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contraire aux intentions et aux vœux du Pape, que la participation de l'Episcopat à une agitation politique.

Mais le Saint-Père ne pouvait qu'être péniblement affecté des mesures de rigueur prises contre certains membres du clergé français, et les tendances ouvertement hostiles aux congrégations qui continuent de se manifester en France, ne sont pas pour affaiblir les sentiments de tristesse et l'inquiétude avec lesquels il envisage l'avenir. Les preuves nouvelles que le Saint-Siège lui a données dernièrement de son bon vouloir doivent être pour le Gouvernement de la République, une raison de plus de s'attacher à éviter de nouvelles complications qui seraient de nature à rendre encore plus difficile au Saint-Père l'œuvre de conciliation et d'apaisement qu'il s'est assignée, en le mettant dans l'embarras vis-à-vis de l'Eglise et des catholiques de France.

NISARD.

No 9. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 11 mai 1900.

Le Cardinal Secrétaire d'Etat m'a remis une note où sont consignées les observations qu'a suggérées au Saint-Siège la Circulaire ministérielle du 2 avril adressée aux Evêques de France, au sujet des missions et prédications extraordinaires.

J'ai l'honneur d'envoyer, ci-joint, ce document à Votre Excellence, en traduction.

Le Gouvernement, d'après Son Eminence, ne pouvait se faire illusion sur le nouvel obstacle que cette initiative devait créer à l'œuvre d'apaisement, auquel le Saint-Siège avait été convié naguère, et qu'il se voyait, chaque jour davantage, seul à poursuivre. Survenant au lendemain de son intervention spontanée auprès des Pères Assomptionnistes, elle emprunte aux circonstances une signification décisive. Comment au Vatican ne se sentirait-on pas découragé ? S'il s'était produit quelques abus sur certains points, il eût été facile d'y remédier en procédant par voie d'espèces. Mais s'adresser à l'Episcopat tout entier avec cet éclat et en termes aussi rigoureux, n'était-ce pas donner un nouvel aliment aux polémiques dont il semblait qu'on fût d'accord des deux côtés, pour éteindre le foyer?

NISARD.

ANNEXE

Le Cardinal Rampolla, Secrétaire d'Etat de Sa Sainteté à M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le SaintSiège.

Rome, le 28 avril 1900.

La circulaire ministérielle du 2 avril courant adressée aux évêques de France, au sujet des missions ou prédications extraordinatres, ne pouvait ne pas produire une douloureuse surprise dans l'esprit du Saint-Père et ARCH. DIPL. 1903. 3o SÉRIE, T. LXXXVI.

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ne saurait ne pas provoquer des observations de la part du Saint-Siège Apostolique.

Les saintes missions sont considérées par l'Eglise comme l'un des moyens les plus aptes et les plus efficaces pour maintenir ou réveiller chez les peuples, la religion et la piété ; aussi Sa Sainteté, dans sa suprême sollicitude pour le bien des âmes, en a-t-elle toujours inculqué l'usage à tous les Evêques de l'Univers catholique. Elles ont lieu librement dans les diverses nations, et, partout, on en constate les effets bienfaisants à la réelle satisfaction des fidèles et de leurs pasteurs.

Le clergé paroissial dont le nombre est, en général, insuffisant et qui, d'ordinaire, est absorbé par son ministère, doit souvent recourir, pour ces prédications extraordinaires, à l'aide des religieux qui se vouent spécialement au Ministère Apostolique et qui, suivant l'esprit de l'Eglise, sont précisément les auxiliaires naturels du clergé qui a charge d'âmes. Dûment autorisés par l'ordinaire et sous sa surveillance, ils sont librement appelés à prêter leur aide aux curés, en annonçant la divine parole soit dans les stations de l'Avent et du Carème, soit dans les Saintes missions.

Il n'est pas, que l'on sache, de texte de loi dans la législation française qui s'oppose à cette discipline ecclésiastique d'ordre général et on ne saurait même pas justifier une exception restrictive pour les religieux non reconnus par cette législation; en effet, s'ils appartiennent à un corps moral non reconnu comme tel par la loi civile, il ne s'ensuit pas que, en tant qu'individus, ils restent dépouillés du caractère sacerdotal qui leur est propre, ni qu'ils soient rendus inhabiles à exercer le saint ministère sous la dépendance de l'autorité diocésaine, comme les membres du clergé séculier.

