liang-kwang, au Yun-nan, dans la vallée du Yang-tseu, au Tchi-li, durant jusqu'à présent, prenant diverses formes, tantôt soulèvement organisé et quasi-militaire, tantôt attaques inopinées contre les mandarins dans leurs yamens, parfois assassinats; les incendies à Péking en mars et avril 1908 ont sensiblement énervé le gouverment. Un des faits les plus remarqués fut l'assassinat du gouverneur du Ngan-hwei, un mantchou, Ngen-ming; ce fonctionnaire venait, le 6 juillet 1907, présider un examen à l'école de police de la capitale, il est accueilli par le directeur qui le salue militairement, puis décharge sur lui trois coups de revolver en s'écriant: Je suis un révolutionnaire 3. La police a été renforcée, son activité a redoublé, des cargaisons d'armes ont été plusieurs fois saisies dans les ports, des arrestations nombreuses, quelques-unes certainement injustifiées, des exécutions ont eu lieu; un régime de délation et de rigueur a répondu à la terreur que les révolutionnaires faisaient peser sur les mandarins; les séditions n'ont pas disparu, sont toujours menaçantes, mais le gouvernement ne perd pas de terrain, reste maître de soi, au milieu des troubles sporadiques continue paisiblement de préparer les réformes.

1. A. Maybon, La Politique chinoise, p. 361; Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, 1907, p. 442.

2. North China Herald, 3, 10 avril 1908, pp. 27, 73, 91, 92. 3. Ibid., 12 juillet 1907, pp. 81, 108, etc.

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