Sivut kuvina
PDF
ePub

ANALYSES ET COMPTES RENDUS

Eugène d'Eichthal, de l'Institut. Guerre et paix internationale, 1 vol. in-12. Paris, Doin.

[ocr errors]

Ce petit volume présente, en termes concis, beaucoup de renseignements précieux et bien groupés, beaucoup d'aperçus intéressants, de vues personnelles et de pensées justes, fruits de réflexions qui appellent, à leur tour, les réflexions des lecteurs. L'auteur aime la paix, mais il estime, à juste titre, que c'est en mal servir la cause que l'aimer aveuglément. Il est en garde contre l'utopie et c'est à l'examen circonspect et avisé des faits passés et présents qu'il entend demander des fondements rationnels de quelques prévisions d'avenir. Il faut, dit-il (p. XIV), pour éviter des désillusions cruelles qui pourraient être désastreuses, et ne pas tomber dans de dangereux sophismes ou leur prêter des arguments, il faut rester sur le terrain positif de la réalité; mais il faut tâcher de la comprendre, cette réalité, dans sa généralité aussi bien d'avenir probable que de présent tangible; et l'entreprise est d'autant plus difficile que, si celui-ci est fait d'institutions et de chiffres, celui-là repose, en grande partie, sur des données immatérielles où les idées, les opinions, les passions des hommes, leurs intérêts compris de telle ou telle façon, pèseront d'un grand poids. ▸ Le premier chapitre est consacré surtout à l'étude des conditions qui ont amené la constitution d'aires de police et de paix intestine suffisamment étendues que nous nommons des États» (p. 17-18). Cette étude est indispensable pour juger si les causes qui ont décidé de la suppression des guerres entre les faibles groupements d'autrefois, absorbés par des États puissants, ont chance d'agir, dans le même sens bienfaisant, à l'égard des États modernes et de faire disparaître entre ces derniers les luttes armées. Très justement l'auteur relève que l'unification en État centralisé forme la plus favorable au maintien de la paix intérieure a presque toujours été

subordonnée à une double condition: « crainte d'un ennemi commun▸ rapprochant dans des alliances défensives plus ou moins prolongées les groupes contigus, trop faibles pour se protéger isolément contre un envahisseur puissant... prédominance d'un des groupes particuliers, plus fort que ses limitrophes cristallisant en quelque sorte la future nation autour d'un élément central prépondérant » (p. 12-13). Les chapitres II et III montrent, avec toute la précision possible, en des matières où certaines données sont nécessairement indécises ou variables, les charges de l'état

-

de paix armée qui pèse sur le monde contemporain, et les conséquences économiques des guerres. Ces dernières sont telles qu'elles suffiraient, à elles seules, à faire juger avantageuses les charges de la paix armée, si celles-ci pouvaient constituer une assurance certaine contre les risques de guerre. Et cependant le poids de la paix armée augmente sans cesse dans des proportions effroyables. M. Erg, délégué de la Grande-Bretagne à la seconde conférence de la Paix, a pu dire à la Haye que les dépenses militaires annuelles » de l'Europe (moins la Turquie et le Monténégro), des États-Unis et du Japon, avaient augmenté, « dans l'intervalle des deux conférences (de 1899 et de 1907)... de la somme de 69 millions de livres sterling ou plus de 1725 millions de francs (251 millions de livres en 1898, et 320 millions en 1906; p. 31-33 note). Reste-t-il quelque chance que le monde ou tout au moins le Vieux Monde européen cherche, dans la constitution d'une fédération, analogue à celle des États-Unis ou de la Suisse, le remède aux maux de la guerre ou du militarisme? Dans le chapitre IV: Vues d'avenir tirées du passé », M. d'Eichthal constate que la crainte d'un péril commun a été le ciment des fédérations aussi bien que des États unifiés; il constate encore que l'existence d'un péril commun, assez fort pour faire dominer les divergences et imposer silence à l'orgueil des particularismes actuels, n'apparait pas comme une éventualité probable ni surtout comme une éventualité prochaine. Il en conclut justement qu'il faudrait un mobile prenant en quelque sorte l'intensité d'une foi dogmatique » pour dominer les prétentions dynastiques ou chauvines, étouffer les ambitions, les préjugés, les jalousies d'intérêt de nation à nation, l'irritation restée des blessures passées, toutes causes de conflits que les croyances religieuses du passé n'ont pas réussi à écarter » (p. 106). « C'est dire, ajoute-t-il (chap. V: « Les faits et les tendances », (p. 107), que, pour produire une paix qui ne peut plus être en quelque sorte une paix imposée comme fut la paix romaine, mais une paix désirée, aimée, réclamée par la grande majorité des hommes, 3e conciliant avec la dignité et les traditions nationales en ce qu'elles ont de noble et de fortifiant, on ne peut plus espérer que dans une scule puissance, celle qui représente l'union des volontés l'opinion publique. » Mais pour qu'un courant d'opinion eût « le degré de générosité et d'intensité voulue pour être à la fois suffisant et efficace il faudrait qu'il se produisit à la fois chez les principaux peuples dont l'un pourrait menacer la sécurité de l'autre. Il s'agit d'une assurance mutuelle et qui n'existe que si elle est mutuelle » (p. 107). Ce courant d'opinion se dessine-t-il avec une force suffisante pour autoriser l'espoir? L'auteur analyse avec sagacité les diverses influences qui se disputent l'opinion et l'agitent en sens contraire orgueil de la force chez les peuples puissants et tentation de traduire cette force en conquêtes, aspirations à l'indépendance chez les nations assujetties, soucis d'agrandissement commercial, recherche et dispute de marchés et de colonies, tendance d'autre part à chercher plus volontiers qu'autrefois des solutions amiables pour les