On ne saurait comprendre qu'on puisse invoquer ici le décret du 26 septembre 1809; ayant spécialement pour objet d'interdire aux missionnaires établis alors à Gênes, les soi-disant « missions à l'intérieur » et s'inspirant de l'hostilité impériale du moment envers Pie VII, alors prisonnier à Savone, ce décret qui frappait aussi la Société émérite des missions étrangères, ne fut pas inséré dans le Bulletin des lois et fut mis de côté; pour mieux dire, il est tombé en désuétude, malgré les ordonnances de 1830 et de 1831 qui tendaient à le remettre en vigueur.

En négligeant toules autres réflexions que le Décret dont il s'agit serait de nature à suggérer, il suffira de penser que vouloir appliquer aujourd'hui les vieilles mesures de rigueur abandonnés par l'Empire et par la Monarchie, c'est non seulement vouloir agir contre l'esprit d'un Etat qui a ses fondements sur les principes de la liberté, mais encore ne pas répondre au besoin réel et bien connu de pacification religieuse, ni aux nombreux témoignages de déférence fournis par le Saint-Père au Gouvernement de la République française.

Enfin, puisque la « législation concordataire » se trouve visée dans la circulaire du 2 avril, le Saint-Siège se voit obligé de déclarer que le Concordat du 15 juillet 1801 ne contient aucune disposition contre les congrégations religieuses, ni contre la liberté de la prédication et que les articles organiques et les décrets y relatifs, même s'ils se référaient en réalité à telle matière, furent rendus, comme on le sait, absolument en dehors du Saint-Siège, qui formula, en son temps, les proteslations les plus explicites.

N° 10. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères

Rome, le 10 novembre 1900.

Le Pape, qui vient de me recevoir à mon retour de congé, s'est élevé contre les tendances que lui paraissent accuser les dernières manifestations du Gouvernement.

« Nous nous retrouvons, m'a-t-il dit, dans des circonstances bien peu favorables et les amertumes n'auront pas été épargnées au Chef de l'Eglise. Comment se méprendre sur le caractère et les effets des dispositions dirigées contre les congrégations, ces organes essentiels de la vie religieuse, contre la liberté d'enseignement, cette forme sacrée entre toutes de la liberté de conscience?

>> Veut-on mettre le pape dans l'impossibilité de poursuivre son œuvre pacificatrice et de continuer la politique dont, malgré tant d'obstacles, s'est inspiré tout son Pontificat ? »

Le Saint-Père s'est naturellement étendu sur les services que les missionnaires ne cessent de rendre à l'influence française, services attestés par le prix que le Gouvernement de la République attache au privilège qui lui assure le protectorat des intérêts catholiques en Orient et en ExtrêmeOrient. Si, du côté des congrégations, il y a des abus, des difficultés, pourquoi ne pas s'adresser au Pape? N'a-t-il pas, dans l'affaire des Assomptionnistes, dans d'autres incidents, donné la preuve de la sincérité de son bon vouloir et de l'efficacité de son pouvoir ? Sa parole a été obéie, et tous se sont inclinés.

J'ai indiqué au Saint-Père, suivant les instructions que vous m'aviez données avant mon départ de Paris, les motifs d'ordre constitutionnel et politique qui ne permettent pas, en pareille matière, à un Gouvernement parlementaire de procéder exclusivement par voie d'espèce et de recours diplomatique, et la nécessité, pour lui, d'associer le Parlement à son ac

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N° 11. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 5 janvier 1901.

En raison des fêtes du nouvel an, c'était hier la première fois que j'avais occasion d'entretenir le Cardinal Rampolla, depuis la publication de la lettre que le Pape a adressée au Cardinal Richard. Je n'ai pas cru devoir cacher au Secrétaire d'Etat que la publication d'un tel acte, à la veille de la discussion de la loi sur les associations, ne pouvait manquer de provoquer, de divers côtés, des commentaires dont il était difficile de s'exagérer les fàcheux effets. Ceux des catholiques qui ne pardonnent pas au Pape son attitude à l'égard de la République, aussi bien que les partisans de la dénonciation du Concordat, devaient s'efforcer de répandre l'idée qu'il s'agissait d'une tentative de pression sur les délibération des assemblées françaises. Le Cardinal s'est élevé avec force contre une telle interprétation des intentions du Saint-Père.

En outre, ai-je ajouté, il était regrettable que, parmi les journaux catholiques, ce fût une feuille faisant profession d'hostilité déclarée envers le

Gouvernement qu'on eût paru choisir pour recevoir la première communication de la pensée pontificale.

Le Cardinal Rampolla s'est empressé de décliner toute responsabilité à cet égard, en m'expliquant qu'il s'agissait là d'un incident tout à fait en dehors des prévisions du Saint-Siège et absolument contraire aux dispositions qui avaient été prises par lui pour que toutes les feuilles catholiques eussent simultanément communication de la lettre du Pape.

