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PRÉFACE

Pour la première fois dans l'histoire humaine, le monde forme aujourd'hui, en ce matin du xx° siècle, un tout dont, au point de vue politique comme au point de vue économique, toutes les parties se tiennent et se commandent les unes les autres.

Nous sommes définitivement entrés dans une ère nouvelle, celle que, d'un mot nouveau, nous appelons la politique mondiale. Les quatre derniers siècles, depuis les grandes découvertes de la Renaissance, nous y avaient déjà lentement acheminés. Devant notre petite Europe, longtemps confinée entre ses mers intérieures, avaient surgi, du fond de l'Océan ou du fond des déserts, à l'Orient en même temps. qu'à l'Occident, des mondes nouveaux, qui, en s'ouvrant aux ambitions rivales des cabinets et des peuples, avaient sans cesse élargi le champ de la politique, si bien qu'elle a fini par n'avoir d'autres limites que les bornes de la terre habitable.

Aux peuples et aux Etats contemporains, il est d'autant moins permis de s'enfermer dans leurs frontières, si vaste en soit l'enceinte, que plus fécond et plus riche est leur territoire, que plus industrieux est leur génie. Le politique moderne n'a pas le droit d'être myope; sa première qualité est d'avoir la vue longue; de même que l'économiste, et plus

encore peut-être, il doit savoir embrasser, comme d'un seul regard, toute la surface de la planète qui à nos yeux, sinon à nos ambitions, semble déjà trop étroite.

Ainsi que le grand commerce, la politique, qui elle-même s'inspire de plus en plus des intérêts commerciaux, est devenue essentiellement internationale. Et cela n'est pas seulement vrai de la politique extérieure, des affaires étrangères, de la diplomatie, cela l'est presque autant de la politique intérieure. Ce qui donne à la politique contemporaine un caractère mondial, ce n'est pas seulement que le champ d'action des peuples et des États s'est démesurément agrandi ; que les rivalités des nations, les entreprises coloniales, le partage des terres neuves, le débordement des nouveaux impérialismes d'Europe, d'Asie, d'Amérique exaltent toutes les ambitions, entre-croisent tous les intérêts, menaçant de mettre aux prises les Empires, les civilisations, les races, sur tous les continents et sur tous les Océans. Pour qui considère le monde contemporain, en travail d'un nouvel état social, la politique intérieure, jadis étroitement cantonnée dans les cadres nationaux participe elle-même à cette ampleur nouvelle des vues et des intérêts, s'élargit elle aussi, dépasse les frontières et prend également, à bien des égards, un aspect international.

Si vivace et si puissant que demeure encore heureusement, chez les peuples modernes, le sentiment national, ils n'échappent pas, dans leurs efforts pour réaliser leur commun idéal, à un certain genre de cosmopolitisme. Ils s'entre-regardent avec une curiosité croissante; ils s'examinent, ils s'étudient, ils s'imitent de plus en plus les uns les autres. Les inventions nouvelles abrégeant toutes les distances, le monde devient chaque jour plus petit, et les nations plus voisines. Elles ne se contentent pas de créer entre elles des

institutions et des bureaux internationaux, de se réunir en congrès publics ou privés; elles se font volontiers des emprunts mutuels, elles cherchent, les unes chez les autres, sinon des modèles, du moins des exemples et des leçons.

Fait nouveau d'une importance capitale, dû à l'avènement de la démocratie et à la pression du socialisme, les mêmes questions surgissent simultanément dans la plupart des Etats; les mêmes problèmes sont discutés, presque à la même heure, dans presque tous les parlements. D'un bout à l'autre du monde civilisé, des solutions identiques sont défendues ou combattues, avec des arguments semblables, par des partis analogues.

Partout, des deux côtés de l'Océan, le fond même des peuples, les masses ouvrières sont remuées par les mêmes passions, soulevées par le même effort, emportées par un même courant vers un même idéal. Comme une religion nouvelle, prêchée en même temps chez les nations les plus diverses, le socialisme a partout ses apôtres et ses prophètes, ses prosélytes et ses croyants, également en révolte contre les doctrines traditionnelles et contre les droits anciens, également confiants dans l'avènement prochain d'un règne messianique de justice et de paix, sous la souveraineté prolétarienne.

Jamais le monde politique n'a eu autant d'unité et à la fois autant de variété : — autant d'unité parce que les mêmes problèmes y sont discutés presque partout en même temps; autant de variété, parce que toutes les nations, toutes les races, toutes les civilisations rentrent dans le champ de la politique contemporaine, chacune y apportant son génie, son caractère, ses aspirations propres. Par suite, jamais la connaissance de l'étranger n'a été ausssi utile ou mieux aussi nécessaire, et jamais elle n'a exigé autant de soin ou de travail. Ce vaste monde contemporain, à la fois un et multiple,

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