[ocr errors]

conflits nés de querelles coloniales, crainte plus grande de la guerre rendue plus effrayante en même temps que plus effroyable par la puissance croissante des engins de destruction, «moindre division qui s'établit peu à peu et sans pression de contrainte, entre les modes d'existence morale physique des diverses portions de la population civilisée» (p. 137), répugnances des classes ouvrières pour les charges et pour les risques militaires, répugnances malheureusement contre-balancées, dans une certaine mesure, par le désir de certains socialistes d'employer le militarisme - loin de le supprimer - au profit de leurs doctrines et de tourner vers la guerre civile les énergies détournées de la guerre internationale.

((

<< Jusqu'à quel point les conventions internationales partielles déjà réalisées, les alliances, les interventions collectives et concertées, la conciliation et l'arbitrage enfin, peuvent-elles être considérées comme les étapes effectives de la longue route qui pourrait conduire à l'établissement d'une fédération pacifique des États les plus civilisés, telle est la question que pose M. d'Eichthal au début du chapitre vi pour faire ensuite l'inventaire des résultats acquis, des illusions interdites et des espoirs autorisés. Fidèle à sa méthode, l'auteur s'attache à dégager, avec précision, du mouvement d'idées et de faits qui a renouvelé, depuis une quarantaine d'années, le droit international de l'Europe et du monde, les gains réels de la cause de la paix; il s'attache particulièrement à déterminer l'exacte portée de l'œuvre accomplie par les deux conférences de la Haye de 1899 et de 1907.

Il conclut ensuite que «< nous sommes, en fait de guerre, trop loin encore de la terre promise» (p. 208), que « le jour où une immense majorité de la partie agissante et organisée de la planète voudra résolument la paix, la paix sera faite mais qu'elle ne sera faite que par ce consensus, sinon universel, du moins très étendu. On peut, ajoute-t-il, à la fois chercher à contribuer dans la mesure de ses forces, et si restreinte soit cette mesure, à réchauffer et à activer les mouvements d'opinion d'où sortira ce consensus, s'il doit se produire; et on peut précisément en analysant de près les conditions indispensables à sa formation, insister sur le caractère notable de la paix, tant que ces conditions ne sont pas réalisées, par suite, mettre en lumière la nécessité, pour les nations, de demeurer vigilantes et prêtes à se défendre » (p. 209-210).

Ces conclusions, aussi modérées que sages, devraient rallier tous les esprits. A ceux qui seraient tentés de les trouver trop modestes. Le seul conseil qu'il convienne de donner est de lire les études et de méditer les pensées dont cette analyse, trop brève pour être complète, ne saurait donner qu'une idée tout à fait insuffisante. Ceux qui seraient enclins à exagérer comme ceux qui seraient portés à méconnaître les exigences du patriotis me trouveraient également matière à amples réflexions dans ces pages très fermes où une vaste érudition est mise au service d'une raison très impartiale et d'un sens très affiné. C. DUPUIS.

P. Baudin, P. Leroy-Beaulieu, Millerand, Roume, J. Thierry; E. Allix, J.-C. Charpentier, H. de Peyerimhoff, P. de Rousiers, Daniel Zolla. Les forces productives de la France. Paris, Félix Alcan, 1 vol. in-16, 202 p. En 1907, la Société des anciens élèves de l'École libre des sciences politiques avait inauguré une série de conférences ayant pour objet des études de politique étrangère. L'ouvrage les réunissant n'avait pas rencontré moins de succès que les conférences elles-mêmes. Le même accueil attend, certainement, ce nouvel ouvrage, qui reproduit les conférences, organisées en 1908 sous les auspices de la société. Cette fois, la société a pensé qu'il y aurait intérêt, au début du xxe siècle, « à examiner quelquesunes des questions qui se posent, pour la production nationale, soit dans le domaine de l'agriculture, soit dans celui de l'industrie, de la marine march ande, du commerce d'exportation ou des colonies. Elle a trouvé aisément dans son entourage les hommes capables de traiter ces questions. Les noms des présidents des conférences et des conférenciers sont la meilleure garantie de la valeur et de l'intérêt de ce volume appelé à répandre dans le public des idées saines, des suggestions intéressantes, sur des questions de la solution plus ou moins heureuse desquelles dépendra finaleinent l'avenir du pays.