Je me suis particulièrement attaché à mettre mon interlocuteur en garde contre les conséquences que pouvait avoir, au point de vue parlementaire, cette publication survenant à la veille de l'ouverture des débals.

NISARD.

N° 12. M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères à M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège

Paris, le 17 janvier 1901.

Vous avez lu, dans le Journal officiel, le compte rendu de la séance de lundi à la Chambre des députés, et vous avez apprécié tout ce qu'il a fallu à la fois de fermeté et d'habileté au Président du Conseil pour conjurer les conséquences de la lettre, au moins inopportune, du Pape au Cardinal Richard et à laquelle le Cardinal Richard ne s'est pas fait faute de donner la publicité la plus dangereuse qu'il a pu choisir. D'autre part, le dépôt du projet de loi qui affecte en temps de paix les séminaristes aux services d'infirmerie où ils seront employés en temps de guerre, projet dont je n'ai pas voulu parler au Nonce avant sa présentation à la Chambre, pour lui laisser ainsi tout son caractère de spontanéité, témoigne assez haut de la résolution du Gouvernement de faire à la continuation de ses bons rapports avec le Saint-Siège, tous les sacrifices compatibles avec l'intérêt de la République et les droits de la société civile dont il a la garde, mais il veut être secondé.

DELCASSÉ.

N° 13. M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères, à M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège

Paris, le 10 avril 1901.

Vous sentez certainement à quel point il est nécessaire que, dans son allocution au Consistoire du 15 avril, le Pape ne prononce aucune parole qui, en blessant certains sentiments dans notre Parlement, aurait infailliblement pour contre-coup quelque aggravation par le Sénat, de la loi sur les associations. J'ai dit au Nonce plusieurs fois et lui ai tout récemment répété combien il importe à la cause qui intéresse le Vatican, que la Curie romaine et notre clergé observent une extrême réserve dans les circonstances actuelles.

Je vous laisse juge des conditions dans lesquelles vous pourrez, de votre côté, faire le plus utilement entendre des conseils analogues. DELCASSÉ.

N° 14. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères

Rome, le 13 avril 1901.

Conformément aux indications contenues dans votre lettre du 10 de ce mois, j'ai représenté de nouveau au Cardinal Rampolla le danger que présenterait, pour la cause même qui intéresse le Vatican, l'allocution prononcée au prochain consistoire, si elle devait être conçue dans le sens que lui assignaient par avance certaines feuilles intransigeantes.

Le Cardinal, tout en appréciant les motifs de votre insistance auprès du Nonce, ne m'a pas caché que jamais il n'avait trouvé le Pape aussi affecté que dans les derniers temps, de la situation religieuse en France. Les restrictions apportées à la liberté de l'enseignement ont été particulièrement ressenties par le Saint-Père.

Je n'en ai pas moins insisté sur la valeur des considérations parlementaires signalées au Nonce, en exprimant votre ferme espoir que la haute sagesse de Léon XIII saurait, dans l'accomplissement de ses devoirs de Pontife, tenir compte des intérêts que vous n'aviez pas hésité à lui signaler, dans une pensée sur laquelle il était impossible de se méprendre.

NISARD.

N° 15. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères

Rome, le 6 juillet 1901.

J'ai l'honneur de vous envoyer, ci-joint, la traduction d'une Note que le Cardinal Secrétaire d'Etat vient de m'adresser, d'ordre de Sa Sainteté. D'autre part, le Pape vient d'adresser aux chefs d'ordres une lettre où il est fait allusion, d'une manière générale, aux épreuves qu'ont à subir en ce moment les ordres religieux dans plusieurs Etats; mais, en un passage, elle vise spécialement les lois d'exception approuvées récemment par les pouvoirs publics, chez une nation particulièrement féconde en vocations religieuses et qui n'a pas cessé d'être l'ojet de la plus grande solli.citude du Souverain Pontife.

On y trouve reproduite en termes sensiblement analogues à ceux de la Note du Secrétaire d'Etat, la protestation du Saint-Siège contre ces lois signalées notamment « comme contraires au droit absolu de l'Eglise de >> fonder des institutions religieuses exclusivement dépendantes d'elle ». La plus grande partie, d'ailleurs, en est consacrée à des encouragements, des directions spirituelles, qui exaltent surtout l'esprit de douceur, d'indulgence et de charité chrétienne envers tous.

NISARD

ANNEXE

Le Saint-Père, comptant sur la sagesse de ceux qui président aux destinées de la France et sur l'équité de sa représentation nationale, espérait qu'il serait dûment tenu compte des paternelles et bienveillantes exhortations contenues dans la lettre adressée par lui en décembre dernier à S. E.

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