M. Paul Leroy-Baulieu, qui a présidé la première de ces conférences, a tracé en quelques pages un magistral tableau de la France économique dans le monde. M. Daniel Zolla a traité de la productivité de l'agriculture et les problèmes sociaux ». M. Edgard Allix, dont la conférence était présidée par M. Pierre Baudin, avait pris pour sujet la concentration industrielle et son influence sur le sort des classes ouvrières». M. Paul de Rousiers a exposé la question si grave pour la France de la marine marchande; sa conférence a été suivie par une courte allocution de M. J. Thierry, qui présidait. L'organisation du commerce extérieur et les agents de son développement », sujet d'une importance considérable, a été exposée par M. J.-C. Charpentier; M. Millerand, président de cette séance, a prononcé sur le même sujet une allocution suggestive. La dernière conférence avait pour titre « Les forces nouvelles en formation dans l'Afrique du Nord; ce domaine, appelé à augmenter singulièrement notre puissance économique, si nous savons mettre en valeur les richesses nombreuses qu'il recèle, ne pouvait être oublié dans l'examen des forces productives de la France. M. de Peyerimhoff, ancien directeur au gouvernement de l'Algérie, l'a traité avec une connaissance approfondie du sujet, et M. Roume, qui avait accepté de présider cette conférence, a, dans un sobre résumé, exposé les conclusions auxquelles l'ont conduit son expérience comme gouverneur de l'Afrique occidentale.

A. V.

Louis Marlio, ingénieur des Ponts et Chaussées, docteur en droit. La politique allemande et la navigation intérieure. 1 vol. in-8, 212 p., Sirey, 2e édition.

Ce livre est l'étude de la loi du 1er avril 1905, relative à l'extension et à l'amélioration du réseau des voies navigables intérieures de la Prusse, plus connue sous le nom de loi des canaux. Ouvrage utile, intéressant et bien fait, où l'auteur allie heureusement les compétences du juriste et de l'ingénieur. L'histoire des différents projets a été décrite maintes fois, mais presque toujours exclusivement au point de vue politique et économique, et c'est le mérite de M. M. de l'avoir envisagée surtout au point de vue technique. L'auteur met nettement en lumière l'originalité de la loi nouvelle qui rompt avec les vieux principes par l'établissement d'un péage sur les fleuves, due à l'initiative de M. Am. Zehnhoff et la démonstration qu'il nous donne de la légitimité de cette mesure paraît convaincante. Le monopole de la traction sur le canal du Rhin à la Weser, dont l'idée remonte également à M. Am. Zenhoff, concession faite au socialisme d'État, est la seconde caractéristique du projet. M. M. rend hommage à la valeur scientifique de son armature, mais il se montre très sceptique à l'égard de l'utilité des nouveaux travaux; il y voit surtout une manifestation d'impérialisme, dont le caractère grandiose a séduit les imaginations, celle de Guillaume II surtout, à qui l'œuvre doit sa réalisation, plus que son utilité réelle n'a pu persuader la raison. L'auteur ne s'est pas, aussi bien, placé au point de vue exclusif de l'Allemagne, il a cherché à dégager les leçons qui se dégagent pour notre pays de l'initiative allemande. Son ouvrage y gagne une portée générale qui le place à côté des meilleures études sur la matière des transports intérieurs par voie d'eau, très nombreuses en ces dernières années. S'il s'impose aux spécialistes, d'autres trouveront encore à le lire un profit certain.

R. DOLLOT.

Albert B. Martinez et Maurice Lewandowski. L'Argentine au XXo siecle. Lib. Armand Colin, 1 vol. in-18, 432 p. W. K. Koebel. L'Argentine moderne. Pierre Roger et Cie, 1 vol. in-18, 272 p.

Des pays d'avenir qui travaillent à se faire une place dans le monde, la République Argentine est à coup sûr un de ceux à qui il est permis de caresser les plus brillantes espérances. Longtemps entravée dans son essor par des luttes intestines, le calme politique enfin trouvé a donné confiance aux capitalistes et aux émigrants. Son développement économique depuis une décade a été extraordinaire. MM. Martinez et Lewandowski, qui ont pu se documenter aux sources officielles, nous donnent une étude claire et sobre de l'Argentine au point de vue économique. Leurs trois chapitres sur l'agriculture, l'industrie et les finances, exposent nettement les progrès récents, les conditions actuelles et les éléments de prospérité sur lesquels

« EdellinenJatka »